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Opéra de Lausanne
Entretien : Eric Vigié

Eric Vigié évoque ses activités de directeur de l’opéra lausannois.

Article mis en ligne le octobre 2009
dernière modification le 30 octobre 2009

par Isabelle VON HILDEBRAND

Connu pour son franc-parler, Eric Vigié suscite parfois la polémique. Mais le directeur de l’Opéra de Lausanne fait surtout preuve d’ingéniosité pour satisfaire son public dans des conditions de travail difficiles. Retour sur les missions de son nouveau mandat ainsi que sur ses choix artistiques.

Eric Vigié, vous repartez pour un mandat de quatre ans comme directeur général de l’Opéra de Lausanne. Quelle est votre mission ?
Tout d’abord, continuer à assumer et à assurer les saisons hors les murs avec des spectacles de qualité. L’Opéra de Lausanne propose actuellement cinq productions hors les murs et j’essaie de compenser les difficultés techniques en offrant des grandes voix et un répertoire populaire au public. Puis, il me faudra préparer la réception du nouveau théâtre – le public appréciera le nouveau plateau, j’en suis sûr ! Une fois l’opéra rénové, je souhaite atteindre les 80 à 95 ouvertures de portes par an, incluant concerts, ballets, apéritifs musicaux, conférences, expos. Je désire également accueillir plus de productions lyriques et, pourquoi pas, établir une compagnie de ballet en résidence.

La rénovation du Théâtre municipal est toujours au point mort. Que pouvez-vous espérer à l’heure actuelle ?
Nous espérons une réponse d’ici septembre mais, franchement, je m’attends au pire. Le juge est souverain dans cette affaire et il semblerait bien que la troisième institution lyrique en Suisse soit traitée comme n’importe quel dossier administratif. C’est tout de même incroyable qu’une institution de notre taille soit paralysée pendant quatre ans par trois opposants ! Alors que le budget de rénovation de 33,5 millions a été voté à l’unanimité, gauche-droite réunie ! Lorsque j’ai été nommé en 2004, j’ai affirmé « Je ne viens pas ici en touriste » et c’est très pénible pour moi, ainsi que pour toute l’équipe, de ne pas disposer de notre outil de travail. Il y a encore quarante ouvrages que j’aimerais programmer à Lausanne durant mon mandat, dont une dizaine qui sont réalisables au Métropole. Cela nous laisse de la marge pour une troisième voire une quatrième saison hors les murs mais cela s’annonce très compliqué. Quant à une cinquième, c’est inenvisageable ! Le plateau du Métropole ne peut accueillir que 38 choristes – le Trouvère en compte 46 et c’est déjà une gageure – et la fosse, 56 musiciens. Il me faut trouver des ouvrages qui entrent sur le plateau et dont les décors passent la porte !

Eric Vigié
Photo Marc Vanappelghem

Quelle serait votre programmation idéale ?
Si j’avais carte blanche, je programmerais du drame liturgique du XIIIe siècle, de la musique de la Renaissance, de l’opéra du XVIe et du XVIIe ainsi que de la création contemporaine. Pour en avoir beaucoup monté, j’en connais les coûts et nous n’en n’avons pas les moyens ici. Par ailleurs, je ne programme pas ce que je veux. Sur les 12 millions de budget, 11 sont de l’argent public. J’ai envie de pouvoir dormir sur mes deux oreilles et non pas de laisser des trous dans le budget. Prenez la production Monsieur de Pourceaugnac, programmér en 2007 : j’ai vu très peu de grands spécialistes, le public a boudé la production qui n’a pas trouvé preneur pour une tournée et finalement, on a jeté les décors ! La zarzuela Pan Y Toros a laissé un trou de caisse de 100’000 CHF. Dans le fond, c’est presque plus facile de programmer des ouvrages oubliés, personne n’y connaît rien et il n’y a aucune référence. En revanche, c’est très compliqué de programmer une Traviata, une Butterfly alors qu’il existe déjà tellement de grandes versions. Je ne fais pas de « l’easybusiness », bien au contraire, je prends des risques. Avez-vous souvent entendu un Giulio Cesare in Egitto avec quatre contre-ténors ou une Madame Butterfly avec un « cast » uniquement japonais ? Actuellement, l’institution se porte bien, les comptes sont sains, on présente des spectacles honnêtes avec des bons chanteurs afin que le public soit content. Je recherche toujours les voix qui auront un maximum d’impact car, le théâtre lyrique, c’est avant tout des voix. On supporte une mauvaise mise en scène mais jamais des mauvais chanteurs.

Seriez-vous tenté de reprendre votre activité de metteur en scène ?
Je referais volontiers de la mise en scène avec les chanteurs de l’EnVOL. Je souhaite aider les jeunes chanteurs, leur apporter le point de vue d’un directeur sur la mise en scène, les « briefer » sur la technique. Je me réserverai peut-être le plaisir de mettre en scène la dernière production de mon mandat, mais c’est encore à voir. La mise en scène, c’est génial quand on a les mains libres mais pour le moment, je ne souffre pas d’en faire moins.

Avec le changement de direction au Grand Théâtre de Genève, envisagez-vous une collaboration plus étroite avec celui-ci ?
Non, à priori, il n’y aura pas de collaboration plus poussée. Cela dit, il est intéressant d’entretenir un vrai contact avec Tobias Richter, de connaître la programmation deux ans à l’avance. Mais je maintiens que les deux opéras ont chacun leur spécificité et le transfert des publics est minime, au maximum 5-6%. Je souhaite par contre qu’il y ait moins de guerres de chapelle à l’avenir et je travaille à une meilleure circulation des productions en Romandie.

Propos recueillis par Isabelle von Hildebrand