Malgré les soubresauts qui secouent son institution, avec deux mois d’avance sur la tradition des années précédentes, Jean-Marie Blanchard a dévoilé avec dignité et précision, la prochaine saison du Grand Théâtre de Genève.
Une saison qu’il qualifie comme « allant être la plus gaie depuis son arrivée aux commandes de ce théâtre ».

Si on connaît le directeur comme un homme à l’humour discret, il est loin d’être un boute-en-train et sa notion de gaieté peut laisser à désirer. Cependant, il faut reconnaître que le programme de la prochaine saison laisse une place grandissante à des œuvres sinon franchement comiques du moins qui font appel à des artistes dont la fraîcheur du discours scénique apporte cette note joyeuse.

Enthousiasme
C’est le cas de la nouvelle production de La Flûte Enchantée de W. A.Mozart dont la mise en scène a été confiée à Omar Porras. Ses dernières productions lyriques, l’Elisir d’Amore de Gaetano Donizetti à Nancy et Il Barbiere di Siviglia de Giovanni Paisiello à Lausanne, ont soulevé l’enthousiasme tant du public que de la critique. Rien de plus adéquat pour Omar Porras, son frère décorateur Fredy, la costumière Coralie Sanvoisin et l’éclairagiste Mathias Roche que ce conte initiatique et fantastique pour qu’éclate leur univers de délires colorés. Dans la distribution, on note sous la baguette experte de Gabriele Ferro, le ténor Christoph Strehl dans le rôle de Tamino. Son enregistrement du rôle aux côtés de Claudio Abbado le révèle comme l’un des plus grands ténors mozartiens du moment. À preuve supplémentaire, son admirable prestation de Don Ottavio dans le Don Giovanni du dernier Festival de Salzbourg. (À partir du 14 décembre 2007).

Autre moment lyrique divertissant au programme de cette saison, une nouvelle production de La Cenerentola de Gioacchino Rossini. La distribution du rôle-titre fait appel à la mezzo américaine Vivica Genaux dans le rôle qu’elle interpréta en 2003 au Théâtre des Champs-Élysées. Ses récents enregistrements montrent son infaillible technique rossinienne. Au hasard de la distribution apparaît une curiosité bien singulière. Les rôles des deux sœurs de Cendrillon, Clorinda et Tisbe, sont attribués à deux sopranos jumelles, Raffaella et Giorgia Milanesi. On se souvient des belles prestations de la première dans le Don Pasquale de Donizetti et dans La Grotta di Trofonio de Salieri à l’Opéra de Lausanne. (À partir du 13 février 2008).

La reprise du cycle des opéras de Leos Janacek voit une nouvelle production des Voyages de Monsieur Broucek, l’une des œuvres les plus rarement données du compositeur tchèque. Cette aventure poétique et satyrique est confiée à la mise en scène, aux décors et aux costumes de Yannis Kokkos dont le Grand Théâtre de Genève a applaudi le terrifiant Elektra de Richard Strauss, l’inoubliable Les oiseaux de Walter Braunfels, comme plus près de nous, le très beau Hansel und Gretel de Humperdink. (À partir du 25 mars 2008).

Nouveautés et reprise
Ces trois divertissements plus légers laissent place à une nouvelle production d’Ariodante de Georg F. Haendel plus donnée au Grand Théâtre depuis 1986. Le rôle-titre, alors tenu par Tatiana Troyanos, est repris par la mezzo américaine Joyce DiDonato dans cette nouvelle production signée par Pierre Strosser, à qui l’on doit Die Meistersinger de Richard Wagner de la saison dernière. Dans la formidable distribution réunie ici, on remarque la présence de la soprano française Patricia Petitbon aux côtés de Sandrine Piau et de la Canadienne Marie-Nicole Lemieux. Le ténor Charles Workman, superbe Titus de La Clemenza di Tito de Mozart d’avril 2006 campe le rôle de Lurciano. (À partir du 11 novembre 2007).

Après avoir dirigé Les Maîtres Chanteurs l’an dernier, Klaus Weise revient à Genève pour la direction musicale de la nouvelle production de Lohengrin de Richard Wagner. Les wagnériens sont gâtés puisqu’ils applaudiront une distribution magnifique avec Christopher Ventris dans le rôle-titre, la soprano finlandaise Soile Isokoski en Elsa et la mezzo-soprano allemande Petra Lang en Ortrud. C’est Daniel Slater, le metteur en scène du Don Pasquale de Donizetti de cette fin de saison du Grand Théâtre de Genève qui changera totalement d’univers pour assurer la mise en scène du chef d’œuvre wagnérien (A partir du 2 mai 2008).

La saison 2007/2008 clôturera avec la reprise du Don Carlo de Giuseppe Verdi dans la production que le Grand Théâtre de Genève avait confiée aux metteurs en scène Patrice Caurier et Moshe Leiser. Si les représentations de septembre 2002 n’avaient pas révélé de grands chanteurs, cette reprise devrait dévoiler quelques belles figures du chant actuel. À commencer par la magnifique basse du bulgare Orlin Anastassov qui incarne Philippe II. Tandis que la mezzo-soprano Sylvie Brunet ravira le public à travers l’engagement formidable qu’elle offre à chacune de ses prestations. (À partir de 16 juin 2008).

C’est le compositeur italien Salvatore Sciarrino (né en 1947) qui, avec Da Gelo a Gelo signe l’opéra contemporain de la saison. À partir du journal intime de la poétesse japonaise Izumi Shikibu (XIe siècle), cette dame d’honneur de la cour raconte ses amours tumultueuses avec le prince Atsumichi. Fait insolite, c’est la chorégraphe Trisha Brown qui en assure la mise en scène. (À partir du 23 janvier 2008).

Evénement
Mais l’événement de la saison du Grand Théâtre reste sans contredit son spectacle d’ouverture avec la représentation du magistral opéra d’Hector Berlioz, Les Troyens en co-production avec le Théâtre du Châtelet. On retrouve dans la distribution genevoise, Anna Caterina Antonacci, la Cassandre qui a fait crouler la salle lors des représentations parisiennes. C’est aussi avec impatience qu’on reverra la mezzo-soprano Anne Sofie von Otter dans le rôle de Didon qu’elle créera, elle qui n’avait plus joué dans un opéra sur la scène genevoise depuis 1995 ! À la baguette, le Mr. Berlioz par excellence, le chef d’orchestre britannique John Nelson. (À partir du 13 septembre 2007)

Il va sans dire que la presque totalité des opéras de la saisons 2007/2008 pourra compter sur la participation de l’Orchestre de la Suisse Romande et surtout de celle du Chœur du Grand Théâtre considéré par la critique internationale comme l’un des meilleurs au monde !

Cette brillante prochaine saison lyrique voit aussi les récitals du ténor américain Ben Heppner (le 8 novembre 2007), de la mezzo-soprano italienne Sonia Ganassi (le 8 janvier 2008), de la soprano italienne Serena Farnocchia avec la mezzo-soprano Liliana Nikiteanu (le 6 mai 2008) pour se conclure avec le baryton allemand Albert Dohmen (le 17 juin 2008).

Danse
Du côté de la danse, le ballet du Grand Théâtre de Genève visitera près de septante salles étrangères contre les cinquante de l’an dernier. Des invitations prouvant la reconnaissance internationale de cet ensemble de danseurs. Le ballet de Grand Théâtre dansera par deux fois à Genève. D’abord dans une soirée dédiée à Igor Stravinski avec des nouvelles productions de Petrouchka et du Sacre du Printemps, le premier par Mourad Merzouki, un chorégraphe formé aux arts martiaux et au cirque, qui a rencontré le hip-hop et co-fondé en 1989 la compagnie Accrorap. Cerise sur le gâteau de cette soirée, l’Orchestre de la Suisse Romande sera dans la fosse ! (À partir du 13 octobre 2007).
Pour sa seconde soirée, le Ballet du Grand Théâtre sera sous les ordres du chorégraphe Jiri Kyllian pour son ballet Bella figura sur des musiques italiennes du XVIIIe siècle, alors que l’Israélien Ohad Naharin présentera un ballet condensé de son catalogue. En fin de programme, le Ballet du Grand Théâtre dansera, en création mondiale, No place like home du chorégraphe sri-lankais Isira Makuloluwe. (À partir du 22 avril 2008).

Deux autres spectacles de danse sont programmés sur la scène du Grand Théâtre. Le premier (au bénéfice de la Fondation Clair-Bois) tournera autour de pièces signées par le danseur et chorégraphe Roland Petit avec quelques-unes de plus brillantes étoiles avec lesquelles il a travaillé. (Les 22 et 24 janvier 2008).

La saison de danse se terminera par l’extraordinaire spectacle de la Compagnie Sakai Juku qui présente Kinkan shonen (Graine de cumquat). Comme un acte de naissance, ce rêve d’un enfant sur la vie et la mort s’articule autour des danseurs le crâne rasé, le corps poudré, glissant hors de leur gangue pour une mue violemment perturbante. (Le 27 mai 2008).

Jacques Schmitt

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