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Sur les scènes parisiennes
Paris : Compte-rendu des concerts

Compte-rendu des concerts parisiens du mois de janvier 2010.

Article mis en ligne le mars 2010
dernière modification le 30 mars 2010

par Christophe IMPERIALI

L’événement majeur de ce mois de janvier, au registre des concerts parisiens, a certainement été la 4ème Biennale de Quatuors à cordes, organisée du 12 au 17 janvier à la Cité de la Musique.

En moins d’une semaine se sont succédés pas moins de 13 ensembles, parmi les plus prestigieux de la planète : Emerson, Sine Nomine, Prazák, Juilliard, Hagen, Borodine, et j’en passe. Le fil rouge de la manifestation était constitué par les quinze quatuors de Schubert, qui ont été joués, avec les deux quintettes, au fil des quinze concerts de la biennale. A ce parcours schubertien s’adjoignait un second axe, organisé autour de la création contemporaine : on a ainsi pu assister à quatre créations et à autant de premières auditions françaises de compositeurs tels que Georges Aperghis, Bernd Alois Zimmermann ou Pascal Dusapin. Le bilan artistique de la série est globalement très positif et l’intérêt d’un tel regroupement est évident : au-delà de l’émulation qu’il suscite entre les ensembles, il permet aussi à l’auditeur de confronter des styles et des écoles très variés. Outre la question des instruments (le Quatuor Mosaïques joue sur instruments d’époque, par exemple), on est aussi frappé par les différentes conceptions de l’entité quadruple qu’est un quatuor : s’il paraît une unité à quatre membre chez certains (Hagen, Sine Nomine...), il semble pour d’autres se définir plutôt comme le résultat de l’addition 1+3 (c’était le cas du Quatuor Borodine, dont le premier violon est très nettement le leader – sans connotation péjorative : leur concert était l’un des meilleurs), ou même comme 1+1+1+1 (chez les Emerson, mais sans doute à leur corps défendant). On regrettera, d’ailleurs, que le choix d’ensembles de prestige n’ait pas toujours été synonyme d’engagement et de qualité musicale : en particulier, les quatuors Juilliard et surtout Emerson se sont révélés très en-dessous de ce qu’on pouvait en espérer. Sans doute aurait-il mieux valu ouvrir les portes de la Cité de la Musique à des ensembles plus jeunes, tels que l’excellent Quatuor Artemis ou notre Quatuor Terpsycordes, qui y aurait été parfaitement à sa place.

Quatuor Sine Nomine
© Pierre-Antoine Grisoni/Strates

Pendant ce temps, le défilé des grands orchestres invités se poursuit. La salle Pleyel accueillait, le 9 janvier, l’Orchestre du Festival de Budapest, sous la direction de son chef attitré, Iván Fischer. On s’étonne toujours de ce que cet orchestre, régulièrement invité à Pleyel depuis quelques années, ne partage pas avec plusieurs autres orchestres internationaux le privilège de remplir la salle. Il est pourtant de niveau à tenir tête à n’importe quel grand orchestre européen, surtout sous la direction vive et fouillée d’Iván Fischer. Ces hautes qualités ont été confirmées dans le magnifique concert du 9 janvier, débutant par un Siegfried-Idyll de Wagner qui était une merveille de finesse et d’équilibre. Tout y était ciselé avec une tendresse et une intensité rarement atteinte dans cette page. L’accompagnement des Wesendonck-Lieder qui suivaient joignait à cette finesse chambriste une intensité dramatique parfaitement dosée ; dommage que Petra Lang n’ait pas été au sommet de sa forme vocale. En seconde partie, le Petrouchka de Stravinsky était un véritable feu d’artifice sonore, mettant en valeur les rares qualités expressives d’un orchestre capable (aussi) de faire la grimace comme peu d’autres.

Ingo Metzmacher
© Mathias Bothor

Nulle grimace n’était requise de l’Orchestre du Mariinsky de Saint-Pétersbourg pour faire honneur aux six symphonies de Tchaïkovski, jouées en trois concerts sous la direction de Valery Gergiev (salle Pleyel, les 25, 26 et 29 janvier). La vision très dramatique du chef russe et la puissance éruptive de l’orchestre ont permis de dégager toute la force tourbillonnante de ces partitions, qui atteignent rarement à une telle intensité. Si les vents de l’orchestre restent assez inégaux, on ne peut en revanche qu’admirer la profondeur des cordes, et en particulier un pupitre de violoncelles absolument impressionnant.

Relevons encore deux concerts très intéressants dans la programmation des orchestres locaux : les 20 et 21 janvier, l’Orchestre de Paris, sous la direction d’Ingo Metzmacher, permettait d’entendre une œuvre magistrale, trop rarement jouée en concert : le War Requiem de Benjamin Britten. La soprano Indra Thomas, un peu à l’étroit dans les passages piano, y éclatait par ailleurs d’une impressionnante vigueur vengeresse, tandis que Paul Groves et Matthias Gœrne développaient un dialogue magnifiquement soutenu, mettant très en valeur les beaux poèmes de Wilfred Owen qui forment un contrepoint au texte latin du Requiem – comme l’avaient fait, dans cette même salle, les strophes grecques de la Sibylle dans le saisissant Requiem composé par Thierry Lancino sur un texte de Pascal Quignard, créé le 8 janvier sous la direction d’Eliahu Inbal à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France (voir numéro précédent).

Philippe Jordan
© Johannes Ifkovits

Ce même orchestre était placé, le 22 janvier, sous la direction de Philippe Jordan – qui entame en ce début de mois de mars sa charge de directeur musical de l’Opéra National de Paris en dirigeant le premier volet d’un nouveau Ring. Ce concert était le deuxième pan d’une intégrale des concertos pour piano de Beethoven interprétés par François-Frédéric Guy, et enregistrés chez Naïve (la série se conclura par un troisième concert le 4 juin prochain). L’entente entre les deux musiciens est parfaite : on a rarement entendu une telle communion de pensée dans ce 3ème concerto de Beethoven ; l’orchestre ne se contente pas d’accompagner, mais livre un vrai dialogue avec le piano tout à la fois subtil et puissant de François-Frédéric Guy. Autour de ce concerto, le Divertimento pour orchestre à cordes et le Mandarin merveilleux de Bartók permettent à Philippe Jordan de montrer qu’il est capable de conjuguer une mise en place millimétrée avec une énergie de chaque instant.

Christophe Imperiali