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Théâte de Vidy-Lausanne
Vidy-Lausanne : “Classe“

Entretien avec Blandine Keller, au sujet de sa pièce Classe, présentée à Vidy.

Article mis en ligne le avril 2008
dernière modification le 28 avril 2008

par Claudia CERRETELLI ROCH

Blandine Keller sait de quoi elle parle : la classe, elle l’a vécue sous toutes ses formes. C’est une de ses dernières années d’enseignement, une 6e du collège Saint-Denis en banlieue parisienne, qui a retenu toute son attention et qui a cristallisé sa passion pour ce métier.

Elle a écrit Classe inspirée par ses élèves, sous la forme d’une série de ballades avec eux comme reprise de « princes ». Car elle aime les élèves dits « difficiles », cette femme qui parmi ses nombreuses autres casquettes – celle d’enseignante et d’ancienne militante du PC, par exemple – possède celle d’écrivaine : « j’ai été éblouie, j’ai réussi à dépasser la provocation pour en comprendre la richesse du message, de l’appel. J’ai réussi à regarder ces élèves avec émerveillement et fraîcheur ».
Son texte, sans ponctuation, ni phrases subordonnées, est la représentation d’une suite d’instants et de décisions souterraines qui font mouvoir cette immense machinerie humaine qu’est une classe. L’élève qui triche côtoie celui qui pense à son match ou celle qui tente de prendre un rendez-vous avec sa copine de derrière. Sur le devant de la scène, il y a les enjeux du cours. Un cours sur Ulysse devient, ainsi, sous la plume de l’écrivaine, l’occasion d’étudier une odyssée autrement plus présente en classe, à savoir celle de l’emprise que les élèves ont – ou n’ont pas, ou tentent d’avoir – avec le savoir.
Ce texte rythmé, aussi rapide qu’un coup d’œil chez le voisin et foisonnant, qui a fait rêver plus d’un metteur en scène en France, sera créé au théâtre de Vidy-Lausanne par François Rodinson.

Classe © DR

Entretien


Blandine Keller, comment s’est faite la rencontre entre François Rodinson et votre texte ?
« Tout dans ce livre est une aventure…Pour écrire un autre livre, je me suis rendue dans un monastère de la Saorge, près de Nice. C’est un lieu de prédilection et d’inspiration pour plusieurs écrivains et artistes. Le directeur du monastère a eu un coup de foudre pour ce texte. Il l’a confié à un directeur de théâtre de Nancy, qui était résident. Ce dernier l’a confié à François Rodinson  ».
L’écrivaine ajoute qu’elle a beaucoup travaillé avec le metteur en scène : « Il y a une seule comédienne qui joue successivement le rôle de chaque élève. C’est un travail difficile et très riche. Océane (la comédienne) est venue répéter à Paris. Elle voulait savoir « qui » était chacun, quelle était sa situation familiale, son caractère etc, afin de trouver le ton juste. En effet, chaque élève-personnage a une poétique singulière très affirmée à cet âge, qu’il vaut la peine d’approfondir, pour s’en emparer le temps de la pièce. En outre, j’ai gardé certains événements qui se sont réellement produits, et il était important de comprendre les circonstances de ces événements, pour ne pas dénaturer les personnages, et les élèves eux-mêmes, qui existent et qui se sont reconnus dans la pièce. »

Vous avez un long passé de militante. Votre texte est-il la description poétique d’une heure de cours ou aussi un support militant pour une « autre » école ?
« Je tiens à dire et à faire savoir que les enseignants ne sont pas formés pour ce qui les attend, et que cela est triste pour tout le monde. J’ai passé moi-même de nombreux séjours en maison de repos, exténuée, à cause de cette difficulté à trouver la bonne manière d’aborder ce métier. Je suis triste de voir qu’encore et toujours, les enseignants doivent chercher seuls les outils pour considérer les élèves comme une source d’immense enrichissement. J’ai eu cette chance suite à un long travail avec une analyse freudienne, mais ce n’est pas le cas du jeune enseignant qui arrive dans une classe, son CAPES dans les mains, sans avoir jamais eu de contact avec des élèves. Il y a une guerre inacceptable contre les sciences humaines, avec le prétexte que l’énergie déployée en classe par ce travail humain de fond est volée à la discipline qu’il faut enseigner. Et pourtant, il faut savoir à quoi – et comment – on s’engage, et être formé en conséquence… »

Propos recueillis par Claudia Cerretelli

Du 16 au 30 avril : CLASSE de Blandine Keller, m.e.s. François Rodinson.
Vidy-Lausanne, La Passerelle, à 20h, di à 18h, relâche lundi (loc./rés. 021/619.45.45)