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Spécial Grand Théâtre
Entretien : Roland Aeschlimann

Roland Aeschlimann s’occupera de la scénographie d’Elektra de Strauss.

Article mis en ligne le mai 2010
dernière modification le 20 juin 2010

par Anouk MOLENDIJK

Lorsque l’on voit pour la première fois le visage de Roland Aeschlimann, on ne peut s’empêcher de songer aux représentations picturales de Perceval : un long visage émacié, des yeux pâles et un air de sérénité absolue.

Ce scénographe-metteur en scène, habitué de la scène de Neuve, reprenant en ce moment son mémorable Parsifal, a bien voulu répondre à quelques questions sur son prochain projet scénographique : Elektra de Strauss, qui sera mis en scène par Christoph Nel pour la saison 10-11 du Grand Théâtre de Genève.

A quoi ressemblera la scénographie d’Elektra ?
A une maison engloutie. Elle évoluera sur une scène tournante. Tous les côtés sont cassés, ce qui exacerbe la dissonance, et exprime la destruction de la famille des Atrides, la sensation d’enfermement. Je ne sais pas encore ce que Christoph Nel va faire de mon décor. Nous avons établi les principales données scéniques, et il est évident que beaucoup de choses évolueront. J’ai déjà beaucoup travaillé avec Christoph Nel, récemment pour Moses und Aron à Düsseldorf, et nous nous connaissons bien. Il souligne toujours la cruauté des pièces, et dans Elektra, c’est une évidence ! Je veux pouvoir lui offrir avec mon décor de nombreuses possibilités. La maison comportera une multitude de fenêtres et de portes, ce qui ouvre des champs de jeu. Les chanteurs vont sûrement devoir grimper, Christoph adore ça !

Vous avez également une activité de metteur en scène, comment conjuguez-vous cela avec la scénographie ?
C’est tout à fait différent. Je construis toujours un décor dans lequel je pourrais faire ma propre mise en scène. Je pense que cela aide le metteur en scène, d’avoir une vision orientée vers le développement scénique. De mon côté, travailler avec un metteur en scène me permet de voir ce que quelqu’un d’autre fait dans mon propre décor. Ce rapport m’aide à me renouveler, car je vois des choses auxquelles je n’aurais pas pensé. Alors que lorsque je travaille comme metteur en scène et comme scénographe dans la même production, je suis restreint dans une vision trop unilatérale.

Roland Aeschlimann (au centre) avec Alfred Reiter (à gauche) et Robert Gambill (à droite)
© GTG / Nicolas Lieber

Comment définiriez-vous les spécificités du travail scénique à l’opéra ?
L’opéra, contrairement au théâtre parlé, a un aspect surréaliste lié au moyen d’expression qu’est le chant. Une bonne part de l’émotion est transmise par le chant, et non par le texte seul. Le théâtre parlé est plus vite réaliste, il faut montrer les choses qu’on ne voit pas. A l’opéra, c’est l’inverse, il ne faut surtout pas doubler les choses, car le risque de redondance est omniprésent, tout étant déjà exprimé dans la musique.

Vos scénographies consistent en effet en des images extrêmement travaillées, avec une force symbolique et une sobriété remarquables. Mais on a pu vous reprocher de ne pas mettre assez en lumière certains éléments scéniques, comme dans Parsifal, l’arrivée du Graal. Était-ce par peur de redondance, la musique étant déjà extrêmement lumineuse ?
Non, je pense qu’il faut montrer le Graal. Mais je me suis basé sur le texte de Wolfram von Eschenbach, principale source d’inspiration de Wagner, dans lequel le Graal est présenté comme une pierre tombée du ciel. J’ai donc voulu représenter cette image plutôt que celle de la coupe, assez commune. Cette œuvre est tellement riche, j’ai eu une montagne d’idées, mais j’ai voulu garder l’essentiel. Je n’aime pas lorsqu’une mise en scène tente de tout montrer, j’essaie pour ma part de garder le sens profond, d’abstraire l’essentiel. Pour ma mise en scène, j’ai voulu témoigner de l’intérêt de Wagner pour le bouddhisme. Il avait voulu faire un opéra, Les Vainqueurs, sur le bouddhisme. Ce projet a été abandonné, mais on trouve une réminiscence de ce texte dans Parsifal, le personnage de Kundry étant inspiré de cette œuvre. Wagner a mélangé les religions dans Parsifal. Il y a évidemment beaucoup d’aspects chrétiens dans cette œuvre, mais on a plutôt affaire à une forme de mysticisme. Wagner avait d’ailleurs aussi une vision de l’art mystique, dans laquelle la musique faisait office de divinité.

Quels sont vos projets futurs et ceux dont vous rêvez ?
Je serai bientôt à Zürich pour L’oiseau de feu. Pour ce qui est de mes rêves de mise en scène, j’aimerais beaucoup travailler sur Samson et Dalila, qui est d’une extrême richesse, et sur Genoveva de Schumann, œuvre très peu connue, d’inspiration wagnérienne, et j’aimerais aussi pouvoir monter tout Wagner !

Propos recueillis par Anouk Molendijk