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En tournée : “Lady in the Dark“
Entretien : Jean Lacornerie

Une œuvre peu connue de Kurt Weill, Lady in the Dark, sera représentée dans plusieurs villes françaises, avec la collaboration de l’Orchestre des Pays de Savoie.

Article mis en ligne le février 2009
dernière modification le 25 février 2009

par Martine DURUZ

Jean Lacornerie met en scène une œuvre peu connue de Kurt Weill, Lady in the Dark, dans plusieurs villes françaises dont Annecy, le 3 février et Thonon- les- Bains, le 10 mars. Il est depuis 2002 le co-directeur avec Etienne Paoli du Théâtre de la Renaissance à Oullins.

Vous êtes clairement tourné, tant en ce qui concerne le théâtre que le théâtre musical et l’opéra, vers la production contemporaine. Pourquoi cette préférence ?
J.L. : Pour moi, l’élément déclencheur récurrent est le désir de révéler au public des œuvres nouvelles, des découvertes faites grâce à mes lectures et de partager mes coups de cœur. A mes débuts déjà la passion de la musique était présente. J’ai commencé comme stagiaire à l’Opéra de Nice et au Théâtre de la Monnaie du temps de Mortier. Mais j’ai été quelque peu découragé par ce monde trop hiérarchisé, cette trop grosse machine qu’était l’opéra et me suis tourné vers le théâtre, qui présentait plus de flexibilité. Puis la musique a commencé à me manquer et j’ai décidé de m’intéresser au théâtre musical, une forme plus légère cependant que l’opéra. Aujourd’hui les conditions ont changé dans le bon sens. Les chanteurs sont de bons comédiens et le temps de travail permettant une meilleure préparation s’est allongé.

Au milieu des nombreuses œuvres que vous avez montées se trouve pourtant un opéra qui n’a rien de contemporain, Samson de Haendel. Pourquoi ?
C’était une proposition d’Alain Brunet, directeur du Festival d’Ambronay. Je n’y aurais pas pensé moi-même. J’ai été ravi, d’autant plus que le chef d’orchestre Ton Koopman était très compréhensif par rapport aux exigences de la scène. J’ai trouvé la collaboration avec les jeunes artistes passionnante ainsi que le travail sur les mouvements du chœur que j’ai réglés avec le chorégraphe. Le travail d’équipe me plaît énormément. Chacun apporte quelque chose et le succès dépend de la synergie.

Vous avez mis en scène Mahagony, Happy End et One Touch of Venus de Kurt Weill. Qu’est-ce qui vous a séduit dans Lady in the Dark, que peu de gens connaissent en Europe ?

« Lady In The Dark »
© Stofleth

En effet Lady in the Dark n’a jamais été joué dans les pays francophones européens. Cette comédie a été donnée à Londres dans les années 80 et peut-être en Allemagne. Je me suis adressé à deux traducteurs, l’un pour le livret de Moss Hart, l’autre pour les chansons d’Ira Gershwin. Certains textes conservent cependant la langue originale afin de préserver la couleur locale new yorkaise. Par exemple, dans la même chanson, un couplet pourra être chanté en anglais et le suivant en français. L’important était de favoriser la compréhension du public francophone sans renoncer au génie rythmique de la langue anglaise. Dans la même optique, deux actrices se partagent le rôle principal de Liza, l’une se chargeant de la partie chantée en anglais et en français (Tina May), et l’autre des textes parlés (Cécile Camp).
De nombreux reproches de la part surtout des brechtiens purs et durs ont été adressés à Kurt Weill après la guerre : ils l’accusaient de s’être vendu au grand capital. Mais en fait Weill n’a jamais renoncé à son engagement pour des causes sérieuses telles que l’immigration ou la ségrégation entre autres, et ses œuvres ont toutes la marque de sa personnalité, même s’il est vrai qu’il a composé, après son arrivée aux Etats Unis en 1935, une musique américaine, profitant des grands moyens qu’offrait Broadway à l’époque. Il devait aussi, pour gagner sa vie d’exilé, plaire au public local. Fritz Lang aussi s’était adapté à l’environnement américain et personne ne lui en avait tenu rigueur.
Lady in the Dark présente une construction dramatique ambitieuse. Son librettiste, Moss Hart, s’inspirant de sa propre psychanalyse, crée le personnage de Liza, directrice d’un magazine de mode, dont les rêves prennent la forme de quatre séquences musicales. L’univers inconscient est donc représenté par la musique, alors que les scènes parlées se déroulent dans la réalité. Liza transforme dans ses rêves les collaborateurs avec qui elle travaille : ainsi le personnage du photographe de mode homosexuel, incarné lors de la création en 1941 par Dany Kaye, qui connut son premier grand succès grâce à ce rôle et à une chanson de l’œuvre où il réussissait l’exploit de débiter les noms de cinquante compositeurs russes en trente-neuf secondes !

Propos recueillis par Martine Duruz

Cette comédie musicale riche et rythmée, accompagnée par l’Orchestre des Pays de Savoie, sera dirigée par Scott Stroman et pourra être découverte encore à Annecy (3 février Tel.+0450 334411), Suresnes (8 février Tel +01 46979810), Echirolles (3 mars Tel +04 76400505) et Thonon-les-Bains (10 mars Tel +0450 713947). C’est une production de l’Opéra National et Lyon et du théâtre La Renaissance à Oullins.