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Lyon : “Eugène Onéguine“
Article mis en ligne le mars 2007
dernière modification le 19 juin 2007

par Jacques SCHMITT

Autant Peter Stein avait enthousiasmé dans ses précédents spectacles lyonnais de Pélleas et Mélisande et de Falstaff, autant son Eugène Onéguinepasse à côté du propos.

Dans le décor scolaire d’un plancher en pente flanqué de deux murs latéraux, la scène n’est habitée que de dérisoires accessoires. C’est un inutile fourneau dans lequel mijote une hypothétique soupe, qu’on débarrasse bientôt (sans brûler les mains de qui l’empoigne) pour laisser place à une meule de bottes de paille (manquant de finir dans la fosse d’orchestre) érigée par les travailleurs des champs. Autour de cet incompréhensible totem, on danse bruyamment au risque de couvrir la musique. La direction d’acteurs est, sinon inexistante, du moins sans inventivité. Se bornant à régler les entrées et les sorties de scène, Peter Stein abandonne les chanteurs à leurs propres intentions théâtrales. La mort de Lenski atteint alors les sommets du ridicule lorsque, blessé, il glisse du haut d’un plan incliné au bas d’un talus de moquette bleue symbolisant une impossible neige. Une scène au pathétique digne d’une production telle que même les troupes venues de l’Est n’osent plus montrer ! Les chanteurs plus occupés à s’écouter qu’à jouer le texte chantent face public. Se roulant par terre, le désespoir de Tatiana n’a d’égal que celui d’Onéguine se prenant la tête entre les mains comme dans un film muet.

Eugène Onéguine

Musicalement, la direction de Kirill Petrenko s’avère désespérante de mollesse. La musique de Tchaikovsky souvent noyée dans un magma musical sans grâce réapparaît miraculeusement scintillante au moment du bal chez le Prince Grémine où, dans un ballet sans imagination, on admire l’adresse des danseurs évitant de chuter dans la fosse d’orchestre en tournant dangereusement sur le bord de la scène.

Si, malgré les superbes costumes (Anna Maria Heinreich), le niveau de cette soirée laisse à désirer, le plateau s’efforce d’effacer les tares de la mise en scène et de la direction d’orchestre. Mais que le ténor Christophe Mortagne (Monsieur Triquet) offre l’unique moment de réelle émotion théâtrale en dit long sur l’apport des rôles principaux, même s’il faut reconnaître à la soprano Olga Mykytenko (Tatiana) une prestation digne et engagée et à la basse Michail Shelomianski (Prince Grémine) une présence vocale de grande qualité. Le ténor roumain Marius Brenciu (Lenski), remplaçant au pied levé un souffrant Edgardas Montvidas, montre de belles qualités vocales, alors que Wojtek Drabowicz (Onéguine) manque du charisme indispensable au rôle-titre. On a retrouvé avec un certain bonheur la voix toujours superbement timbrée de la mezzo-soprano Stefania Toczyska (Madame Larina) qui fit quelques belles apparitions sur la scène du Grand-Théâtre de Genève pendant l’ère Hugues Gall à côté de la très pétillante et imposante nounou de Margarita Nekrasova (Filipievna).
Représentation du 27 janvier 2007

Jacques Schmitt