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Entretien : Juan Diego Florez

Rencontre à Pesaro avec le ténor péruvien Juan Diego Florez.

Article mis en ligne le octobre 2008
dernière modification le 24 octobre 2008

par François JESTIN

C’est attablé à la terrasse d’un café de Pesaro que nous avons rencontré Juan Diego Florez, distribué au festival 2007 dans l’Otello de Rossini. Le ténor péruvien a accepté très gentiment de répondre à quelques questions.

Nous vous avions découvert à Pesaro en 1996, dans Matilde di Shabran, qui a lancé votre carrière internationale. Quel effet cela fait-il de passer d’élève de l’Accademia rossiniana au rôle de premier ténor ?
J.D. F. : Précisément, je n’étais pas élève de l’Accademia, mais programmé dans un petit rôle de ténor, Ernesto, dans l’autre opéra donné en 1996, Ricciardo e Zoraide. Après l’annulation de Bruce Ford dans Matilde, la direction artistique peinait à trouver un remplaçant. Pendant les répétitions, plusieurs personnes m’ont remarqué, dont le directeur artistique Ferrari, qui m’a demandé si je me sentais capable de chanter Corradino. J’ai réservé ma réponse – je brûlais de répondre oui immédiatement ! – en demandant à lire d’abord la partition. Ferrari m’a dit que si je réussissais le difficile air d’entrée, j’étais bon pour le rôle ; j’ai lu ces 2 pages de partition, puis au retour de déjeuner, j’ai dit « oui, je peux le faire ». Les représentations se sont bien passées, et Corradino a ainsi été un tremplin à ma carrière.

Vous êtes resté fidèle au Rossini Opera Festival, avec une présence presque chaque année ; de retour pour les prochaines éditions ?
Le 9 août 2008, j’ouvre le festival avec un concert Rossini, d’airs et de scènes, dont le programme est encore en cours de finalisation. En 2009 je devrais être de retour avec une participation à la Zelmira. Je reviens ici avec plaisir, et j’ai décidé d’acquérir une maison à Pesaro, me liant ainsi encore plus à cette ville. Je suis à Pesaro tous les étés, je m’y sens bien.

Mis à part Pesaro, votre carrière internationale vous a déjà conduit en France, avec d’autres projets pour le futur ?
J’ai chanté deux fois au Palais Garnier, dans La Cenerentola et l’Italiana in Algeri, mais mis à part des récitals, j’ai été plutôt absent des théâtres parisiens. J’y reviendrai pour une Donna del lago, dans 2 ans, à l’Opéra de Paris.

Juan Diego Florez, lors du Rossini Opera Festival 2008
© Amati Bacciardi

Vous êtes «  » rossinien à Pesaro, avec une volonté d’élargir votre répertoire ? Vers Mozart, Gluck ?
Oui, un projet relatif à Gluck s’est concrétisé à Madrid en mai 2008, Orphée et Eurydice ; il y a aussi eu Rigoletto de Verdi à Lima en avril 2008, puis à Dresde. J’ai toujours chanté Donizetti et Bellini, depuis le début de ma carrière, j’ai un répertoire belcantiste, et ai toujours voulu ajouter de nouveaux rôles à mon répertoire : i Puritani, l’Elisir d’amore, Don Pasquale, ... Dans le futur, se profilent aussi Cosi fan Tutte, les Pêcheurs de Perles à Las Palmas.

Vous avez souvent chanté à Las Palmas, la patrie d’Alfredo Kraus.
Je n’y ai pas chanté depuis un certain temps, mais j’y ai fait des débuts importants – la Fille du Régiment, i Puritani – c’est un lieu où je me sens bien, et qui est adapté à une prise de rôle. Je me sens très lié à Alfredo Kraus, même si je ne l’ai pas connu ; il a toujours été une idole pour moi, pour l’élégance de son chant, son phrasé, sa technique. Il se limitait à chanter son répertoire, et a pu ainsi faire preuve d’une grande longévité vocale.

Le répertoire français abordé par Kraus, vous y pensez ? Massenet, Gounod ?
Peut-être dans le futur, mais ma voix vient du style du chant rossinien, et les rôles plus lyriques, plus lourds que j’affronterai ne seront pas les plus lourds abordés par Kraus. Kraus était un lirico leggero, comme moi, mais comme j’ai commencé avec Rossini, mes cordes vocales se sont habituées à chanter dans un mode plus léger, plus doux, et je dois être très attentif avant d’aborder des rôles plus lourds. Kraus en revanche ne venait pas de Rossini, mais de rôles plus héroïques, plus lyriques, comme Rigoletto, Lucia, et pouvait pousser plus que moi. Même dans le futur, je ne vois pas Werther, ni Des Grieux, ni Faust ; peut-être Roméo et Juliette, nous verrons…

D’autres projets, des opéras plus rares ?
Oui, Linda di Chamounix à Barcelone, et un projet de grand opéra français au Covent Garden, encore en discussion. La difficulté est multiple : trouver un rôle de premier plan, qui m’intéresse, et ne soit pas trop aigu ni trop lourd pour ma voix. Aujourd’hui, les maisons d’opéra me réclament pour certaines oeuvres, qui m’ont amené la célébrité en les chantant. Je ferai aussi le Comte Ory au Metropolitan Opera de New-York, et Matilde di Shabran au Covent Garden de Londres, des œuvres rarement montées par les grandes maisons d’opéra, c’est déjà beaucoup.
Des raretés, peut-être dans le futur – j’ai d’autres projets que je ne peux dévoiler pour le moment ! – lorsque j’aurai plus de tranquillité.

Vous êtes une star internationale, mais trouvez-vous encore une certaine tranquillité ?
Oui, mais cela reste toutefois toujours une vie très agitée. Aller à un endroit, puis un autre, pas seulement pour chanter, mais aussi assurer des actions de promotion, se rendre dans d’autres pays pour accorder des interviews télévisées…
S’occuper aussi de nombreuses choses, pas seulement en relation avec le chant, mais plutôt de choses « bureaucratiques », de l’entourage, la maison de disques, lire des centaines de mails, mais à la fin c’est encore le chanteur qui décide. J’ai encore le choix de refuser certaines propositions, et me considère encore plutôt tranquille et très content !

Propos recueillis par François Jestin

Juan Diego Flórez sera en récital à Paris au Théâtre des Champs-Elysées le 24 novembre, accompagné par l’Orquesta de Navarra dirigé par Christopher Franklin.
Il sera au Royal Opera House de Londres pour les représentations de« Mathilde de Shabran », avec Vesselina Kasarova, en octobre et novembre, puis en juillet 2009 pour Le Barbier de Séville.