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A l’Opéra de Lyon
Lyon : “Siegfried“
Article mis en ligne le décembre 2007
dernière modification le 16 décembre 2007

par Jacques SCHMITT

Sortir du contexte du Ring des Nibelungen de Richard Wagner pour présenter Siegfried comme un opéra en soi est un tour de force que réussi admirablement le cinéaste canadien François Girard lors de cette production d’ouverture de la nouvelle saison de l’Opéra de Lyon.

D’emblée reconnaissons-lui l’esthétique d’une beauté poétique lorsque, dans le dernier acte, il met en scène Siegfried libérant Brünnhilde du rideau de flammes qui l’entoure. Un rideau de flammes qu’il crée avec une vingtaine de figurants drapés de blanc. D’abord étendus en un cercle compact, ils s’élèvent bientôt, les bras ondulants au-dessus de leurs têtes chargées d’éclairages rougeoyants comme d’innombrables flammèches. Pourfendant le feu qui peu à peu s’éteint, la scène retombe dans le noir, habitée de la seule image du héros vêtu de la pureté blanche de son intégrité. Il découvre alors lentement les cendres noires du feu consumé pour, dans l’éclat d’un linceul éclatant de blancheur, laisser apparaître Brünnhilde dans une robe de dentelles noire. Une symphonie en noir et blanc. Le Yin et le Yang. L’Homme et la Femme. Des images d’une force et d’une poésie immenses.

“Siegfried“, à l’opéra de Lyon

Dans cet environnement admirable, les protagonistes ont tôt fait de se ranger à la beauté et à l’intelligence du spectacle imaginé par François Girard. Dopés par la musique de Wagner que le chef allemand Gerard Korsten insuffle avec élégance à un très bon Orchestre de l’Opéra de Lyon, le plateau se révèle d’une qualité d’exception. À commencer par le ténor Stig Andersen qui s’acquitte de l’écrasant rôle-titre sans jamais faiblir. Avec un rien d’acidité dans la voix, une projection vocale exemplaire, il campe un Siegfried ingénu à souhait, comme un touchant idiot du village jusqu’à ce que son indifférence à la peur le quitte au moment de découvrir Brünnhilde. Il prend alors les couleurs d’un amoureux transi. Un chant magnifique, une diction parfaite. À ses côtés, les autres protagonistes ne déméritent pas. À l’image de la diaphane figure de la basse Matthew Best (Der Wanderer). Sa noblesse vocale le moule parfaitement dans le dieu Wotan prodiguant ses conseils. Efflanqué comme un apôtre mythique, son personnage est encore exacerbé par l’ampleur profonde de sa voix. Si Kurt Gysen est un Fafner honnête, l’Alberich de Pavlo Hunka est parfait autant dans l’articulation vocale, dans la diction que dans la musicalité. On reste toutefois plus réservé sur la prestation du ténor Robert Künzli (Mime) qui passe un peu à côté de son personnage. Sans mettre sa vocalité en cause mais, son manque de couleurs et d’intentions théâtrales ternissent le personnage le plus misérablement cupide et mesquin de l’intrigue. Dommage de manquer une si belle occasion !

Côté féminin, la mezzo-soprano Mette Ejsing (Erda) s’impose sans même forcer son instrument. Son trop court concours reste cependant l’un des plus émouvants moments de cette production. En revanche, la Brünnhilde de Susan Bullock est décevante. La voix souvent stridente et métallique, la soprano anglaise manque de legato et parfois de justesse. Dommage car la très haute tenue de cette distribution méritait mieux que cette soprano fatiguée et fatigante !

Jacques Schmitt

Représentation du 21 octobre 2007