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Opéra Bastille, Paris
Paris : “Mathis der Maler“

Belle réussite à l’Opéra national de Paris !

Article mis en ligne le février 2011
dernière modification le 24 février 2011

par Anouk MOLENDIJK

L’Opéra Bastille créait l’événement cet hiver avec Mathis der Maler. Cette œuvre, dont l’enregistrement de Rafael Kubelik avec Fischer-Dieskau a été récemment réédité chez EMI, est la deuxième d’Hindemith montée dans cet établissement, après Cardillac. Avec Matthias Goerne dans le rôle-titre, dirigé par Christoph Eschenbach et dans la mise en scène d’Olivier Py, cette production annonçait déjà sa réussite.

Grünewald, Hindemith, Olivier Py
L’opéra retrace l’histoire du peintre du célèbre retable d’Issenheim. Une existence prise entre les guerres de religions, la révolte prolétaire, mise en forme et rêvée par Hindemith, également librettiste de l’œuvre, qui lui appose sa propre temporalité, celle de la Seconde Guerre mondiale. Le compositeur allemand s’est probablement beaucoup identifié au peintre, et Olivier Py, metteur en scène et poète obsédé par la question, n’a donc pu que s’intéresser à ce chef d’œuvre sur la condition de l’artiste. Car finalement, une seule question s’y pose : Que peut, que doit faire l’artiste ? Mathis sera donc tenté de rejoindre la cause politique, en s’alliant aux paysans révoltés, puis prendra ses distances avec ces hommes trop violents et injustes. Lui qui a été un artiste choyé par l’Eglise, que devra-t-il faire lorsque celle-ci s’engagera dans de violentes luttes religieuses ?

« Le peintre de la vie moderne »
Olivier Py nous montre un Mathis qui vit avec son temps, mais qui garde toujours une distance, celle de son œuvre à venir, le retable. Ainsi la scénographie propose une structure gigantesque en forme de retable, matérialisation des projets et des délires du peintre, comme cette magnifique scène de la Tentation de Saint-Antoine. La mise en scène transpose l’action dans la Seconde Guerre, d’une manière un peu confuse parfois : l’analogie entre catholiques et protestants d’une part, et de l’autre les forces politiques du XXème siècle ne semble pas toujours correcte. Mais là n’est pas l’importance : c’est de l’universalité de la condition de l’artiste qu’Olivier Py veut parler. Un artiste qui réalise l’œuvre de sa vie par sa vie elle-même, et qui se montre finalement dépouillé de tous les attributs qui ont fait cette existence - drapeau, ruban, croix, tableau- pour ne laisser face à nous que l’Homme dans tout son dénuement. Après une représentation chargée de visuel – on connaît les grandes cathédrales en or de Pierre-André Weitz –, la scène finale, avec le seul Matthias Goerne dans la lumière, est la représentation la plus forte de cette vie d’artiste. Le spectacle ne se termine donc pas par une reconstitution du retable, mais par le dépouillement dans la Joie chrétienne. L’artiste ne doit être que lui-même, et réaliser les dons qui lui ont été donnés.

« Mathis der Maler ».
Crédit Charles Duprat / Opéra national de Paris

Un tableau musical et vocal
Christoph Eschenbach apporte à cette magnifique partition relief et couleur, tout en laissant la masse orchestrale se déployer, parfois au détriment des chanteurs qui sont un peu couverts. L’interprète principal manifeste une fragilité et une humilité scénique qui rendent son personnage extrêmement touchant. Chacune de ses phrases est magistralement conduite, les nuances sont toujours justes et émouvantes. Matthias Goerne est non seulement une grande voix, mais surtout un grand diseur. Cette qualité là, rare, fait oublier que sa voix n’a pas l’abattage nécessaire pour la grandeur de cette salle, le chanteur étant malmené dans les moments plus dramatiques. Les deux femmes de la vie de Mathis, Regina et Ursula, sont idéalement distribuées : Martina Welschenbach (Regina) a une voix fine et lumineuse, très bien conduite, et une personnalité attachante, alors que Melanie Diener (Ursula) possède le tempérament dramatique du personnage- magnifique scène de foi- et la voix tranchante dans l’aigu. Du côté masculin, il faut saluer le Albrecht de Scott Mac Allister, au timbre métallique et à la belle endurance, ainsi que le Capito de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke et le Hans Schwalb de Michael Weinius.

Anouk Molendijk

Représentation du 19 novembre de « Mathis der Maler » (Mathis le peintre) de Paul Hindemith, dirigé par Christoph Eschenbach, mise en scène d’Olivier Py, avec Matthias Goerne, Scott Mac Allister, Thorsten Grümbel, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Gregory Reinhart, Michael Weinius, Antoine Garcin, Eric Huchet, Melanie Diener, Martina Welschenbach et Nadine Weissmann.