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A Milan et Naples
Milan & Naples : “Macbeth“ & “I Lombardi“

A la Scala, la reprise de Macbeth remettait au goût du jour la production de Graham Vick. A Naples, la programmation était plus originale, avec I Lombardi alla prima crociata.

Article mis en ligne le 1er juillet 2008
dernière modification le 9 septembre 2013

par Frank FREDENRICH

En Italie, respecter les personnes âgées n’est pas une formule vide de sens. Avec un président de la République octogénaire et un Cavaliere président du Conseil septuagénaire, on se doute un peu que le problème des retraites anticipées ne se pose pas de la même façon qu’en France par exemple.

Ainsi dans les temples de l’art lyrique transalpin, on vient volontiers applaudir Leo Nucci (né en 1942) ou Ruggero Raimondi (né en 1941) comme bien d’autres vedettes « d’un certain âge » dans le passé. De fait, on comprend que nul ne cherche à se plaindre de ce qui pourrait passer pour un manque de renouvellement de voix spécifiques au répertoire verdien, pour ne citer que ce compositeur en l’occurrence.

Milan : Macbeth
A la Scala, la reprise de Macbeth remettait au goût du jour pour la quatrième fois la production signée par Graham Vick (première le 7 décembre 1997), successeur de prestigieux metteurs en scène, Jean Vilar (en 1964) et Giorgio Strehler (en 1975 avec des reprises en 1979 et 1985). Cette réalisation a bien vieilli, avec une scénographie originale reposant sur l’omniprésence d’un immense cube autour duquel se nouent les actions et jouent les protagonistes superbement mis en lumières par les éclairages de Mattew Richardson. La mise en place des interprètes était efficace à défaut d’originalité et évitait surtout l’illustration au premier degré, gommant les aspects folkloriques de l’œuvre pour mettre en exergue la résistible et vaine ascension de Lady Macbeth et de son faible époux. C’est sans doute bien ainsi qu’il faut comprendre cette conception dans laquelle la Lady Macbeth de Violeta Urmana a le beau rôle, caractérisant avec un évident engagement un personnage qu’elle défendait avec un bel aplomb scénique tout en se montrant à l’aise vocalement.

« Macbeth »
Copyright : Teatro alla Scala – foto Marco Brescia

A ses côtés, Leo Nucci était un Macbeth tourmenté, héros apeuré aux intonations sombres et désespérées qui ne manquait pas de grandeur tragique. Et si Ildar Abdrazakov imposait un Banco vocalement solide, les autres protagonistes ne se hissant que rarement à ce niveau, la direction musicale de Kazushi Ono ne suscitait guère de réserve, pas plus qu’elle ne suscitait l’enthousiasme. A l’image d’une reprise sans grande surprise…

Naples : I Lombardi alla prima crociata
Au San Carlo de Naples, la programmation était plus originale, avec les trop rares I Lombardi alla prima crociata, ou l’occasion de retrouver Ruggero Raimondi dans un rôle tragique dont il s’est tiré avec les honneurs et les applaudissements chaleureux du public local. Sur la scène napolitaine, les clichés de l’art lyrique étaient au rendez-vous, avec carton-pâte, costumes médiévaux, étendards et autres éléments décoratifs traditionnels, pour traduire visuellement cette histoire complexe de parricide et d’amour, de trahison et de rédemption, d’ermite et de croisés, de harem et de sacrifice sans oublier les inévitables batailles.

« I Lombardi alla prima crociata »
© Luciano Romano

Souvent abordée de manière martiale, en raison de quelques passages justifiant cela («  Guerra ! guerra ! »), l’œuvre bénéficiait pourtant d’une direction musicale attentive et nuancée de Pier Giorgio Morandi, mettant en valeur les aspects les plus subtils d’une partition qui fait également la part belle au chœur. Ainsi le chœur des croisés et pèlerins (« O Signore, dal tetto natio ») est l’égal de l’incontournable « Va pensiero » de Nabucco et la superbe interprétation des choristes du Théâtre San Carlo dirigés par Marco Ozbic a été à juste titre acclamée avant d’être bissée. Ces Lombards exigent une distribution de haut niveau puisque tous les grands ténors ont abordé le rôle d’Arvino qui pour être relativement court n’en est pas moins extrêmement périlleux. Tito Beltran a relevé le défi avec un timbre indéniablement séduisant, le ténor d’origine chilienne étant aussi plaisant à entendre affronter une tessiture exigeante, que caricaturalement maladroit dans sa manière de se mouvoir. La Giselda de Dimitra Theodossiou était également digne d’éloges donnant ainsi l’occasion d’apprécier un ensemble vocal bien distribué, puisque Ruggero Raimondi avait su tracer un portrait émouvant du parricide devenu ermite. Une réussite musicale confirmée par la qualité de l’Orchestre du Teatro San Carlo à laquelle il convient sans doute de lier le nom de son directeur musical qui n’est autre que Jeffrey Tate.

Frank Fredenrich