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Grand Théâtre de Genève
Genève : Frederica von Stade

Portrait de la mezzo-soprano américaine Frederica von Stade, dont la tournée d’adieu passera par Genève.

Article mis en ligne le novembre 2009
dernière modification le 1er décembre 2009

par François LESUEUR

« Voi che sapete che cosa è amore….. » La tournée d’adieu de Frederica von Stade passera par la Suisse, avec une escale au Grand Théâtre où la célèbre mezzo-soprano américaine est attendue le 17 novembre prochain. Son élégance naturelle, son charme et son inimitable bonne humeur devraient une fois encore ensorceler l’assistance qui n’aura d’yeux et d’oreilles que pour celle qui fut un Cherubino, une Rosina ou une Mélisande incomparables. Elle sera accompagnée à cette occasion par Martin Katz.

Difficile à croire, mais Frederica von Stade a annoncé qu’elle allait mettre un terme à sa carrière. Belle et triste décision pour tous ceux qui depuis presque quarante ans ont eu le plaisir de la voir en scène, ou le bonheur d’écouter ses nombreux témoignages discographiques. Malgré des déplacements mesurés en Europe, la bien nommée « Flicka » a su maintenir une activité raisonnable, diminuant les représentations scéniques, mais poursuivant inlassablement les récitals avec le même enthousiasme qu’à ses débuts.

Parcours
Née le 1er juin 1945 à Sommerville dans le New Jersey, quelques semaines après le décès de son père, Frederica et son frère sont élevés par leur mère entre l’Amérique, la Grèce et l’Italie. La jeune fille fait ses classes au Mannes College of Music de New York, après un bref passage à Paris, avant d’être remarquée par Rudolf Bing, puissant directeur du Met, qui l’invite à intégrer la prestigieuse troupe de l’opéra. Elle y fait ses premiers pas en 1970 dans La flûte enchantée (un génie) et Madama Butterfly (Suzuki). Sa juvénile et svelte voix de mezzo lui permet d’être engagée un an plus tard à Santa Fe dans Les noces de Figaro, où elle campe son premier Cherubino, rôle qui deviendra fétiche, aux côtés d’une quasi inconnue, Kiri Te Kanawa, collègue et depuis cette date, indéfectible amie.

Frederica von Stade
Photo Robert Miller

Le succès qu’elle remporte dans ce répertoire béni, où son timbre clair et son interprétation délicate font sensation, est immédiat : Dorabella, Idamante, Sesto et Zerlina suivront. Mezzo corsé, vocalisant avec facilité, Frederica von Stade est rapidement invitée à enregistrer en studio intégrales (de Haydn avec Anton Dorati notamment, puis de Mozart avec Solti, Karajan et Lombard) et albums solo (airs d’opéras français dirigés par John Pritchard pour Sony 1976, récital Mozart-Rossini). La clarté de son chant et sa technique sûre lui permettent d’aborder Rossini (Il barbiere di Siviglia, Cenerentola et plus tard Otello au disque) avec panache et sensibilité, parallèlement au répertoire français qu’elle affectionne : Mignon, Cendrillon, Chérubin, La damnation de Faust, précèdent une incarnation majeure, celle de Mélisande dans Pelléas et Mélisande, qu’elle grave avec Karajan (Emi 1978) et jouera entre autre dans la mise en scène d’Antoine Vitez à la Scala en 1988.
La décennie 70-80 est riche en rôles et en rencontres importantes : on lui confie Octavian du Chevalier à la rose à Houston en 1975, Le compositeur (Ariadne auf Naxos) avant qu’elle ne réponde à l’appel du baroque, d’abord avec Il ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi (Penelopa), puis avec Dardanus (Iphise) de Rameau donné en 1980 à l’Opéra de Paris, la France qui depuis sa prestation en Cherubino à Versailles en 1973 dans les fameuses Noces « de Strehler » plusieurs fois reprises à Garnier par la suite, ne résiste pas à son charme irrésistible. Dans les années 80, von Stade se fait rare en Europe, refusant de s’absenter trop longtemps de son foyer. On la voit dans Le chevalier à la rose au TCE en 1981 avec Te Kanawa, à Londres (après Houston en 1982) elle chante La donna del lago de Rossini avec Marilyn Horne (1985), autre fidèle amie, grave Werther avec José Carreras pour Philips et d’inoubliables Chants d’Auvergne de Canteloube dirigés par de Antonio de Almeida (Philips) tout en triomphant en Amérique dans La sonnambula de Bellini (version mezzo en 1985). Elle chante en récital et se lance avec succès dans la comédie musicale (Show boat, Sound of music, My funny Valentine...). Son amour pour le répertoire français et son humour la conduisent naturellement vers Offenbach, dont elle trouve la musique touchante, drôle et sophistiquée. Paris applaudit également en 1997 sa première Veuve joyeuse de Lehar, mise en scène par Jorge Lavelli, œuvre qu’elle redonne au Met, suivie de La Périchole et de La grande duchesse de Gerolstein, deux fleurons offenbachiens.

Créations
Elle participe également dès 1974 à plusieurs créations, telles The seagul (La mouette) de Thomas Pasatieri créée à Houston, où elle incarne Nina, The Aspern Papers en 1988 écrit pour elle par Dominik Argento (Dallas), chante La Maquise de Merteuil dans Dangerous Liaisons de Conrad Susa en 1994 à San Francisco, puis plus près de nous Dead Man Walking et Three Decembers de Jake Heggie, créant également Elégies de Richard Daniel.
Même si ses apparitions scéniques se font plus rares, elle est encore La grande duchesse en 2005 à Los Angeles, ou Ottavia dans L’incoronazione di Poppea à Houston en 2007.
Paris et Londres la retrouve en 2006, dans une évocation à Pauline Viardot où elle apparaît aux côtés de Anna Caterina Antonacci et de Vladimir Tchernov, avec Fanny Ardant en récitante (Opera Rara), revient au TCE en duo avec Te Kanawa, réservant le plus clair de son temps au Etats-Unis où elle transmet sa passion auprès des jeunes des écoles et offre de nombreux récitals. Pour le 60ème anniversaire de James Conlon, Flicka interprètera une ultime Despina dans Cosi fan tutte, le 5 août prochain au Festival de Ravinia, avec Anna Maria Martinez, Ruxandra Donose et Saimir Pirgu.
Son passage au Grand Théâtre de Genève le 17 novembre avec Martin Katz sera forcément émouvant et joyeux, à l’image de cette merveilleuse cantatrice. Ne ratez pas ce rendez-vous il n’y en aura plus.

François Lesueur

Le 17 novembre. Grand Théâtre à 20h
(loc. 022/418.31.30 ou réservation online)