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Grand Théâtre de Genève
Genève, Grand Théâtre : Olivier Py

Portrait d’une personnalité polymorphe de la scène française.

Article mis en ligne le octobre 2008
dernière modification le 27 octobre 2008

par François LESUEUR

L’événement de la rentrée musicale genevoise se tiendra sur la scène du Grand Théâtre où Olivier Py mettra en scène une "Trilogie du Diable" très attendue, à partir du 9 octobre. Portrait d’une personnalité polymorphe de la scène française.

Comédien, dramaturge, metteur en scène, chanteur, homme de théâtre, directeur de l’Odéon depuis mars 2007 et avant tout poète, Olivier Py compte parmi les artistes les plus prolifiques de son temps. Présent sur tous les fronts culturels, il occupe le terrain avec boulimie et constance, le théâtre, le cinéma et l’opéra lui permettant d’assouvir son irrépressible besoin de création.
Né à Grasse il y a 43 ans, Olivier Py suit les cours de l’ENSATT à Paris après hypokhâgne et khâgne, avant d’entrer en 1987 au Conservatoire national supérieur d’art dramatique et d’entamer des études de théologie à l’Institut catholique. Un an plus tard il fonde sa propre compagnie, "L’inconvénient des boutures", écrit ses premiers textes (Gaspacho, un chien mort - Les aventures de Paco Goliard…) et les porte à la scène. Très vite repéré par son style puissant, baroque et mystique, il est invité au Festival d’Avignon où ses spectacles très personnels font sensation ; La Servante, histoire sans fin présentée en 1995, dont l’intégrale dure 24h et Le visage d’Orphée en 1997, suscitent l’intérêt. Si le théâtre le passionne (Claudel, Eschyle ou Lagarce l’accompagnent), l’opéra ne tarde pas à l’attirer. Une grand-mère italienne éprise du grand répertoire et qui chantait en s’accompagnant au piano Tosca en français, est à l’origine de son goût pour la musique.

Olivier Py
© Carole Parodi

Aspirations…
A 18 ans, Olivier Py envisage même de devenir chanteur et travaille sa voix de ténor avant de réaliser que cet investissement est incompatible avec ses multiples aspirations. Sa connaissance de l’art lyrique qu’il ne cesse de cultiver grâce au disque, précède donc celle du théâtre. Lui qui se qualifie volontiers de "poète lyrique" a très tôt cherché des comédiens aux accents lyriques pour incarner ses pièces fortement marquées par une dominante opératique, dans le geste comme dans la profération. Jean-Marie Blanchard ne s’y trompe pas en proposant à Olivier Py, qui entre temps a promené son tour de chant Miss Knife et tourné dans plusieurs longs-métrages (dont le fameux Chacun cherche son chat de Cédric Klapisch, jusqu’au tout récent Le bruit des gens autour de Diastème avec Léa Drucker, toujours à l’affiche) de mettre en scène Der Freischütz de Weber à Nancy en 1999, expérience concluante qui sera rapidement suivie par d’autres titres.
Une fois à Genève, Jean-Marie Blanchard lui permet de monter Les contes d’Hoffmann d’Offenbach (2001), puis La damnation de Faust de Berlioz (2003), qui forme ainsi une trilogie placée sous le signe du diable et de la question du fantastique comme source d’inspiration romantique. Après ces incursions dans le répertoire classique, Olivier Py est associé en 2004 à un ambitieux projet avec une création confiée à Suzanne Giraud, Le vase de parfums, dont il écrit le livret et réalise la mise en scène à Nantes et à Paris notamment.

…et rêves
Sa plus belle contribution à l’art lyrique reste cependant à ce jour le Tristan et Isolde de Wagner qu’il réserve à la scène genevoise en 2005. Sa lecture du drame grandiose et visuellement étourdissante, l’imagination dont il fait preuve, la grandeur épique qu’il insuffle à l’œuvre atteignent des sommets, rehaussés par la direction d’Armin Jordan, la spectaculaire machinerie conçue par Pierre-André Weitz, son décorateur attitré depuis 1990 et le couple formé par Jeanne-Michèle Charbonnet et Clifton Forbis (Bel Air Classiques).
Tannhaüser, toujours à Genève, fait beaucoup parler de lui, mais pour des raisons anecdotiques (la présence d’un harder en action pendant la Bacchanale faisant couler beaucoup d’encre, au détriment de l’ensemble et de l’interprétation musicale, dominée par l’Elisabeth de Nina Stemme), Curlew River de Britten crée au Festival d’Edimbourg en 2005 (et repris à Lyon la saison dernière), petite forme ciselée à l’extrême, étant accueillie avec enthousiasme. Invité à Moscou, Olivier Py réalise en 2007 l’un de ses vieux rêves, en s’attaquant à Pelléas et Mélisande de Debussy au Théâtre Musical Stanislavski, en compagnie de Marc Minkowski, comme si son nom était désormais associé à des œuvres sombres et graves, alors qu’il aimerait tant se voir confier Madama Butterfly ou Tosca, les grands Verdi, Les Huguenots (qu’il aurait dû aborder au Châtelet) ou Les pêcheurs de perles.

« Freischütz » avec Ellie Dehn (Agathe)
photo GTG/Magali Dougados

C’est pourtant avec The rake’s progress de Stravinski qu’Olivier Py a fait une entrée remarquée au Palais Garnier en mars dernier, en remplaçant Luc Bondy. Ici encore il est confronté à une figure du diable, mais un diable moins radical, plus agissant, Nick Shadow, qui travaille chaque jour, méthodiquement à son entreprise, avant de disparaître et étant vu par Auden comme un mal nécessaire à la lente déchéance de Tom Rakewell. Symbole d’une indéfectible fidélité artistique, Jean-Marie Blanchard a demandé à Py d’ouvrir la saison 2008-2009 de Genève, sa dernière aux commandes du Grand Théâtre, avec la trilogie qui les lie depuis dix ans. A la différence de La damnation de Faust et des Contes d’Hoffmann, remontés à l’identique, la production du Freischütz sera entièrement nouvelle. Dirigée par John Nelson, elle sera interprétée par Rudolf Rosen (Ottokar), Ellie Dehn (Agathe) et Nikolai Schukoff (Max). Donnée en alternance, La damnation de Faust réunira Elina Garanca (Marguerite), Paul Groves (Faust) et Willard White (Méphistophélès), Les Contes d’Hoffmann étant conduits par Patrick Davin avec, dans les rôles principaux, Vittorio Grigolo, Stella Douflexis, Nicolas Cavallier, Eric Huchet, Patricia Petibon, Rachel Harnisch, Maria Riccarda Wesseling et Nadine Denize, du 9 octobre au 9 novembre. En somme la synthèse du travail mené depuis une décennie par un artiste majeur de la scène française.

François Lesueur