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Sélection CD No. 233 : Symphonies
Article mis en ligne le 1er juin 2011
dernière modification le 8 mai 2011

par Eric POUSAZ

Rachmaninov


Symphonie no 2
1 CD EMI

En plus de ses fonctions de chef attitré du royal Opera de Covent Garden à Londres, Antonio Pappano est également le directeur musical de l’Orchestre de l’Académie Sainte-Cécile de Rome, un des rares ensembles de prestige de la Péninsule qui concentre l’essentiel de ses forces sur le répertoire symphonique. L’aura de cette phalange avait pâli ces dernières années et l’on en parlait peu en dehors des frontières nationales. Les choses sont en train de changer comme l’atteste ce nouveau CD où les musiciens italiens s’aventurent sur un territoire où ils n’ont pas brillé jusqu’ici. La Deuxième Symphonie de Rachmaninov est une œuvre de vaste proportions, savamment orchestrée et nécessitant de tous les pupitres une virtuosité peu commune. Le chef italien en offre une lecture passionnée, riche en contrastes ; le déroulement, parfois heurté, de ces quatre longs mouvements lui offre l’occasion de démontrer l’extraordinaire versatilité stylistique de cet orchestre qui, tout en restant essentiellement italien par la clarté du jeu comme par l’exubérance des tutti, trouve les accents justes pour traduire cette nostalgie légèrement maladive qui caractérise cette partition-fleuve. Le complément, un poème symphonique d’Anatoly Lyadov intitulé L’Île enchantée, est de la même veine et présenté avec le même chic par des musiciens qui semblent heureux de quitter pour un temps les rivages plus connus de la musique d’Europe occidentale.

Mahler


Symphonie no 2
2 CDs EMI

Simon Rattle a déjà gravé la Symphonie No 2 de Mahler dite ‘Résurrection’ lorsqu’il était le chef attitré de l’Orchestre de Birmingham. Avec les instrumentistes du Philharmonique de Berlin, il entreprend visiblement une nouvelle intégrale des symphonies du grand compositeur autrichien. La comparaison entre l’ancienne version et la nouvelle ne manifeste pas de grandes différences entre les deux orchestres, - ce qui est tout à l’honneur des musiciens anglais. L’approche par contre est moins brûlante, moins urgente, comme si le chef avait gagné en sûreté de soi et jugeait inutile d’ajouter une touche personnelle à une interprétation qui se démarquât de celle des nombreux concurrents directs On peut même parler d’une direction lente, - Otto Klemperer, par exemple, a besoin de dix minutes de moins pour parvenir au terme de cette œuvre. Le chef anglais se veut attentif à la mise en exergue de tous les détails, à la patiente élaboration de chaque changement de climat. La sublime transition ascendante qui prépare l’entrée du chœur dans le mouvement ultime semble s’inscrire dans une durée indéterminée, comme si le temps s’était arrêté. Les divers registres de l’orchestre, rutilants comme à leur habitude, lui permettent de faire déguster aux auditeurs chaque sonorité précieuse, chaque dissonance expressive, pour le plonger progressivement dans une transe qui touche au mystique. Les voix larges et prenantes des deux chanteuses, Kate Royal et Magdalena Kožena, ainsi que l’impressionnante discipline dont font preuve les choristes du Chœur de la Radio berlinoise achèvent de donner à cette version, réalisée en direct, un panache qui la place d’emblée aux côtés des grands documents sonores de l’histoire du disque.

Coffrets Stravinsky


par Neeme Järvi et l’OSR
5 CDs Chandos Collect

Dans les années 90, Neeme Järvi a gravé une bonne partie de l’œuvre symphonique de Stravinsky avec la complicité des musiciens de l’OSR. Il disait alors qu’il avait toujours eu envie d’aborder ce répertoire avec les musiciens genevois, car c’est avec les disques dirigés par Ernest Ansermet qu’il a découvert et appris à aimer ces partitions qui font aujourd’hui partie de celles qui lui sont le plus chères. La maison de disque anglaise Chandos vient de rééditer un coffret comprenant plus de six heures de musique composée par l’auteur de l’Histoire du Soldat. On citera en premier lieu un grandiose Oedipus Rex où l’on découvre la large et profonde voix encore juvénile de Gabriele Schnaut et celle d’un Franz Grundheber que la fréquentation assidue du répertoire wagnérien n’a pas encore maltraitée. A leurs côtés, les choristes du Chœur Pro Arte et de la Société Chorale du Brassus se montrent dignes de leur réputation tandis que l’OSR se meut avec une aisance dans ce langage lyrique où archaïsme et modernisme font si bon ménage ; le Sacre du Printemps, dans sa version remaniée de 1947 ou le Petrouchka dans sa version originale de 1911 s’écoutent avec plaisir, mais l’orchestre ne paraît ici pas aussi précis que d’autres formations symphoniques qui affichent régulièrement ce même répertoire. Le trésors sont à chercher du côté des quatre symphonies (celle dite ‘Des Psaumes’ est tout simplement bouleversante d’intensité dramatique), d’une inattendue série de Variations sur un cantique de Noël de J. S. Bach données avec la complicité d’Irene Friedli, Frieder Lang, Michel Brodard et les chœurs dirigés par André Charlet ou encore des magnifiques Requiem Canticles. Un Apollon musagète d’une fluidité magique, un Concerto de violon percutant (soliste Lydia Mordkovitch), un Chant du Rossignol lumineux (avec Stephen Jeandheur à la trompette solo), un Concerto pour piano et instruments à vent joué par un Boris Berman à la virtuosité ébouriffante et enfin un Capriccio pour piano et orchestre confié à Geoffrey Tozer complètent ce coffret dont le programme original et le prix modique devrait inciter chacun à se l’offrir.

Bruckner


Symphonie no 7
1 CD Pentatone classics

Depuis que Marek Janowski a pris la direction de l’OSR, il a tout mis en œuvre pour donner à l’orchestre les atouts nécessaires à aborder le grand répertoire germanique au disque sans craindre la confrontation avec les grands ensembles étrangers. L’intégrale des symphonies de Bruckner s’inscrit dans cette perspective et prouve avec brio que le pari est sur le point d’être tenu. Cette Septième Symphonie, une des plus connues de son auteur, est par conséquent aussi une des plus enregistrée. La version choisie ici est celle qu’a réalisée Leopold Nowak qui a tenté de serrer au plus près les intentions de l’auteur, connu pour ses remaniements constants à la suite de commentaires plus ou moins avisés de contemporains plus ou moins bien intentionnés ! Le chef allemand choisit des tempi relativement larges, mais soin interprétation ne paraît jamais brumeuse ou alanguie tant le jeu des cordes de l’OSR reste limpide ; la luminosité des teintes instrumentales est riche en zones d’ombre dans un Allegro initial qui semble jaillir naturellement du formidable mouvement ascendant qui habite les premières mesures de l’œuvre ; ainsi le chef réalise-t-il un savant jeu de clair-obscur qui ne s’encombre d’aucune lourdeur. L’Adagio grandiose qui a beaucoup fait pour le succès de cette symphonie coule avec naturel : les longs crescendos qui le traversent s’élaborent dans une sorte de frémissement toujours plus large qui semble porter les cordes vers ces formidables tutti brusquement interrompus si typiques de l’écriture brucknérienne. L’intérêt de cet enregistrement est si patent que la comparaison avec d’autres gravures ne s’impose pas : à l’écoute de cette magnifique heure de musique, l’auditeur se sent directement interpellé et adopte sans réticence ce parti pris interprétatif fait de clarté et de retenue. S’il est probable que l’amateur ne se contentera jamais d’une seule version de cette page sublime, il est tout aussi certain qu’il ne peut pas méconnaître un document aussi foncièrement original de ton.

Eric Pousaz