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Notules CD : Szymanowski par Simon Rattle
Article mis en ligne le décembre 2006
dernière modification le 18 juin 2007

par Eric POUSAZ

Sir Simon Rattle a choisi trois œuvres relativement peu connues pour ce CD remarquable en tous points :
Les Trois Chants d’une princesse de conte de fée Op. 31
Harnasie
Les Chants d’amour de Hafiz Op. 26

La musique de Karol Szymanowski ne se laisse pas classer facilement. Située à mi-chemin entre les couleurs et rythmes orientaux chers à la musique russe et la rigueur structurelle de la musique romantique allemande, elle est frappée au sceau d’une originalité qui en fait tout le prix, certes, mais l’éloigne durablement des programmes de concert. Sir Simon Rattle a choisi trois œuvres relativement peu connues pour ce CD remarquable en tous points, gravé avec la collaboration des Chœurs et des instrumentistes de l’Orchestre Symphonique de Birmingham.

Les Trois Chants d’une princesse de conte de fée Op. 31 séduisent par les mélismes de la ligne vocale, souvent privée de tout soutien syllabique, et par le foisonnement d’idées musicales qui traversent brièvement le flux du commentaire orchestral. Le chef, ici, privilégie une approche segmentée, vigoureuse jusqu’à la violence, comme pour souligner une certaine parenté avec les partitions de Stravinsky ou les pages aux harmonies mystérieuses de Debussy (Khamma) ou de Ravel (Schéhérazade). Alors que la voix un brin rêche d’Iwona Subotka ne parvient qu’imparfaitement à séduire l’oreille, le scintillant tapis orchestral tendu sous les ailes du chant rappelle à chaque instant l’extraordinaire don du chef anglais pour analyser devant l’auditeur les méandres d’une écriture dense sans la rendre stérile par excès de précision.

Harnasie, un ballet qui a valu à son auteur l’un de ses plus beaux succès public, est un moment d’une rare intensité dramatique. Rattle en souligne les tensions tout en marquant très clairement les contours architecturaux d’une partition qui, à première audition, paraît presque excessivement fuyante et instable. Mais le charme opère rapidement dès la scène du mariage que le chœur aborde avec une exaltation frénétique saisissante. Le ténor, Timothy Robinson, convainc par la sûreté du ton autant que par l’éclat de ses notes aiguës, alors que l’homogénéité des registres du chœur de Birmingham ajoute encore à la perfection formelle qu’atteint l’orchestre sous la direction précise, énergique et attentive d’un chef visiblement convaincu par cet idiome musical.

Les Chants d’amour de Hafiz Op. 26 atteignent à un même degré de perfection formelle, tant du côté de la soliste, une Katarina Karneus à la voix onctueuse et ensorcelante, que du côté de l’orchestre : la mobilité des accents donne ici un relief inattendu à une écriture qui pourrait, sous d’autres baguettes, paraître foisonnante à l’excès. Voilà une superbe conclusion à un CD qui s’impose que tout amateur désireux d’élargir ses horizons musicaux se doit d’entendre… (1 CD EMI avec textes de présentation et livret en français, allemand et anglais)

Eric Pousaz