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Teatro Regio, Turin
Turin : “Rigoletto“

Le Regio de Turin et Ivo Guerra reprenaient à leur tour le Rigoletto mis en scène par Giancarlo Cobelli.

Article mis en ligne le mars 2008
dernière modification le 22 mars 2008

par Jacques SCHMITT

Après le Teatro Comunale de Bologne en 2004, le San Carlo de Naples en 2005, la mise en scène de Giancarlo Cobelli, reprise par Ivo Guerra fait son entrée sur la scène du Regio de Turin.

De superbes décors, des éclairages intelligents, des costumes bien dessinés, une musique sublime, un livret d’une dramaticité envoûtante, et pourtant, on sort de ce spectacle sans avoir touché à l’émotion. Tant d’efforts pour réduire ce Rigoletto à une suite d’airs qu’on applaudit pour leur musique plus que pour ce que les intentions scéniques veulent montrer de sentiments, de tourments, de peurs, d’amour ou de trahisons.

Caricature
Pourtant, tout avait bien commencé. Dès l’ouverture, un cercle de lumière fait découvrir Rigoletto prostré dans sa solitude, avant que le fond de scène s’éclaire lentement sur une bacchanale de corps nus regroupés autour d’une grande table garnie de fleurs et de victuailles. Dans ce climat délétère d’une noblesse décadante, le Duc fait son entrée sans jeter un regard sur ces femmes qui s’offrent à lui. Une indifférence blasée marquée par le célèbre Questa o quella. Passés ces quelques instants d’imagination théâtrale féconde, tout retombe dans la caricature de personnages se mouvant dans la convention la plus totale. Ivo Guerra se borne à planter les chanteurs dans le décor sans les impliquer dans l’intrigue. Il en sera ainsi jusqu’au terme du spectacle.
Sans tomber dans le « avant c’était mieux » force est de reconnaître que les interprètes de l’histoire de l’opéra pouvaient faire sens par leur seule voix. Bien heureusement parce qu’ils n’étaient alors guère servis par la mise en scène ! Pourtant, si vocalement, la distribution turinoise reste fort honnête, elle est loin des grandes pointures anthologiques qui ont fait la gloire de cet opéra. C’est que l’artiste manque au chanteur. Ici, chanter n’est pas jouer. Confronté à cette réalité, on attend du metteur en scène que le théâtre relaie le chant pour offrir l’illusion du drame.

“Rigoletto“
Crédit photographique © Ramella & Giannese

Mérite
Reconnaissons pourtant à certains chanteurs le mérite de se mesurer avec un opéra dont les références historiques et discographiques sont si nombreuses que la seule approche de l’œuvre est une marque de courage. Ainsi Roberto Saccà (Duc de Mantoue), s’il n’a pas le style vocal du ténor verdien, offre une prestation de bon niveau. Après un Questa o quella initial sans grand intérêt, il se rachète jusqu’à offrir un La donna è mobile final d’excellente facture.
Vocalement, le baryton Roberto Frontali est un Rigoletto vaillant quand bien même la justesse lui fait souvent défaut. La voix est claire, mais ses approximations vocales et ses décalages avec l’orchestre laissent la désagréable impression d’une certaine impréparation au rôle. Théâtralement catastrophique, son manque de charisme, ne le fait ni bouffon du roi, ni père de Gilda. Il est vrai que la soprano Inva Mula (Gilda) n’a plus la fraîcheur vocale du rôle. La voix trop large, les vocalises trop lourdes, si elle chante très correctement, jamais elle ne donne l’impression de l’insouciante jeunesse, ni de la passion amoureuse du Duc. Quant aux autres rôles, ils restent dans la grisaille des protagonistes.

Brillante prestation
La soirée se serait soldée par un fiasco complet sans la brillante prestation de l’Orchestre du Teatro Regio. Sous la baguette généreuse de Renato Palumbo, l’ensemble turinois se fond d’abord dans un magnifique accompagnement des chanteurs. Sentant que le courant ne passe pas entre le plateau et la fosse, le chef s’offre alors le privilège de faire entendre les couleurs orchestrales de son ensemble. Quels timbres, quelle fougue, quel enthousiasme ! A noter encore le comportement exemplaire du Chœur du Teatro Regio qui, même si scéniquement réduit à des mises en place et des entrées et des sorties de scène conventionnelles, donne quelques admirables moments musicaux, comme dans son pianissimo Zitti, zitti, moviamo a vendetta.
Si tout au long de l’opéra, le public a manifesté son contentement, ses bravos s’adressaient probablement plus aux airs magnifiques qui parsèment l’opéra de Verdi qu’à la manière théâtrale de les jouer. Dommage, l’occasion d’une grande soirée verdienne semblait à portée de main.

Jacques Schmitt

Représentation du 18 janvier 2008