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Théâtre de Carouge
Carouge : “Lumières de bohème“

Pierre Nicole mettra en scène Lumières de bohème, de Ramon Maria Del Valle Inclan au théâtre de Carouge

Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 24 juillet 2007

par Claudia CERRETELLI ROCH

Parmi les mouvements littéraires qui foisonnent dans la vie du XIXe siècle, un seul semble être resté en marge de l’histoire littéraire : la bohème, qui a été au centre même des créations artistiques parisiennes et madrilènes. Celle-ci n’est pas à proprement parler un mouvement littéraire, mais plutôt un style de vie qui a parcouru toute l’Europe.

Style tourmenté – et non léger et joyeux comme on pourrait le croire – marqué par la misère et l’échec, finissant par imposer au spectateur – ou au lecteur – une vision désenchantée du statut de l’artiste dans une société espagnole qui se déshumanise. Ce regard douloureux que le poète pose sur sa quête et son errance est essentiel, puisqu’il est inédit et permet une connaissance accrue et intime du petit peuple.

Quête du grotesque
C’est au cœur même de cette bohème espagnole qu’il faut chercher la quête et la conscience du grotesque de la réalité présente dans l’œuvre Lumières de bohème : comme d’autres écrivains espagnols, Azorin, Pio Baroja et Ruben Dario entr’autres, Ramon Maria del Valle Inclan témoigne de cet art de vivre qu’il a connu et vécu en première personne.
De quoi parle la pièce ? Un personnage poète se promène la nuit dans le Madrid des années 1917-1920. La ballade nocturne permet la rencontre de tous ceux qui – parce que marginalisés ou parce que cloués dans leur silence politiquement imposé – peuvent lâcher toutes leurs pensées interdites dès que l’obscurité arrive. Pendant ses dernières heures, Max Estrella, personnage créé à partir du poète Alejandro Sawa, parcourt le Madrid de la bohème et rencontre à tour de rôle un anarchiste qui se fait conduire en prison, une mère désespérée... Il se fait également arrêter pour avoir trop crié la vérité sur la voie publique. Ses dernières heures témoignent d’une tragédie humaine détournée, rendue grotesque. Cette tragédie n’est pas que la sienne ; il la partage avec tous les Madrilènes : mauvais gouvernements, politique, anarchie, religion scandent les dialogues nocturnes autour du poète.
Si on parcourt l’écriture de la bohème comme une écriture en mouvement (de 1864, avec El frac azul jusqu’aux Lumières de bohème, en 1920), on peut voir que le traitement de la mort du poète bohème signe également la fin de cette période artistique et le sommet du désenchantement des artistes.

Pierre Nicole

Mise en scène
Pierre Nicole mettra en scène Les lumières de bohème au théâtre de Carouge. Ce créateur du théâtre « Le Colombier », espace créé dans une ancienne tannerie et inauguré le 7 avril 2000, a été formé à Paris. Puis il a travaillé comme réalisateur pour la Télévision suisse romande à Genève, où il a fondé le théâtre Lamartine.
Pierre Nicole a été séduit par ce texte d’errance, en ce qu’il traite la vie d’un être sans concession, doté d’un regard acéré sur la réalité qu’il côtoie. A l’époque dont il est question, l’amour de la poésie n’était pas qu’esthétique, mais chargé d’une mission, c’est une arme contre la société. L’esperpento, paru en fin de « bohémisation » artistique est né de cette nécessité. Il s’agit d’une création langagière qui dit bien le mélange de langages populaires et littéraires qui accompagnent le grotesque de la réalité.

Claudia Cerretelli

Lumières de bohème, de Ramon Maria Del Valle Inclan
Grande salle François-Simon, du 28 août au 2 septembre
Réservations : 022 343 43 43