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En récital au Victoria Hall
Genève : Thomas Hampson

Thomas Hampson : en récital le mardi 7 décembre.

Article mis en ligne le décembre 2010
dernière modification le 15 décembre 2011

par Eric POUSAZ

On ne présente plus Thomas Hampson, un baryton invité à se produire sur toutes les scènes lyriques du monde où il rencontre chaque fois un succès phénoménal. A l’aise aussi bien dans le récital que sur un plateau d’opéra, dans le répertoire allemand, français ou italien, sans parler de certaines musiques légères américaines, ce chanteur suscite un enthousiasme inconditionnel. Genève l’accueille prochainement dans le cadre des concerts organisés par PostFinances.

En guise de présentation du programme de la soirée, le chanteur américain a accepté de se soumettre au jeu de l’interview au travers de quelques questions qui lui ont été communiquées par courriel. Ses réponses séduisent par leur franchise autant que leur précision.

Thomas Hampson
Photo Dario Acosta

Quel type de défi représente, pour un chanteur comme vous, un récital composé d’extraits d’opéras, par opposition à un concert consacré à un cycle complet comme ceux de Mahler ou les Trois Chants de Don Quichotte de Ravel, par exemple ?
Le défi artistique que représente un récital d’airs d’opéra n’est pas très différent de celui que représente l’approche d’un rôle intégral dans une mise en scène complexe. Musicalement, la concentration est la même car un air présente souvent sous forme condensée un moment psychologique particulièrement fort de l’évolution du personnage. Par contre, dans une soirée où je présente un cycle complet de Schubert ou Mahler, je suis invité à m’intéresser de plus près au monde intérieur du compositeur car la vraie richesse d’un air ne s’appréhende bien que lorsqu’on connaît les préoccupations de son auteur. Dans le cadre d’une tournée comme celle qui fera étape à Genève en décembre, je me considère d’abord come l’interprète de différents univers musicaux auxquels je cherche à rendre justice avec mes propres moyens en respectant au mieux les divers styles musicaux abordés.


Approchez -vous dans un autre esprit qu’au théâtre un air tiré d’un contexte dramatique aussi complexe que celui d’Eugène Onéguine ou Don Carlos lorsque vous êtes seul face au public dans une salle de concert ? Où se situe pour vous la limite entre l’expressivité assez démonstrative qu’exige la scène et la retenue de mise sur un plateau de concert ?
La question est intéressante car elle concerne tout chanteur passant de la scène au podium de concert. Dans une salle où le contexte est différent (absence de décor, de costume, de maquillage) il est parfois difficile pour le public de se plonger dans le monde intérieur du personnage dont j’interprète un air. De même, la situation théâtrale ne peut être qu’esquissée dans la notice du programme et ne permet aucunement l’identification de l’auditeur avec le rôle interprété si celui-ci ne connaît pas bien l’ouvrage dont l’air est extrait. C’est au chanteur de compenser l’absence de toute indication théâtrale extérieure à la seule musique par les nuances de son chant, la qualité de sa diction et les accents dramatiques qu’il met en exergue dans les diverses séquences musicales de l’air.

Thomas Hampson dans « Ernani »
© Suzanne Schwiertz

Vous chantez au cours de la soirée genevoise des airs dont les typologies vocales et psychologiques sont fort différentes. Rien que dans la 2e partie consacrée à Verdi, l’air de Seid du Corsaire demande une voix plus extravertie que celui de Posa dans Don Carlos. Comment composez-vous votre programme ? Quels sont les impératifs qui vous guident ?
Lorsqu’un chanteur de récital conçoit son programme de la soirée, il obéit toujours à une sorte de projet dramaturgique plus ou moins conscient censé donner une cohérence interne aux divers airs qu’il interprète. Un concert ne devrait en effet jamais être une succession de beaux morceaux dont la seule fonction serait de séduire les spectateurs sans les amener à dépasser la musique pour comprendre ce qui se cache derrière l’univers des sons. A ce titre, une compréhension du texte aussi parfaite que possible est capitale et le chanteur doit s’efforcer d’articuler avec le maximum de clarté, comme s’il interprétait une mélodie de Ravel ou Schubert. Une autre difficulté consiste à présenter sur le podium une suite de personnages fort différents dans leur complexité et dans le style de leur langage musical. C’est la raison pour laquelle un chanteur insiste toujours pour intercaler des moments purement symphoniques (ouvertures, préludes, voire extraits de ballet) dans son récital. En ce qui me concerne, je cherche toujours à avoir un rapport affectif fort avec les pièces que j’inscris à l’affiche et c’est pourquoi je ne laisse rien au hasard dans la programmation d’une telle soirée. Prenez Verdi par exemple : ce compositeur nous a légué les moments musicaux les plus forts qui se puissent imaginer, et cela aussi bien par le texte que par la musique. Pour cette soirée, j’ai expressément choisi des airs qui sont rarement mis en confrontation dans le cadre d’un même concert car je tiens à établir des correspondances qui peuvent être révélatrices pour le public.

Thomas Hampson dans « Faust »
© Suzanne Schwiertz

La plus grande liberté que laisse à un artiste lyrique se produisant en récital l’absence de tout contexte théâtral lui permet-elle de creuser d’autres aspects purement musicaux du rôle qui menaceraient de passer au second plan sur une scène de théâtre ?
Interpréter une suite d’airs sur un podium de salle de concert pose au chanteur des problèmes d’approche musicale tout différents de ceux qu’il doit affronter sur un plateau d’opéra. Non qu’il soit invité à chanter autrement ou à s’économiser dans un sens ou dans un autre. Mais un air isolé n’éveille forcément pas les mêmes échos dans l’esprit de l’auditeur que ce même air pris dans une continuité dramatique forte. Aussi, même lorsque je suis seul face au public, je m’efforce de faire oublier que je suis un chanteur connu en train de donner un récital et je fais tout mon possible pour entrer dans la peau du personnage dont j’interprète l’air, que ce soit Posa ou Onéguine. Dans un monde de musique idéal, le public devrait oublier qui chante devant lui ! L’absence de décors ne change rien à l’affaire car l’interprète reste d’abord un passeur donnant à l’auditeur accès à un monde conçu par le compositeur, non une star qui utilise certains grands airs pour mettre d’abord en valeur son savoir-faire !

Thomas Hampson dans « Eugène Onéguine »
© Suzanne Schwiertz

Un tel concert vous est-il utile pour tester des extraits de rôles que vous n’avez pas encore chantés à la scène (je pense ici au Corsaro) ou pour vous assurer que, dans tous vos registres interprétatifs, la voix reste parfaitement maîtrisée ?
Il est certain qu’un concert donne à un chanteur l’occasion de tester des airs tirés d’opéras qu’il n’a pas encore eu la possibilité de chanter sur scène ou qui, plus simplement, ne sont pas programmés aussi souvent que les titres connus et appréciés du grand répertoire. Pour ma part, je n’ai pas une préférence pour l’un ou l’autre type de rôles. La musique m’intéresse en soi ou elle m’inspire, et je n’en demande pas plus avant de l’inscrire à l’affiche. Je ne songe pas à faire pression sur qui que ce soit pour m’inviter à chanter tel ou tel rôle dans une œuvre que je n’ai pas encore abordée. Je n’ai en fait aucune préférence directe. Par contre, je reconnais ne pas être attiré par certains airs tirés de rôles que je me refuserais à aborder au théâtre. Si l’on prend l’exemple du Corsaire de Verdi, je ne l’ai certes pas chanté en salle, mais je trouve intéressant d’offrir au public l’occasion d’entendre un extrait de cet ouvrage qui vaut mieux que sa réputation et qui mériterait une plus large audience. Lors d’un récital, un artiste peut faire apprécier du grand public des extraits d’opéras qui ne sont souvent pour lui que des titres inconnus dans des lexiques d’opéras rarement consultés… Au moment du concert, il est alors possible que l’auditeur soit amené à faire des rapprochements entre ce qu’il entend pour la première fois et d’autres moments musicaux qu’il apprécie particulièrement pour les avoir entendus souvent. Il approfondit ainsi insensiblement la connaissance de l’art d’un compositeur qu’il croyait bien connaître car le concert lui en révèle tout à coup des facettes inattendues qui l’incitent éventuellement à aller encore plus loin dans la découverte…

Propos recueillis par Eric Pousaz

Concert à Genève le mardi 7 décembre à 20h00, Victoria Hall [PostFinance Ticket : 0900 800 810 (CHF 1.19/min, réseau fixe) www.postfinance.ch/ticket]