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Opéra de Marseille
Marseille : Récital Florez & “Cavalleria / Pagliacci“

Après un magnifique récital Florez, un remarquable Pagliacci avec Galouzine.

Article mis en ligne le 1er mars 2011
dernière modification le 24 mars 2011

par François JESTIN, Frank FREDENRICH

C’est l’événement à l’Opéra de Marseille : la salle est archicomble pour Juan Diego Florez, une nouvelle preuve de son statut de vedette internationale. Et les spectateurs ont fait le bon choix !

Dans une très belle forme, le ténor démarre avec un Mozart « Se all’impero » (la Clemenza di Tito), agile, souple, élégant, toujours parfaitement musical, d’une grande longueur de souffle. Puis on passe à Rossini, avec deux chansons, puis deux morceaux de choix extraits d’Otello et de la Messa di Gloria, dont les passages pyrotechniques et les écarts vertigineux sont particulièrement excitants… lorsqu’ils sont chantés par Florez ! Certes l’accompagnement au piano seul – tenu par un Vincenzo Scalera toujours très attentif au soliste – peut paraître un peu réducteur pour la Messa di Gloria.
La deuxième partie débute avec trois chansons espagnoles, très soignées, puis Verdi conclut le programme, avec deux extraits de Rigoletto (un merveilleux « Parmi veder le lagrime » élégiaque et sur le souffle) ainsi qu’un passage du plus rare Un giorno di regno. Très généreux, ce sont cinq bis que le chanteur péruvien accorde à un public marseillais électrique. Au-delà des traditionnels « La donna è mobile » et « Pour mon âme », la révélation vient ce soir de Roméo et Juliette : son « Ah lève-toi soleil » révèle un français d’une qualité insoupçonnée jusqu’à présent, la ligne de chant, la grâce et le phrasé le plaçant comme digne successeur d’Alfredo Kraus. A signaler un « collector » (une sorte d’introuvable du chant verdien !), lorsque le ténor marque une pause avant de délivrer son dernier aigu dans « La donna è mobile » : dans ce petit moment de complicité avec le public, un spectateur (un vrai connaisseur ?) hurle « la suite ! » avec son meilleur accent marseillais !
François Jestin

Vincenzo Scalera et Juan Diego Florez
© Christian Dresse

Avant de triompher à l’Opéra de Marseille, Juan Diego Florez avait chauffé l’Auditorium Rainier III de la principauté monégasque (le 27 janvier) d’une façon saisissante, accompagné par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et le Chœur de l’Opéra dirigés par Alessandro Vitiello. On sait par ailleurs que ce genre de prestation s’apparente souvent à un repas de grande maison, la mise en bouche ici n’était autre qu’un air du Matrimonio segreto avant de passer à un très consistant « Che ascolto ? Ahime » de l’Otello rossinien auquel succédait le « Qui tollis » de la Missa di Gloria, du compositeur fétiche du ténor péruvien. Les plats de résistance se succédaient ensuite, faisant alterner Verdi - en particulier un pyrotechnique « Pietoso al lungo pianto » tiré d’Un giorno di regno – et des airs français, « Viens, gentille dame » de la Dame Blanche de Boildieu ou encore en bis un étourdissant « Ah lève-toi soleil » de Gounod d’anthologie, à la manière d’une gourmandise de fin d’une enivrante soirée.
Frank Fredenrich

Dyptique : Cavalleria / Pagliacci


Coproduite par les Chorégies d’Orange, où le diptyque vériste a été donné en 2009, la réalisation de Jean-Claude Auvray est encore plus convaincante sur le plateau resserré de l’Opéra de Marseille. Il s’agit beaucoup plus d’une nouvelle mise en scène qu’un modèle réduit du spectacle vu au théâtre antique, en suivant toutefois les mêmes idées, et en perdant au passage quelques éléments du décor. Le lieu autorise en particulier de magnifiques projections photos en noir et blanc sur le fond du plateau : les toits d’un village sicilien pour Cavalleria et pour Pagliacci un chantier italien des années 1950, typique des films de Fellini.
L’orchestre est dans sa meilleure forme, dynamique mais pas pompier, sous la direction de Fabrizio Maria Carminati, tout nouveau premier chef invité de la phalange. La distribution vocale est digne des plus grandes maisons : Béatrice Uria-Monzon (Santuzza), déjà présente à Orange, fait admirer son timbre racé, sans besoin de forcer autant qu’au théâtre antique, et Luca Lombardo (Turiddu) maîtrise sans problème son rôle, même si certaines attaques d’aigus sont aujourd’hui bien plus prudentes que par le passé. Aux côtés d’une modeste Lola (Patricia Fernandez) et d’une Mamma Lucia caricaturale (Viorica Cortez), le puissant baryton Carlos Almaguer est le seul chanteur à enchaîner les deux ouvrages (Alfio, puis Tonio).

« Pagliacci », avec Vladimir Galouzine (Canio)
© Christian Dresse

Dans Pagliacci, le ténor Vladimir Galouzine (Canio) fait sensation : la voix est évidemment très slave, mais les aigus sont incroyablement percutants, et son « Vesti la giubba » poignant. Les seconds rôles sont distribués avec luxe – Etienne Dupuis (Silvio) et Stanislas de Barbeyrac (Beppe) – tandis que la soprano Nataliya Tymchenko (Nedda), vite dépassée par les exigences du rôle, est le seul point faible de la soirée.

François Jestin

Récital Juan Diego Florez : le 31 janvier 2011 à l’Opéra de Marseille
Mascagni : CAVALLERIA RUSTICANA
Leoncavallo : I PAGLIACCI : le 2 février 2011 à l’Opéra de Marseille