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A Avignon
Avignon : “Don Giovanni“

Une interprétation classique et sans prétentions de “Don Giovanni”.

Article mis en ligne le décembre 2006
dernière modification le 15 juillet 2007

par Magali JANK

Pas de demi-mesures dans ce “Don Giovanni“ signé Frédéric Bélier-Garcia. En effet, tant à travers la musicalité qu’à travers la théâtralité, le drame est omniprésent, mettant en évidence avec finesse l’essence même de cet être
arrogant et sans scrupules, assoiffé de plaisirs et de divertissements, inapte à la raison.

Dès l’Ouverture, l’Orchestre Lyrique de Région Avignon-Provence, sous la baguette de Theodor Guschlbauer, affiche une énergie folle, où la tension dramatique est déjà très présente. Et si les arias enlevées de cet opéra de Mozart, vraisemblablement le plus joué en cette année anniversaire, allègent sensiblement l’ensemble, la tension ne s’essouffle à aucun moment. Elle va même crescendo, jusqu’au moment fatal, où, châtié pour ses excès, le séducteur sombre dans les ténèbres. Le rythme de vie effréné du héros se traduit également dans un jeu de scène particulièrement vif et une très bonne occupation de l’espace. De plus, chaque personnage est présent et crédible, sans être sur-joué, assurant ainsi l’évolution fluide du drame. Côté mise en scène, la combinaison habile de simples panneaux permet de créer des espaces sans cesse renouvelés, offrant une grande diversité de tableaux et apportant ainsi un cadre idéal aux intrigues. Aidé d’un décor relativement simple et de costumes classiques, sans grande prise de risque mais néanmoins tellement efficaces, l’équilibre est tout trouvé pour tenir le spectateur en haleine. Il s’en dégage en effet une fraîcheur et un dynamisme en parfaite harmonie avec la dramaturgie de l’ensemble.

“Don Giovanni“

Du côté vocal, Nicolas Cavallier dans le rôle-titre, semble en forme ce soir-là. Remarquablement à l’aise sur scène, à la fois exubérant et désinvolte, il affiche un timbre chaleureux et une voix expressive. Et si certains connaisseurs pourraient lui reprocher un manque d’originalité dans son jeu, il demeure cependant fidèle au rôle. A ses côtés, le Leporello d’Eric Martin-Bonnet, au jeu plus habité, n’a certes pas la même allure que son maître. Complice malgré lui, il se montre non seulement maladroit et burlesque, mais nous livre aussi des sentiments plus profonds. Sa forte présence scénique ne fait cependant pas pâlir sa belle prestation vocale. Autour de ce duo, on remarque tout d’abord l’incroyable puissance vocale de la Russe Marina Poplavskaya, dans le rôle de Donna Anna. Une projection impressionnante, manquant peut-être parfois de retenue, mais correspondant parfaitement à son rôle de femme blessée et en colère. Xavier Mas (Don Ottavio), quant à lui, se montre plus discret, mais ne démérite pas, nous gratifiant de très beaux airs. On apprécie aussi la simplicité et la légèreté tant vocales que théâtrales du couple Zerlina-Masetto, incarné par Julie Boulianne et Enrico-Maria Marabelli. Petite ombre au tableau, Michelle Canniccioni ne parvient pas à convaincre d’emblée. Le phrasé est peu clair, les couleurs vocales peu accentuées. Même si au fil de la représentation la voix se fait plus chaleureuse, elle peine à se fondre au plateau vocal, ce qui n’est pas le cas de celle de Wojtek Smilek (le Commandeur) dont les brèves apparitions sont probantes. Cette production de l’Opéra de Marseille ne restera peut-être pas dans les annales, mais cette interprétation classique et sans prétentions de “Don Giovanni” n’enlève rien au plaisir du public qui est aux anges et n’aura pas manqué de rire ce soir-là !

Magali Jank

Représentation du 31 octobre 2006