Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Film d’avril 2010 : “La Rafle“

A travers son film, Rose Bosch évoque un épisode occulté de la dernière guerre mondiale.

Article mis en ligne le avril 2010
dernière modification le 26 novembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

La Rafle


de Rose Bosch. Avec Gad Elmaleh, Jean Reno, Mélanie Laurent, Sylvie Testud. France, 2010.

En 1942, Joseph a 11 ans. Et ce matin de juin, il se rend à l’école, une étoile jaune cousue sur sa poitrine... Il reçoit les encouragements d’un voisin brocanteur. Les railleries d’une boulangère. Entre bienveillance et mépris, Jo, ses copains juifs (comme lui), leurs familles, découvrent les affiches placardées sur les murs parisiens et apprennent la vie dans la capitale occupée, sur la butte Montmartre, où ils ont trouvé refuge.
Du moins le croient-ils, jusqu’à ce matin du 16 juillet 1942, où leur bonheur précaire bascule... dans l’enfer, un enfer dont ils ne soupçonnaient pas l’existence, un enfer imaginé par des êtres humains pour éliminer d’autres êtres humains. Du Vélodrome d’hiver, où 13.000 juifs raflés sont entassés, au camp de Beaune-la-Rolande, de Vichy à la terrasse du Berghof – où Hitler se ressource avec ses proches officiers –, La Rafle retrace les destins réels des victimes et des tortionnaires. Suivant le destin de ceux qui ont été broyés par une politique d’extermination, et de ceux qui l’ont mise au point et orchestrée, le film se penche sur un épisode de la Shoah encore jamais abordé sur grand écran. Toutes les personnes du film ont existé. Tous les événements, même les plus extrêmes, ont eu lieu cet été 1942. Relatant la “mort annoncée“ de la communauté juive de France – ces Juifs français qui se croyaient à l’abri au pays des droits de l’Homme –, le film ne laisse aucune étape de ce sinistre parcours funéraire de côté : les autocars qui embarquent les familles surprises en plein sommeil ; les conditions sanitaires déplorables dans lesquelles ont été maintenus ces milliers de personnes pendant plusieurs jours ; l’insoutenable séparation des mères de leurs enfants dans les camps d’internement, les convois à bestiaux en partance pour Auschwitz ; sans oublier ceux qui ont voulu protéger, aider ou sauver. En décrivant les différentes étapes de cette mécanique macabre imaginée par les Nazis et en mettant en exergue le rôle et la responsabilité des autorités françaises, la réalisatrice confronte la France à une page de son histoire qu’elle se plaisait à occulter.

« La Rafle » de Rose Bosch, avec Gad Elmaleh

Roselyne Bosch a choisi de suivre le point de vue d’un enfant qui avait vécu la rafle du Vel d’Hiv’ et les camps français, mais qui avait échappé aux camps de la mort. Après des années de recherches auprès des rares survivants, elle découvrit la personne qu’elle cherchait lors d’un enregistrement d’émission télé : Joseph Weismann. Ce dernier expliquait comment il avait pu fuir le camp français juste avant que les autorités ne les envoient dans les camps d’extermination. Elle tente sa chance en lui envoyant une lettre, Joseph Weismann accepte de participer à l’élaboration de ce projet, en apportant son vécu et permettant de décrire les événements avec authenticité.
Certains craindront de voir un énième film sur la Deuxième Guerre mondiale. Pourtant, La Rafle a le mérite de présenter des scènes inédites comme les conditions de détention au sein du Vel’d’Hiv’ ; ne disposant que d’une unique photographie du lieu prise à l’époque de cette rafle immense, la réalisatrice a fait reconstruire un cinquième du vélodrome et a recouru pour le reste à des images de synthèse. Le résultat est fort convaincant : le Vel d’Hiv, sublimement reconstitué, et la survie qui s’y organise, entre les captifs et les représentants de la Croix Rouge, le rôle des infirmières françaises (comme Annette, jouée par Mélanie Laurent), des médecins juifs (Dr. Sheinbaum, joué par Jean Reno, excellent dans ce rôle) et des pompiers (notamment le Capitaine Pierret, joué par Thierry Frémond) jusqu’à l’arrivée dans le camp français. La Rafle offre un magnifique rôle à Gad Elmaleh qui prouve qu’il peut exceller dans un registre dramatique.
La réalisatrice n’a pas su éviter un ton pédagogique mais, comme le film regorge d’émotions intenses, on laisse rapidement de côté ce didactisme au profit des regards échangés, des scènes intimistes, des moments d’une telle intensité que les larmes en viennent aux spectateurs.
Sans parvenir à la puissance narrative et formelle d’une Liste de Schindler (Steven Spielberg), ni à la poésie de La Vie est belle (Roberto Begnini), La Rafle plaide parfaitement sa cause : rappeler un épisode occulté de 39-45 au travers de personnages qui, ayant existé, nous touchent d’autant plus. Dosant savamment pédagogie et émotions, La Rafle touchera de manière concrète les jeunes générations qui s’attacheront plus facilement à Joseph, Annette, David qu’aux chiffres anonymes que leur servent les manuels d’histoire. Ce film remplit donc parfaitement son contrat en trouvant le bon dosage entre pédagogie et émotion. Un véritable pied-de-nez aux négationnistes !

Firouz-Elisbeth Pillet