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A l’Opéra de Cologne
Cologne : “Ring“ - express !

L’Opéra de Cologne proposait aux adeptes de Wagner de les enfermer, pendant à peu près 2 jours complets, pour un cycle du Ring des Nibelungen.

Article mis en ligne le mai 2007
dernière modification le 13 juillet 2007

par François JESTIN

Que fait-on des fous furieux d’opéra, des lyrico-maniaques, et autres Wagner-dépendants ? L’Opéra de Cologne proposait de les enfermer, pendant à peu près 2 jours complets, pour un cycle du Ring des Nibelungen. Au-delà de la performance quelque peu marathonienne, il s’agissait d’une tétralogie passionnante, mise en scène par Robert Carsen.

Le rideau s’ouvre sur un dépotoir, avec toutes sortes de détritus à disposition : brouette, caddie de supermarché, pneu au travers duquel jaillira la lumière de l’Or, ... Des passants vont et viennent au fond de ce Rhin très pollué, jetant leurs ordures : la période industrielle de la production de Patrice Chéreau (Bayreuth 1976) est bien terminée, et nous sommes carrément passés à l’ère du déchet. Plus tard, la maison de Hunding ressemble à un repère de trafiquants d’armes qui s’abritent sous des tentes (la neige tombe en fond de scène), puis Siegmund essaie de trouver refuge dans une carcasse de jeep. On retrouve une collection d’objets de récupération chez Siegfried et Mime – bidons, jerricanes, vieille machine à laver, … – ces deux-là habitant une vieille caravane déglinguée, coupée nette en deux par Siegfried en fin d’acte I. A noter également pendant cette séquence que le spectateur est tout aussi captivé par le travail de Siegfried aux fourneaux, forgeant Notung, que par la préparation du poison par Mime, soupe complète dont la préparation requiert l’utilisation d’une burette d’huile et l’infusion d’une vieille chaussette : un peu d’humour chez ces monstres fait du bien !
Le dragon Fafner est une pelle mécanique géante descendue des cintres, venant rappeler le chantier de construction du Walhall dans Rheingold, et ses spectaculaires palettes de parpaings, suspendues par d’imposantes poulies mécaniques. Le décorateur Patrick Kinmonth propose, pour l’acte II de Walküre, une atmosphère bien différente : une grande salle de château richement meublée, scénographie qui sera reprise plus tard dans Götterdämmerung, dans une ambiance cependant moins chaleureuse. Les soldats qui se meuvent au pas de course et les tableaux décrochés font alors davantage penser à la Kommandantur de La Grande Vadrouille. Et c’est là l’autre constante de cette tétralogie : la présence de militaires, dont Wotan, dès son entrée dans Rheingold, fait figure de général en chef.

Stefan Vinke (Siegfried) © Klaus Lefebvre

Divine surprise
En face du grand nom de Robert Carsen à la production, la crainte a priori que la partie chantée ne soit pas à la hauteur ne pouvait être évacuée. Et a posteriori – divine surprise ! – les ressources vocales rassemblées par l’Opéra de Cologne sont opulentes, en qualité, et en quantité puisqu’il faut bien prévoir une alternance sur les rôles de Wotan, Brünnhilde et Siegfried. Le bilan est extrêmement flatteur, même si l’on commence avec le modeste Wotan de Philip Joll, à la voix empâtée, engorgée, en manque de dynamique, qui sera avantageusement remplacé dans Walküre par Ralf Lukas, aux aigus sonores, expressif, et bien à l’aise en scène. Le ténor piquant Arnold Bezuyen (Loge) est excellent, ainsi que Oskar Hillebrandt, timbre noir qui projette bien en Alberich, même si les aigus sont perfectibles. Sont plutôt faibles en revanche les Fafner, Fricka, Sieglinde, alors que Johannes Preissinger (Mime) est un ténor moins « de caractère » qu’habituellement, que Thomas Mohr défend vaillamment Siegmund (voix égale sur tout le registre), et que Samuel Youn (Donner, Gunther) est celui qui a probablement le plus gros potentiel, ainsi que le volume sonore le plus élevé. Enfin, deux Brünnhilde et deux Siegfried de premier plan étaient proposés : Irene Theorin, avec une voix qui porte de plus en plus à mesure que le cycle avance, est réellement une Brünnhilde de chair et de sang dans Götterdämmerung, qui souffre de la tromperie de Siegfried. Sa remplaçante dans la 2ème journée, Barbara Schneider-Hofstetter, est bien solide dans la redoutable fin de l’acte III. Stefan Vinke dans Siegfried sait gérer avec une grande musicalité ses ressources de Heldentenor, qui ne sont pas illimitées, et Albert Bonnema dans Götterdämmerung possède une voix intrinsèquement plus dramatique, mais quelques aigus sont un peu aventureux.
Le chef Markus Stenz effectue un travail admirable à la tête du Gürzenich-Orchester Köln, en imprimant en général un rythme plutôt rapide. Au fur et à mesure des représentations, la fatigue rend cependant plus évidentes les quelques imperfections de certains instrumentistes, les cuivres en particulier, ou les cordes parfois pas complètement ensemble. Cet orchestre trouve visiblement son plaisir à jouer la musique de Wagner, et Stenz ne se prive pas de le faire sonner généreusement. Tous les musiciens montent sur scène à l’issue du dernier spectacle, et reçoivent une ovation méritée, aux côtés des machinistes associés à l’entreprise. Les artistes se mettent alors à applaudir le public, associé lui aussi à cette expérience finalement collective. Le plateau, embrasé pour l‘immolation de Brünnhilde, vient de se retirer, laissant une scène vide pour les mesures finales, et aux spectateurs une impression mêlée de néant, de tristesse que tout cela soit terminé, et aussi sûrement de satisfaction du devoir accompli ; on repart bientôt pour un nouveau cycle ?

François Jestin

Wagner : DAS RHEINGOLD : samedi 10 mars 2007 à 12h00
Wagner : DIE WALKÜRE : samedi 10 mars 2007 à 17h00
Wagner : SIEGFRIED : dimanche 11 mars 2007 à 10h00
Wagner : DIE GÖTTERDÄMMERUNG : dimanche 11 mars 2007 à 18h00