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Opéra d’Avignon
Avignon : Fanny Capuleti et Marius Montecchi

Couples maudits sur la scène avignonnaise, en cette première partie de saison lyrique.

Article mis en ligne le février 2010
dernière modification le 24 février 2010

par François JESTIN

L’Opéra d’Avignon programmait, fin novembre, I Capuleti e i Montecchi, en création, avec Karine Deshayes et Ermonela Jaho, avant la reprise en janvier de Marius et Fanny.

Les deux représentations de I Capuleti e i Montecchi programmées fin novembre marquent tout simplement la création à Avignon de cet opéra majeur de Bellini. Très attendus, les titulaires des trois rôles principaux, déjà distribués ici-même les saisons passées, n’ont pas déçu. Karine Deshayes a tout d’abord franchi un cap en endossant les habits de Romeo : très crédible dans cet emploi, la voix possède une extension et une projection impressionnantes dans l’aigu. Les notes graves sont moins naturelles, ce qui enlève un peu d’homogénéité à l’instrument, mais la jeune mezzo française a de nombreuses années devant elle pour progresser, et améliorer parallèlement son style belcanto.
La soprano Ermonela Jaho (Giulietta) est quant à elle une véritable tragédienne, dès son entrée en scène où elle vit le drame de l’intérieur. La voix, qui s’est nettement élargie ces dernières années, est gardée sous contrôle : aigus puissants, mais vocalises maîtrisées et quelques subtils piani éthérés. Outre son physique de jeune premier, le ténor espagnol Ismaël Jordi (Tebaldo) fait valoir un style élégant et une ligne de chant fort bien conduite, ainsi que des moyens qui semblent s’être épaissis depuis sa première apparition à Avignon dans Rigoletto. Federico Sacchi (Capellio) et Patrick Bolleire (Lorenzo) complètent la distribution, mais restent nettement en retrait par rapport à ces trois étoiles.

« I Capuleti e i Montecchi » avec Ermonela Jaho (Giulietta) et Karine Deshayes (Romeo)
© ACM – Studio Delestrade

Malheureusement, la déception nous arrive de la fosse, où l’Orchestre Lyrique de Région Avignon Provence est placé sous la direction de Jonathan Schiffman, son directeur musical. Les instrumentistes partent trop souvent en ordre dispersé, le manque de virtuosité des cordes pose problème lorsque le rythme s’accélère, et quelques solistes sont à la limite de la difficulté de la partition (par exemple les solos de cor écrits par Bellini sont connus pour être redoutables, c’est hélas largement confirmé ce soir !). La nouvelle production de Nadine Duffaut se laisse rapidement enfermer dans le choix du dispositif scénique retenu. En permanence, un voile vertical partage le plateau en deux parties : une avant-scène réduite où évoluent les protagonistes (bel effet de lumières pour isoler cet espace, le voile ressemble alors à un mur de béton gris) et un fond de plateau souvent vu obscurément au travers de ce tulle, dont le spectateur peut se sentir trop éloigné (dommage, car les combats d’épée y sont bien réglés par le maître d’arme, Véronique Bouisson). On garde espoir jusqu’à la fin – le voile se lèvera-t-il pour libérer l’espace sur la scène ? – mais en vain. L’ambiance n’est pas trop à la fête non plus dans la salle, le taux de remplissage est scandaleusement modeste pour une si belle affiche, et illustre le manque de curiosité du public.

« Marius et Fanny » avec Karen Vourc’h (Fanny) et Sébastien Guèze (Marius)
© ACM – Studio Delestrade

Marius et Fanny
Pas beaucoup plus d’affluence le 5 janvier – le métier de directeur de théâtre doit être difficile certains soirs ! – pour la reprise de Marius et Fanny, mis en musique par Vladimir Cosma. Cet ouvrage avait été créé en ouverture de saison marseillaise en septembre 2007 (voir compte-rendu dans SM 199) avec le couple d’alors Alagna-Gheorghiu.
A Avignon, ce sont Sébastien Guèze et Karen Vourc’h qui tiennent les rôles principaux (ils avaient déjà assuré les deux dernières représentations à Marseille), dans un équilibre très harmonieux. L’allure est juvénile, l’élocution est soignée (c’était le gros point faible de Gheorghiu à Marseille), et les chanteurs sont vocalement convaincants, particulièrement la soprano, le ténor rencontrant quand même de fréquents problèmes de justesse dans l’intonation. On reprend avec grand plaisir une dose de Jean-Philippe Lafont (César), sorte de Raimu plus vrai que nature, et de l’impeccable Marc Barrard (Panisse), tour à tour drôle et émouvant dans ses interventions, aux côtés de Michèle Lagrange (Honorine). La production de Jean-Louis Grinda est encore plus appréciée sur le plateau avignonnais de taille réduite, où les protagonistes sont plus proches, et de belle qualité également l’orchestre placé sous la direction musicale de Dominique Trottein.

François Jestin

Bellini : I CAPULETI E I MONTECCHI : le 24 novembre 2009 à l’Opéra d’Avignon
Cosma : MARIUS ET FANNY : le 5 janvier 2010 à l’Opéra d’Avignon