Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Spécial Grand Théâtre
Entretien : Carine Séchaye

Carine Séchaye est l’une des “jeunes voix“ du Grand Théâtre.

Article mis en ligne le mai 2010
dernière modification le 20 juin 2010

par Christophe IMPERIALI

L’une des innovations de la saison 2010-11 du Grand Théâtre consiste en la création d’une « jeune troupe » au sein de l’institution. Une poignée de jeunes chanteurs seront ainsi engagés pour une année, durant laquelle ils auront l’occasion de participer à plusieurs productions.

Ce projet, selon les termes du communiqué de presse envoyé par le Grand Théâtre, « permettra de promouvoir l’avenir d’artistes prometteurs et donnera l’occasion au public de retrouver régulièrement des voix auxquelles il s’attache ». Les quatre premiers membres de cette nouvelle troupe ont déjà été nommés : Bénédicte Tauran et Clémence Tilquin (sopranos), Fabrice Farina (ténor) et Carine Séchaye (mezzo). C’est cette dernière que nous avons réussi à épingler juste avant une audition parisienne, entre une répétition de L’Amour des trois oranges à Dijon et une représentation du Chevalier à la rose à Darmstadt.

Sa formation, Carine Séchaye l’a entreprise au Conservatoire de Genève, à une heure où s’y côtoyaient encore les filières théâtrale et musicale : «  Après une maturité artistique, je suis entrée simultanément en classe professionnelle de chant et de théâtre. Ce qui s’appelait alors l’École Supérieure d’Art Dramatique (ESAD) était directement liée au Conservatoire de musique. Maintenant, avec la séparation des écoles, ce ne serait certainement plus possible de suivre les deux filières en parallèle, mais j’ai beaucoup profité de cette double formation. »
Accomplissant, dans la foulée, un diplôme d’éducation musicale, la voilà donc en possession d’une formation exceptionnellement complète pour aborder un domaine qui n’était pas, a priori, son objectif, mais vers lequel toutes ces voies convergeaient clairement : l’opéra. Cela étant, la jeune mezzo estime que « même dans un concert d’oratorio, l’interprétation du texte est importante et ma formation théâtrale m’est directement profitable. Par contre, maintenant, je crois que j’aurais beaucoup de mal à interpréter un texte parlé, sans la musique... »

Carine Séchaye sera Smeraldine dans « L’Amour des trois oranges » en juin 2011

Après avoir terminé son diplôme de chant sous la houlette de Maria Diaconu, elle franchit la Sarine pour passer deux ans à l’Opéra Studio de Zurich : «  même si, sur le moment, on n’a pas forcément l’impression d’apprendre des choses fondamentales, en fait, on se rend compte après coup qu’on a appris là ce que c’est que le métier de chanteur lyrique. On participe à des productions de l’Opéra de Zurich, et même si on n’a généralement que de très petits rôles, c’est surtout une excellente occasion de côtoyer des chanteurs qui sont parmi les meilleurs du moment, de discuter avec eux, de comprendre comment s’organise la vie d’un Opéra, par exemple les différences entre le modèle allemand et celui qui est pratiqué en France ou à Genève ».
L’Opéra de Zurich est une maison de tradition germanique, c’est-à-dire un opéra de répertoire, qui fonctionne sur le modèle de la troupe - même si la notion de « troupe » n’a peut-être pas son sens le plus habituel quand les membres de ladite troupe s’appellent Cecilia Bartoli, Waltraud Meier, Renée Fleming, Jonas Kaufmann ou Rolando Villazón ! L’Opéra Studio zurichois, en bonne logique, s’inscrit dans cette perspective et pousse les jeunes chanteurs à essayer d’intégrer une troupe. Mais Carine Séchaye a fait un autre choix : « Le problème de la troupe, c’est qu’on est souvent obligé de chanter un peu tout et n’importe quoi, parce qu’il faut bien s’adapter au programme de la maison dans laquelle on est engagé. Garder le choix des rôles qu’on chante, cela permet de rester dans son répertoire et de ne chanter que ce qui paraît adapté à sa voix. On m’a proposé une place en troupe à Darmstadt, mais comme j’avais déjà quelques contrats, j’ai préféré refuser, et ils m’ont quand même engagée en tant que "guest", comme ils disent ». Une « guest » qui n’a pas tardé à prendre ses aises dans une maison où elle a pu gravir les marches d’une formidable ascension : après avoir chanté Nancy, dans l’Albert Herring de Britten, elle y a enchaîné deux prises de rôle majeures : la Mélisande de Debussy, en 2007, puis, cette année, l’Octavian du Chevalier à la rose, unanimement salué par la critique. « Mélisande, c’était déjà fantastique, mais là, Octavian, on ne peut pas me faire un plus grand cadeau !  »

Après avoir incarné de tels rôles (et d’autres encore, comme le Chérubin des Noces à Lausanne et Toulon, la Dorabella de Cosi fan tutte à Toulon également, ou encore Rosine, dans Le Barbier de Séville à Rouen), ne semblera-t-il pas un peu frustrant de chanter dans les emplois secondaires proposés par le Grand Théâtre – Berta dans le Barbier, une servante d’Elektra... ? « Il est normal pour un jeune chanteur d’alterner des grands rôles sur des scènes dites "petites" ou "moyennes" et des rôles secondaires sur des scènes plus prestigieuses. C’est donc dans la logique des choses de chanter, à quelques mois d’intervalle, Rosine à Rouen et Berta à Genève. Mais c’est sûr que mon espoir serait que cette "jeune troupe" soit destinée à permettre à de jeunes chanteurs de faire leurs preuves dans la maison. J’espère que ces petits rôles me permettront de gagner la confiance de la direction et d’obtenir des rôles plus importants par la suite. »

Par exemple, de quels rôles rêverait-elle ? « J’aimerais beaucoup reprendre des rôles que j’ai déjà chantés sur scène, pour les approfondir. Il n’y a pour l’instant que Cherubino que j’ai déjà repris. Donc : Mélisande, Dorabella, Octavian seraient magnifiques, et, pour les nouveaux rôles, j’aurais beaucoup de plaisir à chanter le Hänsel de Humperdinck, Olga dans Eugène Onéguine, le Compositeur dans Ariane à Naxos de Strauss, ou encore Charlotte, dans le Werther de Massenet (pour l’avenir !). Il y a aussi deux beaux rôles de mezzo dans La Clémence de Titus, Annio et Sesto – ou un autre Sesto : celui du Jules César de Haendel. Après, on verra où ma voix me mènera... »

Propos recueillis par Christophe Imperiali

Pour retrouver toutes les informations sur Carine Séchaye, voir www.sechaye.com