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A l’Opéra d’Avignon
Avignon : “Mignon“

La programmation de Mignon à Avignon, reprise de la mise en scène du Capitole de Toulouse, s’est avérée une excellente initiative.

Article mis en ligne le septembre 2007
dernière modification le 30 août 2007

par François JESTIN

Après Les Pêcheurs de Perles en février (voir article), Avignon continue de défendre le répertoire français, en programmant Mignon avec des valeurs sûres, en particulier une production éprouvée, et une distribution vocale proche de l’idéal.

Mignon et Hamlet, les œuvres-phares d’Ambroise Thomas, furent de formidables succès à leur création dans les années 1860 (Mignon devint ainsi le premier opéra à avoir été joué plus de 1000 fois du vivant de son compositeur).

Sophie Koch (Mignon) © Cédric Delestrade / ACM-Studio

Les temps ont bien changé – à quand remonte la dernière représentation de Mignon à l’Opéra de Paris ? – ceci même si quelques rares théâtres de régions remettent l’ouvrage sur le métier, comme le Théâtre Impérial de Compiègne en 1996 (représentations captées au disque – 2 CD Accord). C’est aussi le cas du Capitole de Toulouse, où son patron, Nicolas Joël, signe une nouvelle production en 2001, reprise en 2005. C’est cette mise en scène qui fait étape à Avignon, d’un goût très classique et réaliste, avec une forte utilisation de toiles peintes. Au premier acte, la place du village fait un peu étriquée (la scène du Capitole de Toulouse est vraisemblablement plus large que celle d’Avignon), mais les images deviennent ensuite magnifiques, avec la luxuriante serre côté jardin, le riche lustre et les portes en fond de scène qui s’ouvrent pour un changement à vue (acte II), puis les colonnes néoclassiques et les statues en bord de mer au III.
Très attendue dans le rôle-titre, la mezzo Sophie Koch convainc complètement : avec un Mignon certainement vocalement plus clair que chez d’autres titulaires, elle est parfaitement crédible en jeune fille tour à tour passionnée, révoltée, désespérée, mais sait aussi très intelligemment alléger son volume, et chanter délicatement certains passages. Son « Connais-tu le pays… » est touchant, et beaucoup d’expressions passent sur son visage pendant la soirée. Le ténor Yann Beuron (Wilhelm Meister) fait à nouveau preuve d’une rare élégance dans la conduite de sa ligne de chant ; son français, chanté et parlé, est un régal, certains aigus sont fragiles, mais de subtils piani et l’usage d’une voix mixte en viennent à bout. La soprano colorature Aline Kutan (Philine) est annoncée souffrante, mais on ne décèle pas immédiatement sa maladie lors de son entrée en scène : avec prudence, l’agilité est impressionnante, et les aigus et graves restent bien timbrés. La diminution de ses moyens apparaît avec évidence à l’acte II, et on souffre avec elle dans son morceau de bravoure « Je suis Titania la blonde », où le véritable cri remplace l’aigu par deux fois, en allant jusqu’au bout de ses possibilités de la soirée. La basse Nicolas Courjal (Lothario), jeune pour le rôle, déploie globalement un beau timbre, dans un style parfois un peu haché. Blandine Staskiewicz (Frédéric) maîtrise ses aigus, avec un timbre assez clair, et Christian Jean (Laërte) est drôle et toujours compréhensible dans ce rôle de ténor « de caractère ».
Un peu à l’image de la production, on pourrait qualifier la direction musicale de Jean-Yves Ossonce de « réaliste », sans envolées spectaculaires, en visant la meilleure maîtrise possible des difficultés techniques, en particulier les cassures de rythme. La partition s’avère par endroits un peu difficile pour le violon solo, mais le résultat est globalement satisfaisant..

François Jestin

Thomas : MIGNON : le 29 mai 2007 à l’Opéra d’Avignon