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Centre Pompidou, Paris
Paris : L’atelier de Lucian Freud

Le Centre Pompidou rend hommage au Britannique Lucian Freud.

Article mis en ligne le avril 2010
dernière modification le 20 juillet 2010

par Régine KOPP

Après avoir consacré une rétrospective au peintre français encore vivant, Pierre Soulages, âgé de quatre-vingt-dix ans, le Centre Pompidou rend hommage à une autre des grandes figures de l’art contemporain, le Britannique Lucian Freud, également vivant et âgé de quatre-vingt-sept ans.

2005

La chair est-elle triste ?
La dernière exposition consacrée à Lucian Freud dans ce même lieu et réalisée à l’initiative de Jean Clair, remontait à 1987. La commissaire Cécile Debray a choisi un angle bien défini et propose de traverser l’œuvre de Freud, à partir de l’atelier du peintre. Un point de vue approuvé par l’artiste lui-même. L’exposition présente une cinquantaine de peintures, complétées par des œuvres graphiques et photographiques, dont beaucoup proviennent de collections privées, et s’organise autour des peintures de l’atelier, les variations autour des maîtres anciens, la série des autoportraits et les récents portraits de Leigh Bowery et Big Sue.

Nature urbaine
La première salle s’ouvre sur un ensemble de paysages urbains et de vues d’atelier : Wasteground with houses, Paddington (1970/72) ou Grand Intérieur, Paddington (1968/69) sont des œuvres qui laissent voir l’extérieur, la nature urbaine qui, elle seule, intéresse le peintre. On découvrira cependant dans cette même salle quelques œuvres où la nature envahit la toile comme Boutons d’or (1968), Acacia (1975), Deux plantes (1977/80) mais surtout Le jardin du peintre (2005/06) et quelques très belles eaux-fortes de jardins. Mais progressivement le travail de l’artiste va se concentrer dans l’huis-clos de l’atelier.
Un modèle observé minutieusement dans l’atelier, comme dans un laboratoire, l’atelier constituant le cadre réflexif d’un face à face intense avec le modèle. Le peintre y installe ses modèles, à la manière d’un metteur en scène qui plante un décor où l’on retrouve toujours les mêmes accessoires : une plante verte, un canapé crevé, un fauteuil usé, un lavabo, des chiffons. La Chambre du peintre, peinte en 1944, contient déjà tous les éléments de son œuvre. Lucian Freud cherche à incarner ses modèles comme un acteur incarne un personnage. Après l’atelier, toute une salle présente des portraits et des autoportraits. « Dans l’autoportrait, écrit-il, la ressemblance devient quelque chose de différent. Je dois faire ce que je ressens, sans être expressionniste ». Lucian Freud s’intéresse non au nu d’artiste, comme dans les peintures classiques mais à la nudité dans toute sa crudité : la couleur des carnations, les traits fatigués, les chairs flasques, tout ce qui indique le travail du temps sur le corps. Son propre corps n’échappe pas à ce regard distant et intime. On notera la mise en scène parodique du peintre nu dans ses godillots, la palette dans une main et brandissant le pinceau de l’autre dans Peintre au travail (1993).

Ironie et relecture
Les distorsions qui frappent dans son Autoportrait de 1965 nous font bien sûr penser aux œuvres de Francis Bacon. L’ironie est tout aussi vive dans Le peintre surpris par une admiratrice nue (2004/05). Dans la section intitulée “Reprises“, l’ensemble des œuvres sont des relectures autonomes de tableaux choisis chez Cézanne, L’après-midi à Naples, chez Constable pour l’étude d’un tronc d’arbre, voire même Chardin pour La maîtresse d’école. Ce sont autant de variations subtiles sur la peinture, où l’artiste laisse transparaître son processus de travail. Dans les portraits nus du performer Leigh Bowery ou de Big Sue, la chair est au centre de ces imposants portraits, composés selon ses scénographies et rassemblés dans la section sous le titre Comme la chair. « Je veux que la matière peinte fonctionne comme la chair… J’ai toujours méprisé la belle peinture et la délicatesse des touches.. » précise Lucian Freud. Pour représenter les chairs, il utilise des empâtements de blanc, qui donnent beaucoup de force aux portraits. Entre le titre Cadre d’une société de prévoyance sociale endormie (1995) et l’œuvre, représentant une femme obèse, couchée sur un sofa, avec la chair débordant de tous côtés, l’ironie ne nous échappe pas. L’œuvre vendue par Christie’s en mai 2008 au Russe Roman Abramavotich pour un montant de 21,38 millions d’euros, fait ainsi de Lucian Freud l’artiste le plus cher du monde. Quand il portraiture nu Leigh sous la verrière (1994), il y a une référence à la sculpture antique évidente. Quand Freud dit que ce qui l’intéresse chez les gens c’est le côté animal, c’est particulièrement juste dans Matinée ensoleillée-Huit jambes (1997), où ce tas de chair a une intensité qui n’est peut-être pas du goût de chacun.
Pour conclure le parcours, quelques très belles photos prises dans l’atelier par son assistant David Dawson ainsi qu’un film d’un jeune artiste anglais sur le peintre, permettront de mieux comprendre la démarche esthétique de l’artiste.

Régine Kopp

www.centrepompidou.fr. Jusqu’au 19 juillet 2010