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Opéra de Marseille
Marseille : “Hamlet“

Evénement à Marseille, avec la prise du rôle d’Ophélie par Patrizia Ciofi.

Article mis en ligne le juillet 2010
dernière modification le 17 août 2010

par François JESTIN

Plutôt rarement représenté, Hamlet a les honneurs des scènes françaises cette saison : après une production donnée à Metz puis Saint-Etienne (voir chronique dans SM 221), l’Opéra de Marseille propose une nouvelle réalisation du chef-d’œuvre d’Ambroise Thomas.

On pouvait avoir quelques doutes a priori sur la direction musicale confiée au chef Nader Abbassi, qui avait moyennement convaincu ici-même ces dernières saisons dans le répertoire verdien (Un Ballo in Maschera, puis Aida). A l’arrivée, il faut bien reconnaître un magnifique résultat : la tension dramatique est maintenue tout du long, la musique est majestueuse dans les moments brillants, mais sans grandiloquence, et techniquement les instrumentistes sont particulièrement concentrés. On pourra tout juste reprocher un excès d’enthousiasme par instants, qui produit un volume sonore commençant à couvrir les solistes sur le plateau.
Les chœurs sont aussi très investis, attentifs à la prononciation du texte, même si on repère encore quelques faiblesses – plutôt côté féminin – du point de vue de l’homogénéité et de la maîtrise des aigus. Les nuances forte du chœur sont les meilleures, mais à l‘inverse le morceau a cappella à l’acte I est assez hasardeux.
Deux solistes faisaient partie de la distribution stéphanoise : la basse Nicolas Cavallier (Claudius), toujours aussi souverain dans la puissance et le timbre, et le ténor Christophe Berry (Laërte), élégant, bien conduit, et parfaitement compréhensible. Le baryton Franco Pomponi est une excellente surprise dans le rôle-titre : beau grain de voix, stable et bien projeté, le français est soigné (de gros progrès ont été effectués depuis son récent Escamillo, entendu à Toulon). L’acteur est impressionnant, il pique quelques sprints dans la salle et sur scène, et compose un Hamlet particulièrement bouillonnant ; son air « ô vin, dissipe la tristesse » rappelle le « Fin ch’han dal vino » du Don Giovanni (rôle chanté à Montpellier, voir SM 204).

« Hamlet » avec Patrizia Ciofi (Ophélie)
© Christian Dresse

L’événement annoncé tenait cependant en la prise du rôle d’Ophélie par la soprano italienne Patrizia Ciofi. Cet emploi lui était prédestiné : la voix d’essence lyrique déploie agilité, notes piquées, et son air de folie déclenche à juste titre les ovations du public. Son personnage est visuellement très poignant dans la dernière scène, qui part comme un fantôme évaporé. Pour compléter la distribution, Marie-Ange Todorovitch (Gertrude) rencontre malheureusement de graves problèmes sur certains aigus, où la voix semble se déchirer, la basse Patrick Bolleire (le Spectre du roi) est splendide, et Bruno Comparetti (Marcellus) produit bien meilleure impression qu’Alain Gabriel (Horatio).
La mise en scène de Vincent Boussard ne fait pas très riche, avec un décor unique (signé par Vincent Lemaire) de hautes parois recouvertes d’un film transparent froissé, mais qui a le mérite de pouvoir enchaîner les tableaux sans temps morts. La variation des éclairages (de Guido Levi) permet rapidement de passer des scènes d’intérieur à l’extérieur, et le thème du livre est très présent chez Ophélie. Quelques images fortes – comme le figurant qui descend des cintres à l’horizontale pour la première apparition du spectre, ou l’improbable baignoire dans laquelle Ophélie chante son grand air – n’effacent pas la sombre impression générale, les images proposées étant au choix noires ou grises. L’action est alors resserrée et c’est la violence du jeu qui domine : un Hamlet torturé, sanguin, un couple Reine – Roi qui déborde visiblement de passion amoureuse, ou encore la reine qui finit par perdre sa robe à la fin de la violente confrontation avec son fils Hamlet, la tension est à son comble, bien soutenue par le discours musical.

François Jestin

Thomas : HAMLET : le 29 mai 2010 à l’Opéra de Marseille