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Ambronay Editions, un label pour mélomanes curieux !

Tour d’horizon de quelques parutions originales.

Article mis en ligne le septembre 2010
dernière modification le 20 septembre 2010

par Catherine FUCHS

Quelques sorties originales effectivement du côté de cette maison d’éditions, fondée en 2005 pour fêter les vingt-cinq ans du festival international du même nom. On notera, avant de parler du contenu, la présentation extrêmement élégante de ces nouveautés, cinq beaux objets au design attrayant !

GEORGE FRIDERIC HANDEL


Judas Maccabaeus
Chœur de chambre de Namur, les Agrémens, dir. Leonardo García Alarcón
Ambronay éditions, AMY024, double cd / 128’09

On commence par le plus réussi ! Oratorio trop peu joué et encore moins enregistré (pratiquement introuvable avant cette version), cette œuvre de Handel mérite le détour, elle fut d’ailleurs une des plus populaires du vivant du compositeur. Même si le livret reste assez statique, la musique comble amplement ces lacunes textuelles et emporte l’auditeur au gré des affects que le maître baroque sait si bien illustrer.

Leonardo García Alarcón

Le jeune chef argentin, genevois d’adoption, – il enseigne à la HEM après y avoir étudié - conduit tout son monde d’une main de maître. Les tempi sont précis, enlevés, afin d’éviter tout risque d’emphase, mais sans l’exagération qu’on rencontre parfois dans le milieu de l’interprétation dite "historiquement informée". Beaucoup d’émotion également lors de certains airs, on pense notamment au sublime Ah ! Wretched, wretched Israel, magnifiquement interprété par Maria Soledad de la Rosa.
Le chœur, composé d’une vingtaine de chanteurs, est parfaitement accompagné par un orchestre bien équilibré, qui repose sur un continuo solidement étayé (violoncelle, viole de gambe, luth et clavecin. Trompettes, timbales et cors viennent donner toute la puissance voulue lorsqu’il s’agit de célébrer la gloire militaire. Comme toujours chez Handel, on assiste à un véritable déploiement de couleurs que cet enregistrement concourt parfaitement à souligner.

FRANCOIS COUPERIN


Ténèbres du premier jour
Les Demoiselles de Saint-Cyr, Emmanuel Mandrin, orgue et direction
Ambronay éditions, AMY018 / 65’29

Grand classique de la Semaine Sainte, les Leçons de ténèbres de Couperin contiennent une intensité spirituelle incontestable. Cette musique austère était à l’image de la liturgie qui précédait les grandes fêtes de Pâques. Eglises endeuillées, cierges éteints les uns après les autres, le fidèle était appelé à méditer sur la vanité du monde.

Les Demoiselles de Saint-Cyr en concert

C’est cet esprit que vise à recréer l’enregistrement d’Emmanuel Mandrin, fondateur de l’ensemble des Demoiselles de Saint-Cyr, en replaçant les leçons de Couperin dans leur contexte musical et liturgique. Les trois leçons sont introduites par quatre morceaux en plain-chant, puis suivie chacune d’un répons écrit dans un autre style ; on a choisi ici deux répons de Charpentier ainsi qu’un psaume de Lambert, le Miserere, pour conclure la série. L’auditeur pourra de la sorte apprécier le contraste entre différents types de musiques : à l’archaïsme assumé des antiennes en plain-chant succède l’ornementation extrêmement savante des leçons. Les belles voix des solistes, Dorothée Leclair, Eugénie Warnier et Juliette Perret, respectent parfaitement l’intériorité de ces longues méditations tout en leur conférant une touche de sensualité délicate et bienvenue.

MARIN MARAIS


Pièces en trio pour les flûtes, violon et de dessus de viole (1682)
Aux Pieds du Roy, Michael Forn, flûte à bec et direction, Dirk Börner, clavecin et direction
Ambronay éditions, AMY016 / 70’47

Interprétation historiquement conforme s’il en est, ce disque propose le résultat d’une recherche musicologique effectuée à la Haute Ecole des Arts de Berne. Le livret accompagnant le disque en résume les axes principaux : il s’agissait avant tout de relire la musique baroque française à la lumière de ses liens avec la danse. Ces fameuses suites à la française enchaînent des danses qui n’ont rien de virtuel, elles correspondent à des mouvements du corps variés, exigent des tempi bien précis. C’est tout cela qu’ont essayé de reconstituer le plus fidèlement possible les musiciens de cet ensemble dédié à la musique de chambre française baroque. Etude des mesures historiques du pendule, des traités d’ornementation, de la pratique de la basse continue, recherches sur l’école d’archet à la française, sur l’instrumentation en vigueur autour de 1700, tous ces éléments sont entrés en ligne de compte dans cette interprétation.
Si le résultat est inattaquable sur le plan de la qualité musicale, on pourra toutefois regretter une certaine monotonie dans la composition du programme enregistré. Ces suites sont assez proches l’une de l’autre, et le fait d’avoir systématiquement associé les dessus (violons et flûtes à bec ou traverso) contribue à unifier la couleur instrumentale de l’ensemble, même s’il y a une justification musicologique à ce choix, comme rappelé dans la préface déjà mentionnée.

BACH, BIBER, PISENDEL, WESTHOFF


L’art du violon seul dans l’Allemagne baroque
Mira Glodeanu, violon
Ambronay éditions, AMY019 / 65’01

Mira Glodeanu

La violoniste d’origine roumaine Mira Glodeanu s’est lancé un défi de taille en choisissant de n’interpréter que des œuvres pour violon seul sur cet enregistrement. Comme dans le disque précédent, on peut se demander si la composition d’un disque doit viser des critères avant tout musicologiques ou se calquer sur les exigences d’un concert. La question reste ouverte. Ce disque en tout cas, tout en présentant des pièces très importantes dans l’histoire du répertoire violonistique, est d’une écoute assez austère.
Mira Glodeanu enseigne le violon baroque au Conservatoire royal de Bruxelles et poursuit une carrière de soliste avec de nombreux ensembles, comme Il Gardellino ou Le Poème harmonique. Elle fait preuve d’une virtuosité incontestable, mais ses choix esthétiques la poussent manifestement vers une forme de maniérisme qui tend à morceler les œuvres interprétées. Amateurs de Nathan Milstein s’abstenir !

BELLE VIRGINIE, MUSIQUE POUR LA NOUVELLE FRANCE


Le Concert de l’Hostel Dieu, dir. et arrangements, Franck-Emmanuel Comte
Ambronay éditions, AMY021 / 50’54

Si la chanson populaire est morte en France depuis un bon siècle, il n’en va pas de même au Québec où elle a survécu bien plus longtemps, entre autres à cause de l’isolement géographique et du repli communautaire. Des anthologies de ces chants traditionnels ont été établies par quelques ethno-musicologues canadiens durant la première moitié du XXe siècle. C’est en s’en inspirant que Franck-Emmanuel Comte a constitué le choix de ce disque, y ajoutant quelques chansons de marins plus connues en France. Ainsi cohabitent mélodies de l’Ancien et du Nouveau Monde, dans une volonté de fusionner styles baroque et traditionnel. Aux violes, théorbes, clavecin et orgue viennent se mêler une cornemuse, une bombarde, voire un accordéon diatonique, le Concert de l’Hostel Dieu ayant fait appel pour l’occasion au duo Frères de Sac.
Le résultat est extrêmement concluant, les chanteurs et les instrumentistes illustrant au mieux cette ligne ténue où se situent les chansons populaires, à la fois joyeuses et souvent terriblement mélancoliques, sinon tragiques dans la cruauté des réalités évoquées.

Catherine Fuchs