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Colmar : “L’Etoile“

L’Atelier lyrique a monté L’Etoile de Chabrier, et le résultat est des plus réjouissants.

Article mis en ligne le avril 2008
dernière modification le 30 avril 2008

par Eric POUSAZ

L’atelier lyrique pour jeunes chanteurs de l’Opéra du Rhin de Strasbourg, appelé Jeunes Voix du Rhin, a vécu ; dès l’an prochain, il sera remplacé par un Opéra Studio avec un cursus de deux ans d’études et une meilleure intégration des jeunes artistes dans les spectacles de prestige de la maison.

Pour marquer cet ‘enterrement’, les responsables de cet Atelier lyrique ont décidé de monter L’Etoile d’Emmanuel Chabrier, un opéra comique complètement déjanté qui permet à tous les chanteurs de montrer plusieurs facettes de leur personnalité artistique. Le résultat est des plus réjouissants, malgré une mise en scène excessivement gauloise de Matthew Jocelyn. Certes, le livret prête aux interprétations grivoises car tout tourne autour de ‘ça’, mais le génie du compositeur et de ses librettistes est d’avoir su contourner les pièges de la facilité et de la vulgarité.

« L’Etoile »
© Alain Kaiser

En conséquence, on regrettera d’autant plus les choix interprétatifs du metteur en scène (et adaptateur) ainsi que de la costumière Zaïa Koscianski qui transforment tous les personnages en rats munis d’une longue queue dont la fonction symbolique est systématiquement soulignée par des gloussements et des soupirs lascifs. Comme si cela ne suffisait pas, le décorateur Alain Lagarde peuple les cintres du plateau d’immenses statues de rats munis de corps d’éphèbes enrichis de leurs attributs virils. Bref, c’est l’écœurement qui domine dès le lever du rideau où le chœur d’hommes se vautre sur le sol avec ses pantalons baissés. Cet impardonnable déraillement scénique est d’autant plus inacceptable que la musique est servie avec finesse par un orchestre Symphonique de Mulhouse très engagé sous la direction enjouée et parfois excessivement agitée de Benjamin Levy.
Les chanteurs forment une troupe homogène dont on eût pu souhaiter une meilleure maîtrise du français ; s’il est vrai, en effet, qu’il est difficile de faire perdre son accent naturel aux membres d’une distribution internationale invités à dire un texte dans une langue dont ils ne connaissent pas les finesses, il est tout de même gênant d’entendre des chanteurs incapables de faire un sort aux consonnes de la langue française au point de transformer en bouillie sonore un texte dont on ne comprend pas le moindre mot sans lire les surtitres !... Mais c’est bien là le seul défaut dans une préparation musicale au demeurant parfaite. Chacun des solistes s’immerge dans son rôle avec un naturel confondant et satisfait aux exigences vocales les plus insolites d’un compositeur qui s’amuse de tout, et surtout des conventions du genre bouffe de la deuxième moitié du 19e siècle.
Les meilleures surprises sont venues de l’Aloès pleine d’abattage de Sophie Angebault, une artiste dont la beauté du chant et la qualité du jeu scénique ne dépareraient pas une production de la maison mère. Pauline Sabatier est un Lazuli qui a une forte propension à cultiver la puissance de l’émission aiguë au détriment d’un grave qui se décolore jusqu’à en devenir inaudible. Edmundas Seilius est un Ouf plein de vaillance, Sébastien Parotte un Astrologue d’une fort belle prestance. Mayuko Yashuda serait une Laoula parfaite si elle prenait la peine d’articuler et de structurer un chant qui se contente, pour l’instant, de charmer l’oreille. De la très nombreuse distribution des rôles secondaires on retiendra surtout le formidable travail d’équipe.

Eric Pousaz