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Confiture au Casino-Théâtre
Entretien : Philippe Cohen

Quelques questions à Philippe Cohen, au sujet de la mise en scène de A Midsummer Night’s Dream.

Article mis en ligne le mai 2007
dernière modification le 17 octobre 2007

par Claudia CERRETELLI ROCH

La Compagnie Confiture investit le Casino-Théâtre jusqu’au 12 mai pour proposer sa version de la célèbre pièce de Shakespeare, A Midsummer Night’s Dream. Philippe Cohen, qui en assure la mise en scène, a accepté de répondre à nos questions.

Entendons-nous : le texte de Shakespeare, nous rappelle Philippe Cohen, s’intitule « un » songe, pas « le » songe, tel qu’il a toujours été traduit en français. Mais cette nuance n’implique qu’une petite partie du problème de traduction dont a souvent été l’objet la pièce.

Philippe Cohen

En effet, insiste-t-il, « les traductions existantes – à partir de la plus importante, celle de Victor Hugo – n’ont cessé d’imposer au texte un polissage-nettoyage typiquement « franco-français » . Il faut dire en effet qu’un Bourdieu ne pourrait pas exister dans les pays anglophones, étant donné la réalité pragmatique de la langue anglaise, son désintérêt pour les phrases alambiquées. En outre, en parlant de textes à proprement parler littéraires, on peut aisément voir l’impossibilité de traduire la poésie de la langue anglaise en français. Il faut dire à sa décharge que Victor Hugo a su obtenir des résultats intéressants : « pèlerinage virginal » en est un, ainsi que la phrase qu’il met dans les lèvres de Thésée : « le bonheur terrestre est à la rose qui distille sa sève, – et non à celle qui se flétrissant sur son épine vierge, – croît, vit et meurt dans une solitaire béatitude ».
Dire avec un langage authentique, c’est pourtant le pari tenté par Philippe Cohen, qui a retraduit des extraits de la pièce en un langage plus proche de Shakespeare, dont on connaît le mélange de violence verbale et d’abstraction, de poésie lunaire, de prose crue. Peut-être est-ce un héritage de ses origines : aide-boucher et écrivain peuvent produire une écriture extraordinaire, quand le génie est là…

Philippe Cohen, comment se fait-il que les traducteurs et auteurs français aient peur de traduire Shakespeare ?
La tradition française est un monde à part. Elle se réclame parfois d’une légitimité intellectuelle qui n’a pas forcément lieu d’être. Elle privilégie une pseudo-poésie à la française et cela est bien dommage. C’est une perte de richesse. Comment expliquer que, par exemple, le « up and down » de Shakespeare soit traduit en « par monts et par vaux » ? J’ai tenté de retrouver, par ma propre traduction, un peu de la nature du Songe. Le texte est intégral, mais j’ai pris quelques libertés avec les personnages, de manière à obtenir des cadences différentes le long de la pièce.
Je pense qu’aujourd’hui, au-delà de ce langage, il est également possible de comprendre certains passages à la lumière de la psychanalyse : par exemple, dans le cauchemar d’Hermia, il est difficile de ne pas expliquer le serpent sur son torse, alors qu’elle appelle son amant… Ceci dit, cette lecture doit rester en marge de l’œuvre et de la création !

Racontez-nous vos choix scénographiques.
J’ai opté pour une forêt mobile. Les arbres et les plantes sont sur des roulettes et des chaises. Ils cachent des personnages, qui s’approchent au gré des rêves du héros. Celui-ci est endormi, lorsque ceux-ci viennent à agir autour de lui.

En ce qui concerne votre compagnie, vous avez créé de nombreuses pièces à partir de « valeurs sûres », telles que le Médecin malgré lui ou le Cid. Maintenant, votre création est également un grand classique, Un songe d’une nuit d’été. Quelle est votre ligne ? Que signifie votre slogan « étaler la culture » ?... Est-ce un appel à la farce, à la caricature ou au pastiche ?
Pas du tout. Je suis, sur certains points, bien plus sérieux avec les textes que ne le sont les membres de « l’institution théâtrale genevoise ». Notre ton est surtout irrespectueux et mal-vu par le bien-pensant culturel. C’est peut-être à cause de cela que nous recevons la plus petite subvention du théâtre genevois. Ceci dit, je préfère faire de la création que de la bataille politique. En outre, le public nous aime tout particulièrement : c’est l’essentiel. Pour le spectacle Le médecin malgré lui ou le toubib à l’insu de son plein gré, nous avons fait 50’000 entrées ! En outre, de nombreuses écoles demandent des représentations supplémentaires.

Propos recueillis par Claudia Cerretelli

Jusqu’au samedi 12 mai : Un Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, m.e.s. Philippe Cohen. Au Casino-Théâtre à 20h30
(rés. 022/839.21.02)