Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Opéra de Caen
Caen : “Eugène Onéguine“

L’opéra de Caen propose Eugène Onéguine dans la mise en scène de Jean-Yves Ruf.

Article mis en ligne le avril 2010
dernière modification le 23 mai 2010

par Christophe IMPERIALI

Jean-Yves Ruf monte un Eugène Onéguine de Tchaïkovski tout en finesse, rehaussé par quelques voix jeunes et pleines de promesses.

Coproduit par les Opéras de Lille et de Caen, cet Eugène Onéguine est l’occasion de voir à l’œuvre dans le domaine lyrique un metteur en scène bien connu des habitués du Théâtre de Vidy : Jean-Yves Ruf. Également comédien, il est par ailleurs directeur de la Haute Ecole de Théâtre de Suisse romande depuis trois ans. Sa lecture du chef-d’œuvre de Tchaïkovski est à la fois sobre et efficace.

« Eugène Onéguine »

La scénographie est réduite à peu de choses, mais l’espace est très habilement habité : de grands voiles permettent de jouer avec la profondeur de la scène, de créer des plans étagés et de varier les espaces de façon suggestive. Les voiles blancs de la première partie cèdent la place, pour le dernier acte, aux voiles noirs de la jeunesse enfuie et des vains regrets. Comme la scénographie, la direction d’acteurs est fine et juste, sans jamais forcer le texte ni imposer une vision tyrannique. Si l’on songe à la formidable relecture proposée récemment par Dmitri Tcherniakov (DVD BelAir), on se prend à regretter parfois une certaine sagesse dans l’approche des personnages ou des situations, mais l’ensemble est d’une grande cohérence et d’une belle tenue plastique.

Du côté musical, on déplorera que l’orchestre ne soit pas à la hauteur du plateau vocal ; la direction de Nicolas Chalvin est très soignée, mais souvent trop lente pour que la musique s’épanouisse (dans le prélude ou dans l’air de Grémine, par exemple), et les sonorités inégales de l’orchestre de Caen ne rendent pas toujours justice à la générosité de l’écriture orchestrale de Tchaïkovski. Le plateau réserve en revanche de belles surprises, et on a beaucoup de plaisir à découvrir de jeunes chanteurs qui débutent une carrière internationale avec de magnifiques atouts.

L’Onéguine du baryton danois Audun Iversen paraît manquer un peu d’épaisseur dans les deux premiers actes – ce qui, au demeurant, peut bien convenir au dandy blasé qu’il est possible d’y voir ; mais il donne sa pleine mesure dans un dernier acte impressionnant de justesse affective et de santé vocale. La dernière scène est d’une bouleversante intensité : Dina Kuznetsova y campe une Tatiana qui parvient à exprimer à la fois la plus nette détermination et le plus profond déchirement, confirmant magistralement les excellentes impressions que laissait le fameux “air de la lettre“ du premier acte. La tenue vocale est parfaite de bout en bout, et l’incarnation dramatique très convaincante : pas de doute que nous tenons là une Tatiana d’envergure. Quant au jeune ténor Sergei Romanovski, on ne peut qu’espérer qu’il saura affermir une technique encore un peu fragile, pour donner libre cours à ce timbre absolument magnifique qui promet d’en faire (entre autres) un Lenski de haut vol.

Christophe Imperiali