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Opéra de Lyon
Lyon : “Luisa Miller“

Une étoile est née !

Article mis en ligne le 1er juin 2011
dernière modification le 5 novembre 2013

par François JESTIN

La nouvelle production de Luisa Miller, signée de David Alden, ne déclenche pas d’enthousiasme immodéré dans la salle. Une étoile y brille cependant : la soprano Ermonela Jaho dans le rôle-titre.

Donnée uniquement en 1988 à l’auditorium Maurice Ravel, c’est peu dire que Luisa Miller est une extrême rareté sur la scène lyonnaise. Difficile alors de succéder à la glorieuse June Anderson distribuée en Luisa il y a bientôt 25 ans, mais la soprano albanaise relève le défi, sans complexes. Plus que les moyens vocaux – instrument volumineux, mais qui sait aussi s’alléger pour délivrer de subtils piani, et musicalité sans failles – c’est surtout l’investissement et l’expressivité d’Ermonela Jaho qui frappent les esprits et les cœurs. Elle vit l’intrigue à 100%, tombe comme une masse lorsqu’elle meurt empoisonnée, et semble encore complètement sous le choc lorsqu’elle vient saluer à l’issue du spectacle.

« Luisa Miller » avec Ermonela Jaho (Luisa) et Adam Diegel (Rodolfo)
© Jean-Louis Fernandez

A côté de cette tragédienne, les autres protagonistes palissent un peu. Le ténor Adam Diegel (Rodolfo) dévoile un médium d’une puissance impressionnante, poussé à la limite du raisonnable. Quelques petits signes de faiblesse apparaissent tout de même lorsqu’il doit sauter vers l’aigu, et il finit par craquer son aigu en fin d’acte I : ses moyens sont certains, mais il doit choisir ses rôles avec prudence. Le baryton Sebastian Catana (Miller) possède également un gros volume sur toute la tessiture, avec un style et un timbre qui pourraient peut-être gagner en séduction. Côté basses, Alexey Tikhomirov (Wurm) tire vers un Méphistophélès (nous y reviendrons !) à l’accent slave, et Riccardo Zanellato (le Comte Walter) est insuffisant, de même que la mezzo Federica (Mariana Carnovali) pas toujours très stable et juste. Dès les premières mesures de l’ouverture, les cordes éprouvent quelques menues difficultés à assurer collectivement la virtuosité de la partition.

Le chef Kazushi Ono propose par la suite d’intéressantes nuances, en essayant de garder l’intensité orchestrale sous contrôle. Le résultat est de bonne qualité – même si les voix ont du mal par instants à franchir la fosse - mais Verdi n’est probablement pas le répertoire de prédilection du directeur musical de la maison. L’illustration visuelle de David Alden est particulièrement sombre, oppressante, déprimante, mais n’évite pas certains poncifs déjà vus par ailleurs : Luisa commence les deux premiers actes dans son lit, les chorégraphies (avec éventails agités chez les femmes…) sont peu captivantes, et les moments les plus réussis sont finalement ceux où les masses chorales sont immobiles. Dès l’entrée en scène de Wurm, on ne peut pas avoir de doute sur l’identité du méchant de l’histoire : tel un diable ou le Docteur Miracle des Contes d’Hoffmann (surtout que Miller fabrique des violons à cet instant-là…), il apparaît en manteau de cuir noir, haut-de-forme, et pousse de temps à autre des ricanements démoniaques. Un peu plus tard, l’arrivée de la duchesse Federica sur une spectaculaire statue de cheval laisse également dubitatif.

François Jestin

Verdi : LUISA MILLER : le 19 avril 2011 à l’Opéra de Lyon