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A Lyon
Lyon : Festival Amour Soupçon

Le marathon lyrique proposé par l’Opéra de Lyon offrait une grande diversité des musiques, des approches scéniques et des chanteurs engagés. Un défi.

Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 20 juillet 2007

par Jacques SCHMITT

Après le cycle des opéras de Janacek présenté durant la saison 2003/2004, et d’Offenbach l’an dernier, l’Opéra de Lyon s’est lancé dans un marathon lyrique de six opéras en un acte en trois jours. Une initiative des plus intéressantes puisqu’elle obligeait l’amateur à se confronter avec des genres musicaux très différents.

Qui donc aurait assisté à un opéra du compositeur contemporain Salvatore Sciarrino s’il n’avait pas été attiré par La Tragédie Florentine d’Alexander von Zemlinsky ? Ou Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartok s’il n’y avait pas eu la contrepartie de La Voix Humaine de Poulenc ? Ou encore le rarissime Djamileh de Bizet sans Il Tabarro de Giacomo Puccini ?

Sons et couleurs
Grâce à la diversité des musiques, des approches scéniques, des chanteurs engagés, difficile de ne pas prendre plaisir à cette agréable « épreuve » de sons et de couleurs quand bien même les spectacles n’ont pas tous été d’un niveau exceptionnel.

Passées les premières surprises auditives de la musique minimaliste de Salvatore Sciarrino, le spectateur est emmené dans un monde sonore totalement hors de toutes références. Avec ses mots prononcés par saccades, comme des onomatopées, avec la musique suivant l’intention plutôt que de la souligner, Luci miei traditrici décoiffe et bouscule. Si les mots sont parties intégrantes de la musique, ils ne s’imposent pas dans l’intonation. Des paroles dites sans l’accentuation des syllabes deviennent rapidement incompréhensibles, mais, étrangement, elles gardent toutes leurs inflexions dramatiques. Comme si la musique devenait un véritable langage. À l’exercice de mémorisation intense auquel les protagonistes doivent s’exercer vu l’absence de points de repère musicaux, la mezzo-soprano suisse Maria Riccarda Wesseling fait une excellente impression, secondée qu’elle est par l’agilité phénoménale du baryton Urban Malmberg. On retrouve la Suissesse très à l’aise dans le lyrisme exacerbé de La Tragédie Florentine d’Alexander von Zemlinsky. À ses côtés, Urban Malmberg est impressionnant d’autorité et de vocalité expressive, alors que le ténor Hugh Smith, malgré sa voix bien timbrée, confirme son inaptitude théâtrale à la scène comme il l’a déjà démontrée lors du récent Lohengrin lyonnais. (Représentation du 17 mai 2007)

À la charmante musique de Djamileh de Bizet, on regrettera l’opposition que lui a imposé le metteur en scène Christopher Alden en transposant l’intrigue d’un harem vers un loft new-yorkais crasseux. Avec un ténor Jean-Pierre Furlan (Haroun) hurleur, un pâle baryton Laurent Naouri (Splendiano) et une sculpturale (mais souffrante) soprano Janja Vuletic, le spectacle sombre vite dans une vulgarité incompatible avec l’enchantement musical de Bizet. Tout comme celui de Giacomo Puccini qui porte les protagonistes du plateau vers l’explosion de leurs talents. Dans ce sombre épisode de la jalousie, lumières et décors servent l’intrigue avec efficacité. Aux ordres du metteur en scène David Pountney, l’impressionnante Ceri Williams (La Frugola) subjugue un plateau de grande qualité de sa voix à l’assurance peu commune. Jean-Pierre Furlan (Luigi) calme ses ardeurs vocales au bénéfice d’une meilleure musicalité. Hélène Bernardy (Giorgetta) allie une admirable simplicité vocale à une italianité de premier ordre. De son côté, Laurent Naouri (Michele) semble avoir trouvé là le rôle de sa vie. Déboulant de toute sa vigueur dans un monologue d’anthologie, il signe ici un grand moment d’opéra. La voix claire, puissante, sans effets inutiles, le baryton lyonnais est glaçant de vérité. Un artiste total. (Représentation du 18 mai 2007)

Très attendue, la soprano Dame Felicity Lott déçoit dans La Voix Humaine. Une voix qu’elle a trop belle pour exprimer le désarroi et la douleur profonde de la femme abandonnée. Quelque peu desservie par une mise en scène (Laurent Pelly) peut-être trop lourde pour l’argument à traiter, la soprano britannique s’empêtre dans des attitudes excessives pensant peut-être ainsi cacher le malaise vocal qu’elle envoie. Si les deux protagonistes – Peter Fried (Barbe-Bleue) et Hedwig Fassbender (Judith) – du Château de Barbe-Bleue de Béla Bartok sont d’un excellent niveau artistique, ils semblent toutefois dans l’impossibilité d’exprimer totalement leur vocalité, forcés qu’ils sont de courir constamment autour du décor en mouvement. (Représentation du 19 mai 2007)

Dans la fosse, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon a démontré son élasticité dans la démonstration de sa capacité d’adaptation à la variété des musiques qu’il a dû interpréter durant ces trois jours. On louera cependant son lyrisme porteur dans Il Tabarro où le chef suédois Eivind Gullberg Jensen a su l’arracher du ravissement de Bizet pour l’emmener dans l’explosion des sentiments dans Il Tabarro.

Jacques Schmitt