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Entretien : Xavier Dayer
Article mis en ligne le juillet 2006
dernière modification le 20 juillet 2007

par Pierre-René SERNA

Prochain spectacle de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, les Aveugles, d’après la pièce de Maurice Maeterlinck, sont une commande au compositeur genevois Xavier Dayer. Après avoir créé l’an passé son opéra Mémoires d’une jeune fille triste au Grand Théâtre, il évoque cette prochaine étape de sa carrière.

Peut-on trouver une filiation entre les Aveugles et Mémoires d’une jeune fille triste ?
Le point commun est peut-être, paradoxalement, dans un troisième ouvrage, le premier opéra que j’ai écrit il y a maintenant six ans : le Marin. Le sujet était tiré de Fernando Pesoa. La Jeune fille triste s’inspire d’un texte également portugais, du XVIe siècle de Bernardim Ribeiro, auquel Pesoa fait référence. Chez Pesoa, le Marin venait d’une lecture des Aveugles de Maeterlinck. D’une certaine façon, mon premier opéra a donné naissance à deux rejetons. Et peut-être aussi à une recherche commune, où se retrouve au centre un même thème scénique d’une personne morte. Une sorte de triptyque lyrique, fondé sur une forme de théâtre intérieur.

Quand on évoque Maeterlinck en musique, surgit aussitôt la référence de Pelléas et Mélisande. En est-elle une pour vous ?
Pas vraiment. Ce n’est pas un rejet non plus. Étonnamment, ce n’est pas par ce biais que j’ai découvert Maeterlinck. J’aime beaucoup Pelléas, mais c’est davantage la littérature du XXe siècle qui m’a conduit aux Aveugles. J’ai conservé, intentionnellement ou pas, une autonomie par rapport à ce modèle très intimidant.

Le fait que l’opéra soit destiné aux jeunes chanteurs de l’Atelier lyrique, a-t-il induit des contraintes particulières ?
Je dirais que c’est au moment où Christian Schirm, directeur de l’Atelier lyrique, m’a fait cette proposition ne portant pas sur un sujet précis, qu’il y a eu comme un déclic – quand il m’a indiqué l’effectif des voix : six femmes et six hommes. J’ai senti là comme un signe : c’était l’effectif des personnages des Aveugles que je portais déjà en tête. J’ai alors pensé que je pourrais tenter l’aventure. Et comme le texte de la pièce est en lui-même très choral, les douze aveugles chantent parfois ensemble, se répartissent les voix comme un dialogue, je trouvais que cela se prêtait bien au propos de faire travailler douze chanteurs sans rôle soliste prééminent. Par ailleurs, cela convient à un opéra de chambre, puisqu’il ne s’agit pas d’une œuvre criante qui nécessiterait un grand orchestre. C’est donc une sorte de faisceau de coïncidences qui m’a incité à me lancer.

Qu’en est-il du travail avec le metteur en scène ?
Avec Marc Paquien, on s’est rencontré dès le début du projet. L’entente a été immédiate. Il a une manière forte d’aborder le lyrisme qui est tout à fait en adéquation avec l’univers que je recherche musicalement. On s’est vu pendant mon travail d’écriture, ce qui lui a permis de se faire une impression de ma conception musicale. Il est fréquent, dans les commandes, que la partie musicale arrive très tard pour le metteur en scène. On a pu donc parler et échanger. C’est une forme de collaboration entre nous.

Comment définiriez-vous votre langage musical, entre tous les courants actuels ?
C’est toujours un peu difficile. On est dans une époque tellement éclatée ! Mais j’ai envie de livrer deux grandes paternités : d’une part les compositeurs nés dans les années 20, comme Kurtag ou Ligeti, qui me paraissent très musiciens, liés à la partition et à l’interprète ; d’autre part la tradition française plus ancienne, avec Messiaen ou Dutilleux, pour la qualité du timbre et la recherche de la couleur, ou plus récemment Tristan Murail. J’ai un côté français par mon goût pour le son et le timbre, central dans la pensée de mon écriture. En même temps, je trace mon propre chemin : il y a quelque chose de traditionnel chez moi, quand je fais chanter les voix par exemple, mais dans la forme je me sens plus personnel, une recherche d’inconnu portée par une sorte d’association libre.

Les Aveugles seront produits au Théâtre de l’Almeida de Londres les 27 et 28 juin. Prévoyez-vous d’autres reprises ?
Il y a des discussions en cours en France et en Suisse romande. Il y a eu un projet pour le festival de la Bâtie, mais qui a butté sur un problème de dates. Mais je garde espoir. C’est toujours très beau de pouvoir faire vivre un spectacle.

Et après les Aveugles
J’ai deux projets importants, sur lesquels je travaille actuellement. J’écris pour Heinz Holliger, que j’apprécie énormément, qui va créer une œuvre pour hautbois, violoncelle, flûte et alto. La création sera en novembre à Genève et tournera dans différentes villes suisses, dans la série Swiss chamber concert. J’ai aussi une commande de l’Ircam, dont la création est prévue en mai de l’an prochain à la Cité de la musique à Paris, avec l’Ensemble intercontemporain et de jeunes solistes. Encore de la musique vocale donc.

Propos recueillis par Pierre-René Serna

Les Aveugles : Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis, les 19, 20 et 21 juin.