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Opéra de Hambourg
Hambourg

Commentaires sur les opéras suivants, Das Rheingold, Don Giovanni, Die Frau ohne Schatten, Il Turco in Italia, donnés à l’Opéra de Hambourg.

Article mis en ligne le juillet 2008
dernière modification le 5 août 2008

par Eric POUSAZ

L’Opéra de Hambourg proposait quelques intéressantes représentations, parmi lesquelles figurent Das Rheingold, Don Giovanni, Die Frau ohne Schatten, Il Turco in Italia que nous commentons ci-après.

Das Rheingold
Claus Guth a choisi de monter ce premier opéra comme un drame bourgeois. L’action se joue dans une villa de banlieue appartenant à un couple aisé. Wotan et ses amis se sont construits une maquette dans le galetas où ils passent des heures à s’imaginer rois d’un empire fabuleux, comme des adolescents d’aujourd’hui amateurs de jeux de rôle en ligne sur leur ordinateur portable. Pendant ce temps, dans la cave, quelques ouvriers révoltés (Alberich, Mime) complotent afin de régler leur compte à ces bourgeois qui les exploitent. Insouciantes, les filles de la maison se livrent, elles, à des jeux plus ou moins pervers dans le grand lit de leur chambre d’enfant transformé en Rhin pour l’occasion…
Il est difficile de dire à ce stade ce que va donner cette relecture où l’on imagine mal la place que vont prendre le humains tant les dieux eux-mêmes se montrent sous un jour puéril. Heureusement, la musique rend, elle, parfaitement justice au caractère grandiose de ce prologue. La distribution, entièrement composée de chanteurs maison, se montre non seulement à la hauteur des exigences de la musique, mais parvient à égaler maints interprètes internationaux qui passent d’une scène à l’autre avec trois ou quatre rôles dans leurs valises.

Falk Struckmann est un Wotan impressionnant : le timbre est chaleureux, vibrant et puissant. Katja Pieweck lui donne la réplique en Fricka avec un aplomb et une verdeur vocale qui signale une future grande interprète du rôle. Wolfgang Koch dote Alberich d’une personnalité fascinante : la voix est noire et prenante, mais n’est jamais exploitée au maximum de ses possibilités, come pour mieux souligner les non-dits menaçants qui vont précipiter la chute des dieux. Le reste de la distribution est à l’avenant : confiés à des interprètes d’abord soucieux de se mettre au service du drame, non de créer la sensation pour remporter un succès personnel, les nombreux rôles plus ou moins secondaires s’inscrivent dans une logique dramatique qui fait de chaque moment un temps musical fort. A la tête d’un orchestre magnifiquement disposé, Simone Young allège le discours pour s’adapter aux exigences de la scène qui refuse aux dieux leur imposant halo pour les transformer en grands enfants (Froh porte d’ailleurs des culottes courtes !). L’ouvrage en paraît encore plus prenant car l’enchaînement des divers actes de violence conduisant à la catastrophe finale se dévoile déjà ici dans toute son inéluctable logique.

Don Giovanni
Egalement dirigée par Simone Young, la représentation du Don Giovanni ne laisse pas un souvenir impérissable. La direction se fait ici plus lourde, les récitatifs (pourtant joués par la cheffe elle-même) ne s’inscrivent pas dans la continuité logique du discours et les chanteurs peinent à rendre justice à leur musique. Wolfgang Shimell, par exemple, a certes été un grand Don Giovanni par le passé. Mais sa voix fatiguée ne lui permet plus que d’aboyer même lorsqu’il tente de séduire. Tim Mirfin en Leporello tire son épingle du jeu avec classe, alors que ses collègues féminines (Tamar Iveri en Anna ou Miriam Gordon-Stewart en Elvira), malgré leur jolie figure, se cassent misérablement les dents sur des rôles encore trop lourds pour elles. Quant à la mise en scène de Pet Halmen, elle porte son âge. Situé dans le hall d’un grand hôtel, elle transforme tous les personnages en clients capricieux (Giovanni, Anna, Elvira, Ottavio…) ou en membres du personnel de service (Leporello, Zerlina). Séduisant au lever de rideau, l’idée fait rapidement long feu et passe la rampe avec de plus en plus de difficulté. La scène finale, totalement improbable dans ce contexte, fait plus d’une fois sourire au lieu de créer le frisson.

« Die Frau ohne Schatten »
Copyright : Monika Rittershaus

Die Frau ohne Schatten
Avec Strauss, Simone Young retrouve un répertoire où elle excelle. Donnée dans le cadre d’un mini festival qui a vu la présentation de six opéras de ce compositeur dans une même saison, cette représentation enthousiasme par sa mise en scène roborative - le metteur en scène Keith Warner et son décorateur Kaspar Glarner traduisent non sans humour les exigences délirantes du livret - comme par sa distribution pour ainsi dire parfaite malgré l’incroyable difficulté des cinq rôle principaux. Franz Grundheber est un Barak grandiose, au chant à la fois passionné et de admirable plasticité, alors que Lisa Gasteen, pourtant annoncée malade, caresse une ligne de chant piquetée difficultés avec une délicatesse surprenante. Janina Baechle en Nourrice s’offre le luxe de chanter chaque note de ce véritable marathon que représente un tel rôle lorsque l’opéra est donné sans coupures, comme c’est le cas ici. Scott MacAllister et Susan Anthony (entendue en Leonore il y a bien des saisons à Lausanne !) forment un coule impérial à tous les sens du terme alors que l’orchestre, dirigé avec subtilité par une musicienne qui sait faire respirer la partition et évite la surcharge inutile, luit de tous se feux dans chacun de ses registres. Un grand moment !

Il turco in Italia
Le lendemain soir, Rossini n’a pas bénéficié d’une interprétation aussi séduisante sous la direction hésitante et brouillonne de Simon Hewett. La mise en scène de Christof Loy aligne les poncifs les plus vulgaires avec une insolente et prévisible régularité : déhanchements lascifs des femmes, drapeaux italiens, spaghettis mangés à la hâte, cheveux gominés et poses provocantes chez les mâles : rien ne manque à l’appel. Tout cela fait rire un public conquis d’avance tandis que la distribution s’offre le luxe de montrer tout ce qu’il ne faut plus faire aujourd’hui dans ce répertoire. Rossini n’est pas seulement un amuseur public, mais cela ne semble pas avoir effleuré Inga Kalna ou Renato Girolami qui maltraitent à l’envi leur ligne de chant pour mettre les rieurs de leur côté en Fiorilla ou Don Geroni.. Et, par charité, l’on passera sous silence les efforts désespérés d’un ténor coincé ou d’une mezzo soprano au timbre ébréché pour venir à bout d’une soirée qui n’en finissait pas de se prolonger indûment.

Eric Pousaz