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Galerie nationales du Grand Palais
Paris, Grand Palais : Renoir

Magnifique exposition au Grand Palais, qui illustre les 30 dernières années de Renoir.

Article mis en ligne le novembre 2009
dernière modification le 9 janvier 2010

par Régine KOPP

L’exposition du Grand Palais consacrée aux trente dernières années de Renoir n’est peut-être pas faite pour plaire à tout le monde. A commencer par ceux qui trouvent cet étalement de chairs doucereuses, un brin écoeurant.

Excellente occasion donc de se faire une autre idée du peintre que celle de la mièvrerie dont on l’affuble trop souvent. Et de rappeler qu’Apollinaire le saluait en 1913 comme le plus grand peintre vivant, que Matisse le célébrait comme l’artiste qui a peint les plus beaux nus qu’on ait peints, ajoutant que personne n’a fait mieux, personne et bien sûr Picasso, qui acquiert six tableaux et un dessin de Renoir, faisant de Renoir l’artiste le plus représenté de sa collection.
Un parcours d’une centaine d’œuvres, tableaux, sculptures, dessins et photographies, installé dans une mise en scène trop académique et un peu confuse.

Parcours
Le visiteur est accueilli par des couples dansants, La danse à la campagne (1883) aux tons chauds et La Danse à la ville (1883) aux tons plus froids que vient compléter La danse villageoise (1922) de Picasso, d’expression plus mélancolique, et qui rappelle combien Picasso est curieux de l’œuvre de Renoir qu’il admire. Le début des années 1880 marque une rupture et ces deux œuvres de Renoir sont emblématiques de son évolution, qui allie monumentalité et vocation décorative à un sens nouveau de la forme. C’est à partir de ces années-là qu’il s’éloigne de l’impressionnisme, explore des voies nouvelles, cherchant à concilier les acquis de l’impressionnisme et de la peinture sur nature avec l’amour de la tradition, abandonnant les teintes aigres et le dessin un peu sec pour une touche plus moelleuse. Cette dernière période, qui est le sujet même de l’exposition et va jusqu’à la mort de l’artiste en 1919, est dominée par les tableaux de figures, représentant des femmes et surtout des nus féminins, un genre qu’il n’aura jamais autant pratiqué que durant ses trente dernières années.
Le parcours s’arrête sur un moment clef de la vie de l’artiste : sa reconnaissance publique. Elle ne fait que s’amplifier avec l’achat par l’Etat en 1892 de sa toile Jeunes filles au piano, et qui doit beaucoup à l’intervention de Stéphane Mallarmé, fervent défenseur de l’artiste et le fait entrer dans la cour des grands peintres. La salle intitulée “Intimité de la peinture“ présente sa famille qui entre en peinture avec ses trois fils Pierre, Jean et Claude ainsi que la gouvernante Gabrielle. Renoir recherche dans le portrait de ces êtres chers la sérénité et l’harmonie. Il évite les modèles aux poses convenues et leur préfère des femmes absorbées dans une tâche : Ravaudeuse à la fenêtre, La Toilette, Femme se peignant, La Frivolité, sont autant de témoignages d’une volonté de l’artiste à peindre simple et grand, des œuvres charmantes, peut-être trop à notre goût d’aujourd’hui, mais qui assurent à l’artiste un vrai succès commercial.

Peintre de la sensualité
A partir de 1890, Renoir revient alors au nu, mis en scène dans un cadre atemporel, en se mesurant aux maîtres du passé, Rubens, Boucher, Titien, Tintoret et s’inspirant de la statuaire antique. Des femmes offrant toutes un corps éclatant de santé, à tel point que Renoir devient pour ses contemporains le peintre de la sensualité. Comment ne pas être sensible au travail sur la carnation, dans Gabrielle à la rose (1899), ou d’être tenté de caresser l’opulente chevelure blonde qui accentue l’érotisme du nu dans La Source (1906). Mis en scène dans un décor de plein air ou d’intérieur, ses nus offrent une palette claire et une touche libre aux antipodes du léché académique. Il recherche la solidité et la sculpturalité dans le rendu des formes, préférant sacrifier la justesse anatomique au profit d’une ligne décorative et de courbes souples, comme dans Nu sur les coussins (1907), où il arrondit de plus en plus les courbes des corps. Le caractère monumental et archaïque de ses grands nus, Nu assis (1914) s’affirme à partir des années 1910, des nus qui s’élargissent jusqu’à occuper la toile entière. Lorsque Picasso prendra ses distances avec le cubisme, il monumentalisera, à l’exemple de Renoir, la figure et sa Grande baigneuse (1921) pourrait être un copié collé, s’il n’introduisait pas une distance mêlée de mélancolie.

Lumière du Sud
Le parcours évoque également son installation pour des raisons de santé dans le midi. Il s’établit en 1908 avec sa famille à Cagnes et est tout de suite séduit par la lumière. Il exalte ces paysages dans lesquels il exprime une Méditerranée plus idéalisée que correspondant à des lieux réels : La ferme aux Collettes (1914) ou Les Vignes à Cagnes (1908), sont des compositions denses, des jeux de couleurs pures.
Entre 1917 et 1918, Renoir multiplie les figures de fantaisie, se référant à un orient imaginaire et à ses souvenirs de voyages en Algérie. Ce goût du travestissement gagne ses portraits : Le Clown (1909) qui représente son fils Claude ou Ambroise Vollard en toréador (1917). Dans son atelier, des costumes et des étoffes servaient à ses mises en scène, pour recréer des fantaisies exotiques et chamarrées, où des odalisques célèbrent la beauté de la femme.
Les derniers grands formats des Baigneuses (1918-1919) mettent en scène des nus féminins dans un paysage en plein air, femmes nues, telles des déesses de l’Antiquité se prélassant dans un paysage imaginaire. Cette œuvre, qui est au musée d’Orsay et est présentée ici en fin de parcours, a valeur de testament car elle résume son art. Matisse qui, contrairement à Picasso, a rencontré plusieurs fois Renoir, l’a vu peindre ce tableau et y voit le chef-d’œuvre du peintre. Il serait regrettable que le visiteur, même réticent, boude son plaisir et qu’il n’ait pas un seul coup de cœur.
Après Paris, l’exposition est présentée tout d’abord au County Museum of Art de Los Angeles (14 février-9 mai 2010) puis au Museum of Art de Philadelphia (12 juin-5 septembre 2010).

Régine Kopp

Jusqu’au 4 janvier 2010.
Renseignements : www.rmn.fr