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Théâtre de Bâle
Bâle : “Les Noces de Figaro“

A Bâle, Mozart servi sous forme de comédie érotique leste...

Article mis en ligne le juin 2010
dernière modification le 28 juillet 2010

par Eric POUSAZ

A Bâle, Mozart est bien servi par un ensemble de chanteurs jeunes et dégourdis qui incarnent les personnages de Beaumarchais et Da Ponte avec un abattage de bon aloi : le ton choisi est celui de la comédie érotique leste, narrée sur un mode sexy mais jamais vulgaire.

Les caresses se font insistantes, les chemises s’entrouvrent, les jambes s’écartent sans que les limites du bon ton soient même effleurées. L’action est située dans le décor d’un loft de luxe près de Los Angeles, construit autour d’un jardin intérieur où poussent d’énormes cactées aux formes phalliques. La mise en scène d’Elmar Goerden, dont c’est d’ailleurs le premier essai sur une scène lyrique, mise tout sur le rythme, le choc des rencontres manquées ou inattendues et l’alacrité des mouvements de scènes qui se déroulent souvent en parallèle, lorsque des personnages arrivent sur scène alors que leur présence n’est pas encore requise. Jamais le sous-titre de ‘Folle Journée’ qu’a choisi Beaumarchais pour cette pièce n’a paru plus approprié.

« Les Noces de Figaro »
© t+t Fotografie, Tanja Dorendorf

Mario Venzago remporte un triomphe à la tête du Sinfonieorchester Basel qu’il dirige en dosant magnifiquement l’ampleur du chant des cordes et la présence insidieuse de la voix des vents, qui apparaissent comme les pendants instrumentaux des personnages sur le plateau. Lorsque les cors susurrent avec toujours plus d’insistance pendant l’air de Figaro au dernier acte, il est impossible de ne pas se rappeler que cet instrument est associé aux cocus dans la tradition musicale du XVIIIe siècle !... De plus, conscient des acquis de la nouvelle approche de la musique baroque, le chef demande parfois aux cordes un jeu acéré, presque belliqueux, qui rappelle la sécheresse d’interprétation des ensembles spécialisés. On ne saurait, en tous les cas, souhaiter un jeu instrumental plus approprié à l’approche scénique irrévérencieuse choisie par le metteur en scène.

Les solistes se mettent avec enthousiasme au service d’une telle interprétation. Les voix sont parfois encore un peu vertes (la Barbarina de Jeanine de Bique, le Comte hautain mais trop léger de Matias Tosi) ou excessivement lourds pour l’emploi (la Comtesse de Svetlana Ignatovitch, qui se voit obligée de truquer dans le trio du II par manque d’aigus sûrs), mais le jeu est si vif, le chant si enflammé que ces défauts ne marquent pas les esprits. Maya Boog est par contre une Susanna au dessus de tout reproche : son chant impertinent ne se déploie jamais aux dépens de la justesse ou de la plénitude sonore. Le Figaro asiatique hâbleur d’Eung Kwang Lee fait également une démonstration impressionnante de brio vocal même s’il prend beaucoup de libertés dans le choix de ses ornementations ajoutées à sa ligne de chant sans grande recherche de style. Le Cherubin de Franziska Gottwald, au physique malicieusement androgyne, rallie tous les suffrages avec ses interventions physiquement agiles et vocalement pleines de morgue railleuse. Les comparses sont, eux aussi, parfaitement en situation, de même que le chœur au chant précis et aux interventions scénqiues emplies de raillerie narquoise.

Eric Pousaz