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A l’Opéra-Théâtre d’Avignon
Avignon : “La Clemenza di Tito“

Remarquable représentation de la Clémence de Titus.

Article mis en ligne le mai 2009
dernière modification le 10 mai 2009

par François JESTIN

Remarquable représentation avignonnaise de la Clémence de Titus, pleine de belles surprises vocales, surtout en considérant que chaque chanteur y effectue une prise de rôle.

Il faut pourtant avouer qu’avant la représentation, on craignait beaucoup pour Gilles Ragon, distribué en empereur Titus. Son évolution vocale ces dernières années, où la voix s’est considérablement alourdie, ainsi que son récent Hoffmann ici-même, proche du calamiteux (voir SM 211), n’auguraient rien de bon dans Mozart, où le ténor doit habituellement privilégier un joli son, plutôt léger. Mais Tito n’est pas Tamino ni Don Ottavio, et un instrument robuste peut convenir au personnage, comme c’est le cas la plupart du temps ce soir. Certes, les moments faibles sont assez nombreux – les récitatifs qu’on aimerait plus délicats, un net décrochage au moment des terribles vocalises de l’air « Se all’impero » – mais le bilan est positif au final, avec ce qu’il faut de véhémence dans le jeu, sans en rajouter.

« La Clemenza di Tito », avec Ermonela Jaho (Vitellia) et Karine Deshayes (Sesto)
© ACM – Studio Delestrade

A ses côtés, la basse David Bizic (Publio) est solide, mais l’émerveillement est amené par les femmes, avec le couple Ermonela Jaho (Vitellia) et Karine Deshayes (Sesto). La soprano albanaise habite jusqu’au bout des ongles ce personnage féminin, haineux et jaloux, et les mots sont ciselés et piquent comme des flèches. Seuls les graves du rôle sont un peu sourds, mais la projection de l’aigu est impressionnante, et l’agilité maîtrisée. Quant à la mezzo française, sa virtuosité, son engagement, son assurance vocale sur toute la tessiture, nous semblent aujourd’hui une révélation. D’école belcantiste – elle prête sa voix régulièrement à Rosina et Cenerentola – Karine Deshayes a indéniablement franchi une nouvelle étape dans sa carrière, en endossant avec brio les habits du rôle très difficile de Sesto. Et on ne ratera surtout pas ces deux chanteuses, qui reviendront la saison prochaine pour les Capuleti e i Montecchi de Bellini ! Le joli soprano léger de Caroline Mutel (Servilia) et le mezzo / alto au timbre très sombre de Marie Lenormand (Annio) complètent la distribution, sous la direction musicale de Jonathan Schiffman.

L’orchestre n’est visiblement pas dans un très grand jour, à moins que ce ne soit la musique de Mozart qui ne souffre pas d’à-peu-près, mais on regrette des manques d’homogénéité de l’ensemble, même s’il faut reconnaître que le chef est toujours attentif aux voix. En co-production avec l’Opéra de Rouen, la mise en scène d’Alain Garichot ne fait vraiment pas très riche, mais a le mérite de recentrer l’action au plus près des protagonistes : dix marches d’escalier sur la largeur du plateau, et une maquette de Capitole miniature en flammes en fin de premier acte.

François Jestin

Mozart : LA CLEMENZA DI TITO : le 29 mars 2009 à l’Opéra-Théâtre d’Avignon