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Opéra Allemand de Berlin
Berlin : “Cassandra/Elektra“

Duo de choc à Berlin avec, lors d’une seule soirée, Elektra de Strauss et Cassandra de Gnecchi.

Article mis en ligne le mars 2009
dernière modification le 28 mars 2009

par Eric POUSAZ

L’Opéra Allemand de Berlin a mis sur pied un mini festival dédié à Strauss et, dans ce but, a remis à l’affiche quelques-unes de ses productions phare.

Après la création d’Elektra à Dresde en 1909, des voix s’élèvent pour accuser Richard Strauss de plagiat. On lui reproche d’avoir prêté une oreille trop attentive au langage musical de Vittorio Gnecchi, un compositeur italien admiré d’Arturo Toscanini qui avait notamment accepté de diriger la création de sa Cassandra à l’Opéra de Bologne en 1905…
Le Deutsche Oper a eu l’idée heureuse de mettre à l’affiche ces deux œuvres lors d’une seule soirée. Même fortement coupée, la partition de Gnecchi fait encore forte impression, même si elle ne convainc pas de la malhonnêteté intellectuelle du compositeur bavarois. Après les premières notes du court prélude orchestral, que Strauss cite effectivement presque telles quelles dans les mesures d’ouverture d’Elektra, Gnecchi propose un langage lyrique ouvertement orienté vers le vérisme à l’italienne : grands effets de chœur, lignes de chant exacerbées mais toujours marquées au sceau de la mélodie facile à reconnaître, goût marqué pour l’emphase un brin creuse. Quant à l’intrigue, elle raconte les tragiques événements qui ont marqué le retour au foyer d’Agamemnon après la guerre de Troie et permettent au spectateur d’entrer ensuite de plain pied dans la situation dramatique dépeinte au lever de rideau du chef-d’œuvre straussien.
La mise en scène de Kirsten Harms (directrice de l’institution berlinoise) se veut ascétique : le décor est nu et la gestique, réduite à sa plus simple expression, paraît souvent plus maladroite et empruntée que vraiment inspirée. L’ensemble a pourtant de la grandeur. La distribution manque d’italianité. Susan Anthony est une Clytemnestre rugissante, poussée dans ses derniers retranchements par une écriture qui demande un vrai grand soprano dramatique à l’italienne, ce que la cantatrice américaine n’est décidément pas. Le beau mezzo soprano mordoré de Nora Gubisch est lui parfaitement l’aise dans ce répertoire et fait grande impression dans la scène finale. Gustavo Porta, un ténor héroïque, vient à bout avec aisance du rôle inconfortable d’Agamemenon alors que Piero Terranova reste plus en retrait dans celui d’Egisthe sans pourtant démériter. Kazushi Ono, le futur directeur musical de l’Opéra de Lyon se jette à corps perdu dans cette partition qu’il rend brillante et bruyante à souhait au mépris des chanteurs qui sont contraints de forcer leurs voix pour passer la barrière de l’orchestre.
Le défaut est encore plus sensible dans une Elektra tonitruante qui, par sa distribution, tous les interprètes semblant dépassés par les exigences de leur rôle. Une exception : la Clytemnestre de feu d’Agnes Baltsa qui trouve là une occasion idéale de mettre en valeur un timbre qui n’a rien perdu de son punch, même si la précision de l’intonation laisse à désirer. Mais dans ce portrait de reine rongée par le remords, c’est moins la netteté de l’attaque que l’expressivité de chaque note qui compte. Et dans ce domaine, elle laisse loin derrière elle l’Elektra puissante mais fragile de Janice Baird, la Chrysothémis beuglante de Manuela Uhl ou l’Egisthe falot de Burkhard Ulrich. Seul Egils Silins (l’actuel Wotan dans la reprise du Ring à Zurich) fait figure honorable dans cette distribution plutôt discutable avec un Oreste puissant, aux moyens vocaux larges et sonores.

Eric Pousaz