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Opéra d’Avignon
Avignon : “La Cenerentola“

Plaisir raffiné que cette Cenerentola avignonnaise.

Article mis en ligne le mai 2010
dernière modification le 30 mai 2010

par Martina DIAZ

Quand le rideau s’ouvre, le dimanche 21 mars, sur la scène de l’Opéra d’Avignon, le public retrouve les deux précieuses ridicules, enrobées de robes à froufrou, qui torturent la grise Cendrillon époussetant une salle de palais où est accroché un immense tableau représentant un jardin à la française et un château.

« La Cenerentola »
© Cédric Delestrade/ACM-Studio/Avignon

Le décor de la Cenerentola de Rossini (réalisé par Emmanuelle Favre) se révèle ainsi sobrement classique, mais non pas statique : lorsqu’Alidoro invite la belle délaissée au bal, la fontaine du jardin se met par enchantement à couler, alors que la nuit tombe sur le tableau auparavant figé. Celui-ci devient ensuite une tenture que l’Aladin rossinien soulève pour surveiller ses acteurs lors de la scène de l’orage, créant alors un effet de mise en abîme : le conte de fées est un spectacle qu’observe tant le public avignonnais, en grand nombre en cette matinée de première, que le sage conseiller. L’animation vidéo (Gilles Papain) est néanmoins utilisée avec parcimonie, ce qui permet une touche de magie bienvenue dans une Cenerentola située au début du 19e siècle (magnifiques fracs de Katia Duflot). Aussi la mise en scène, décidément réussie, de Charles Roubaud respecte-elle tant l’histoire que la tradition italienne, notamment en ce qui concerne la disposition concentrique des chanteurs lors des airs d’ensemble – bien que le célèbre «  questo è un nodo avviluppato » ait déçu, les chanteurs n’appuyant pas assez sur ces allitérations qui doivent résonner pour dérouler la facétie du phrasé.

Facétie et humour
Féerie, et bouffonnerie : la mise en scène travaille intelligemment le comique des gestes. Les personnages trébuchent, Dandini jouant au prince laisse tomber sa canne de façon tonitruante, Clorinda et Thisbe se courbent sous les aigus enragés du prince, alors que leur “papa“ se frotte les tympans percés par ces mêmes aigus : et ce, avec raison hélas, car le prince Don Ramiro, incarné par Manuel Nuñez-Camelino, est vocalement le plus faible de la distribution. La voix est restée coincée durement dans la gorge, incapable de porter et de faire vivre avec tempérament son personnage demeuré en retrait.

Le Prince dans « La Cenerentola »
© Cédric Delestrade/ACM-Studio/Avignon

Au contraire, Lionel Lhote a incarné finement un élégant Dandini, loin de la grossièreté qui accompagne trop souvent ce valet transformé princièrement le temps d’une farce. Outre une bonne diction et une excellente théâtralité dans les récitatifs, Lionel Lhote joue assez librement sur le rythme des airs, renforçant ainsi le comique du personnage.
De même Franck Leguerinel, dans le rôle de Don Magnifico, a convaincu par son interprétation tant dans les scènes bouffonnes, où il devient directeur des ivrognes, que dans la colère qui l’emporte contre Angelina, incarnée par Karine Deshayes. Si la soprano manque de puissance dans les graves, traversés par des courants d’air, elle est certainement meilleure dans les aigus et dans les vocalises : en effet, le virtuose « Nacqui all’affanno » a révélé un excellent diaphragme, qui lui a permis de chanter avec brio cet air réconciliateur, devant une Clorinda (Caroline Mutel) et Thisbe (Julie Robard-Gendre) aux comportements toujours réticents et aux chants acides – ce qui convenait d’ailleurs tout à fait à ces rôles.

La Cenerentola avignonnaise, en co-production avec le Festival Spoleto (Charleston, Etats-Unis) est ainsi un plaisir raffiné d’humour, accompagné avec délicatesse par Roberto Rizzi-Brignoli, habitué de la Scala de Milan, à la tête de l’Orchestre Lyrique d’Avignon-Provence. Si les cors ont un peu peiné et que l’on aurait parfois souhaité un peu plus de nervosité dans l’orchestre, la fosse est demeurée un appui discret pour les promesses françaises du chant qui constituaient l’essentiel de la distribution.

Martina Diaz

Rossini, « La Cenerentola », le 21 mars 2010 à l’Opéra Théâtre d’Avignon