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A l’opéra de Lyon
Lyon : “La Vie parisienne“

Avec cette production lyonnaise de « La Vie Parisienne », dont il assure la mise en scène, Laurent Pelly offre un délirant Offenbach.

Article mis en ligne le février 2008
dernière modification le 5 février 2008

par Jacques SCHMITT

Les mises en scène de Laurent Pelly ne sont plus là pour surprendre. Depuis la création de son extraordinaire « Platée » de Rameau, on sait le metteur en scène français se complaisant dans la présentation d’œuvres se prêtant au délire scénique.

Avec cette production lyonnaise de « La Vie Parisienne » d’Offenbach, il se surpasse. S’en donnant à cœur joie dans des scènes d’un comique totalement débridé, dans une profusion de mouvements, poussant ses acteurs à l’excitation jamais le metteur en scène se laisse aller à l’à-peu-près. Réglées comme du papier à musique, dirigeant ses acteurs et chaque figurant avec le soin et la précision d’un horloger, Laurent Pelly accomplit sa mise en scène avec un tel talent que le théâtre s’efface devant la réalité. Si ses scènes grouillent de gags désopilants, de détails drôles, de facéties extravagantes, jamais il ne lâche le cours de l’intrigue. Personnages admirablement caractérisés, parfaitement dans les possibilités de leur propre personne, il tire de ses comédiens le meilleur d’eux-mêmes.

La Vie parisienne
Crédit photographique : Bertrand Stofleth

Cruel tableau
Transposant l’intrigue à l’époque actuelle, cette vie parisienne devient un tableau cruel de la société people. Les deux amants attendant l’arrivée de leur ex-maîtresse donne au metteur en scène l’occasion de dépeindre la foule des voyageurs pressés de prendre leur train sans aucune préoccupation des autres. Tous se bousculent, se fusillent du regard, courent en tous sens, n’ayant qu’eux-mêmes dans leur horizon. On s’entasse entre les allées de labyrinthes dressés pour contenir les foules. Des policiers patrouillent, pendant que le chauffeur de taxi se rase au volant de sa voiture. Tout à coup, sorti d’on ne sait où, un groupe d’employés des chemins de fer se plante au centre de la scène et, poings levés, ils brandissent des calicots simulent une manifestation syndicale en chantant Nous sommes les employés de la ligne de l’Ouest. Le ton est donné. Laurent Pelly a décidé le délire.
Le rythme endiablé du spectacle ne se relâche jamais. Pendant les changements de décors, le devant de la scène est occupé par des personnages prolongeant, de manière folle, l’action scénique précédente. Comme ses joyeuses femmes grisées de champagne qui s’écroulent au sol, bientôt ramassées par des éboueurs qui les jettent sans ménagement, la tête la première dans leurs poubelles.

Folie minutieusement réglée
Sur le plateau, la folie du théâtre est générale. Pourtant tout est réglé en un ballet minutieux. Et l’on s’amuse et on chante. Et plutôt bien. La distribution éclatante réunie à Lyon est un atout supplémentaire au succès de cette production. Véritable bête de scène, la soprano Marie Devellereau (Gabrielle) enflamme le plateau. Ne ménageant pas ses talents, elle « marathonne » la scène dans tous les sens au point de terminer le spectacle complètement exténuée, accusant une très légère baisse de forme qui n’entache en rien son extraordinaire performance. Quelle brillante drôlerie habite son air Je suis veuve d’un colonel. Autre catalyseur de cette production, le baryton Laurent Naouri (Le Baron de Gondremark) est époustouflant. Son Je veux m’en fourrer fourrer jusque-là ! est renversant. Impeccable chanteur à la prononciation claire, il domine la distribution sans l’écraser alors que ses moyens vocaux le lui permettraient. Si les autres protagonistes apparaissent moins voyants, ils n’en sont pas pour autant moins méritants. Parfaitement préparée, la diction soignée, la voix grave et timbrée de la mezzo soprano suisse Maria Riccarda Wesseling (Métella) campe une courtisane de grande classe. De son côté, la voix de baryton magnifiquement centrée de Jean-Sébastien Bou (Gardefeu) fait merveille. La jeune et prometteuse soprano neuchâteloise Brigitte Hool (Pauline) est charmante à souhait. Peut-être aurait-elle gagné en comédie à moins surveiller sa vocalité pour se laisser aller à un peu plus de théâtralité. A l’image du populaire Jean-Paul Fouchécourt (Frick) dont le comique scénique supplée à une voix qui se ternit quelque peu.
Mais qu’importe, l’ensemble des protagonistes, des danseurs (le cancan en pantalons avec la valise en main, quelle trouvaille !), des figurants (ce SDF encombré de sachets de plastique, quelle observation !) se potentialisent dans ce délire scénique auquel l’Orchestre de l’Opéra de Lyon prête une verve grandissante sous la baguette intelligente de Sébastien Rouland.

Jacques Schmitt

Représentation du 18 décembre 2007