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Opéra du Rhin
Strasbourg : “L’Or du Rhin“
Article mis en ligne le mai 2007
dernière modification le 24 septembre 2007

par Eric POUSAZ

L’Opéra du Rhin s’embarque cette année dans l’aventure d’un nouveau Ring de Wagner étalé sur quatre saisons.

Le Prologue, donné en février et mars à Strasbourg et Mulhouse, laisse une curieuse impression d’indécision ; alors que, du côté des chanteurs, l’on mise sur la nouveauté et la jeunesse, au risque parfois d’intégrer des voix trop vertes dans la troupe, la mise en scène de David McVicar tourne résolument le dos à notre époque et se complaît dans l’évocation de ces spectacles passe-partout par leur stylisation très en vogue dans les années soixante (à Genève, on pense notamment à la réalisation confiée à Josef Svoboda). Le parti pris serait défendable si l’on parvenait à dégager une ligne directrice de ce premier volet, mais il n’en est rien.

Das Rheingold, photo Alain Kaiser

L’idée du metteur en scène se résume à mêler les diverses mythologies mondiales, comme pour souligner la pérennité du propos wagnérien. Mais chaque mythe fondateur ne se réclame-t-il pas, déjà en lui-même, d’une éternité suprarégionale ? Que Loge danse comme Siva ou que Donner soit affublé d’un costume nippon devant un Wotan curieusement indéfini dans son pantalon large à la nordique ne fait qu’ajouter à la confusion, d’autant plus que l’utilisation de masques parfaitement lisses et impersonnels rejette impitoyablement dans l’anonymat celui ou celle qui les porte. Ajoutez à cela une gestique emphatique et de constants déplacements pour meubler le vaste espace du plateau (sans parler de la présence de beaux éphèbes qui doublent les géants et Loge ou de l’acrobate en slip doré qui symbolise l’Or du Rhin) et vous aurez une idée assez précise de cette curieuse approche scénique qui ne propose aucune piste de lecture contemporaine de ce vaste poème épique.

Sur scène, les motifs de satisfaction sont heureusement plus nombreux. A commencer par le Wotan au timbre juvénile de Jason Howard. S’il est parfois à la peine dans le grave, il donne toute la mesure de ses moyens dans sa maîtrise de l’éclat vocal aux moments exposés autant que dans le raffinement de la nuance dans ses monologues d’introspection vers la fin de l’ouvrage. En Fricka, Hanne Fischer s’impose avec le même aplomb même si la voix ne possède pas encore cette large projection sonore qui fait les grandes interprètes wagnériennes. Wolfgang Ablinger-Sperrhacke comble toutes les attentes avec son Loge percutant et finement incisif dans l’expression de la duplicité du personnage tout comme le Mime de Colin Judson qui trouve le juste milieu entre le chant et le sprechgesang piaillard. L’Alberich de Oleg Bryjak fait grande impression par sa noirceur vipérine, mais surtout par sa remarquable diction qui lui permet de projeter le texte avec une force peu commune, avantage particulièrement sensible dans la fameuse scène de la malédiction de l’anneau. Le trio des Filles du Rhin est déparé par une Flosshilde au timbre prosaïque, alors que les dieux secondaires manquent tout simplement d’assurance pour tenir dignement leur rang dans cet ensemble un brin disparate.

Ce plateau aurait fait encore meilleure impression si le chef Günter Neuhold était parvenu à tirer de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg un accompagnement moins mou. Rien ne gênait franchement dans cet accompagnement instrumental soigné, mais l’ensemble manquait singulièrement de profil, voire de grandeur dans ces moments clefs que sont la montée au Walhalla ou l’interlude accompagnant la descente chez les Nibelung. Réduit au rang d’élément accessoire, à l’instar d’une bonne musique de film, le langage wagnérien avait ce jour-là des couleurs pâles qui cadraient mal avec la monumentalité du sujet. Après ce début pour le moins discutable, on ne peut que souhaiter entendre les choses s’améliorer lors des prochaines journées.

Eric Pousaz

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