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Ensemble Vocal de Lausanne
Lausanne : les 50 ans de l’EVL !

Anniversaire : l’Ensemble Vocal de Lausanne fête ses cinquante ans.

Article mis en ligne le février 2011
dernière modification le 26 août 2011

par Eric POUSAZ

Il est rare qu’un chœur puisse fêter son demi-siècle d’existence par un concert placé sous la direction de son chef fondateur… C’est pourtant ce qui se passera dès février avec l’Ensemble Vocal de Lausanne dont les responsables ont mis sur pied un programme particulièrement alléchant afin de marquer dignement cet anniversaire.

Une exposition, un film et un livre…
Du 15 au 26 février, au Forum de l’Hôtel de Ville de Lausanne, se tiendra une exposition qui retracera les diverses étapes de l’histoire riche en événements, tant au plan national qu’international, de ce chœur fondé en 1961. Des documents photographiques, des textes et divers enregistrements témoigneront de la richesse de cette activité musicale de qualité reconnue loin à la ronde et qui a su trouver un écho sur tous les continents. Pour rendre cet hommage encore plus vivant – et vibrant -, une série de récitals sera proposée presque quotidiennement à 12.30 dans le cadre même de l’exposition ; ils permettront à divers chanteurs et musiciens de l’Ensemble Vocal de se produire dans un répertoire qui rappellera les grandes heures de la vie de ce chœur.
Parallèlement paraîtra le livre Au nom de la voix qu’a écrit le musicologue Antonin Scherrer en s’appuyant sur les nombreux témoignages de chanteurs et futurs chefs d’orchestre qui ont eu le privilège de travailler avec le musicien gruérien. Un film de Rinaldo Marasco et Jérôme Piguet intitulé Michel Corboz, entre le vrai et le beau, sera présenté en première publique au Cinéma Capitole de Lausanne le lundi 14 février (jour de la Saint Valentin et date de l’anniversaire de Michel Corboz) et sur les écrans de la TVR. Long de cinquante deux minutes, il a été élaboré à partir d’une immense documentation cinématographique de plus de cent cinquante heures tournée lors des divers concerts, répétitions et tournées du chœur lausannois. Le point de départ du film est la préparation de concerts où sera donnée la Messe en si de Jean-Sébastien Bach ; ce patient travail de mise au point s’étend sur plusieurs mois et permet d’approcher, à défaut de l’analyser, l’indiscutable grandeur des conceptions de ce chef hors du commun.

Michel Corboz
© Lauren Pasche

… et des concerts
Une telle année anniversaire ne saurait se passer de rendez-vous purement musicaux. Si l’on écarte les nombreuses dates de manifestations se déroulant à l’étranger – signalons tout de même des concerts à Nantes, Bilbao, Tokyo, Varsovie ou encore Lyon -, il convient de retenir trois dates importantes pour les Romands :
Le concert anniversaire à proprement parler se déroulera à la Cathédrale de Lausanne le 24 février ; au programme : les Vêpres de Monteverdi (« une musique totalement folle qu’on ne peut aborder avec une technique de direction habituelle » aime à dire le chef ). On se souvient que c’est avec cette œuvre que Michel Corboz a décroché en 1966 son contrat d’enregistrement avec la firme Erato ; et c’est également avec ce disque qu’il a contribué au retour en faveur auprès du grand public de la musique de Monteverdi un compositeur qui était jusqu’alors connu et véritablement apprécié des seuls musiciens professionnels et de quelques aficionados. Le concert, fait relativement rare, sera diffusé sur les trois chaînes nationales de Radio suisse.

Ensemble vocal de Lausanne

Le 27 septembre, les choristes de l’EVL se joindront aux instrumentistes du Sinfonietta - qui fêtera en 2011 ses trente ans d’existence ! - pour une exécution du vaste Requiem de Verdi en cette même cathédrale de Lausanne. Enfin, pour marquer son ouverture aux musiques d’aujourd’hui, l’EVL se produira le 25 novembre dans le cadre des Concerts de Montbenon avec trois ouvrages modernes qui sont étroitement liés à la vie du chœur. De Frank Martin sera jouée la cantate Et la vie l’emporta, une partition que le compositeur n’a pu achever d’orchestrer lui-même (ce sera finalement le compositeur Bernard Reichel qui se chargera de la tâche). Puis il y aura la création de Il Paradiso, une œuvre de Julien-François Zbinden écrite expressément pour l’EVL et créée à cette occasion avant une autre partition de Benoît Corboz (fils de Michel) intitulée Tableaux de la Révélation.

Passage du témoin
Ce dernier concert sera aussi l’occasion pour Michel Corboz de partager le podium avec Guillaume Tourniaire, un ancien élève et chef déjà réputé en qui il tient à voir son successeur à la tête de l’EVL. Le jeune musicien français a déjà eu maintes fois l’occasion de diriger le chœur, notamment en des circonstances dramatiques lorsque Michel Corboz a été cloué au lit par une maladie subite, et le musicien fribourgeois est certain que son collègue le secondera d’efficace façon à la tête de cet ensemble ..

Entretien : Guillaume Tourniaire


Ce musicien est bien connu des Genevois car il a longtemps présidé aux destinées du Motet de Genève ainsi qu’à celles du Chœur du Grand Théâtre où il a également pris la direction de diverses productions lyriques comme Les fiançailles au Couvent de Prokofiev ou Le Barbier de Séville de Rossini. Une longue et fructueuse collaboration avec les musiciens de l’OSR lui a également permis de présenter à Genève ses versions de Ivan le Terrible et Alexandre Nevsky de Prokofiev, du Thamos de Mozart, du Klagende Lied de Mahler, de Rosamunde de Schubert ou encore du Gilgamesh de Martinu. Depuis quelques années, on n’avait plus de nouvelles de ce chef engagé surtout à l’étranger ; l’occasion de le rencontrer brièvement lors de cette conférence de presse m’a permis de lui poser quelques questions sur son parcours musical.

Guillaume Tourniaire : Depuis mon départ de Genève, je n’ai jamais cessé de diriger dans différentes capitales musicales comme Helsinki, Rome, Lisbonne, Venise, Paris, Varsovie ou Saint Petersburg. J’ai été chef principal pendant quelques saisons à l’Opéra d’Etat de Prague (c’est le second théâtre lyrique de la capitale à côté du Théâtre National), une position que j’ai abandonnée car la politique s’immisçait trop intensément dans la programmation et l’intendance du théâtre jusqu’à rendre toute innovation difficile à faire accepter. J’ai plus de satisfactions artistiques au Festival lyrique de Macerata que dirige Pier-Luigi Pizzi, une manifestation de plein air qui draine des foules compactes dans un vaste amphithéâtre à la scène d’une largeur (et d’0une étroitesse) souvent tétanisante pour les metteurs en scène.. Un petit théâtre baroque sis au cœur de la ville permet heureusement de diversifier la programmation en affichant des titres qui ne seraient pas rentables dans l’immense théâtre de plein air. Mais là aussi, la politique est en train de nous jouer de bien vilains tours et l’on ne sait sur quelles subventions de l’Etat il sera encore possible de compter dans les années qui viennent !…

Guillaume Tourniaire

C’est en Australie que vous semblez avoir découvert un terrain d’action plus satisfaisant.
Les choses se sont faites curieusement. J’ai remplacé un chef qui ne pouvait comme prévu procéder à l’enregistrement d’un ouvrage pour la marque de disques Melba, une maison d’édition australienne qui s’est spécialisée dans la gravure discographique de partitions confiées pour la plupart à des musiciens ‘locaux’ ; - on sait en effet que ces artistes ont assez de peine à se faire reconnaître en Europe et en Amérique. Le succès a été tel que l’on m’a demandé de reprendre la baguette pour d’autres enregistrements. Le plus intéressant dans cette offre est pour moi la possibilité de creuser dans le répertoire français, fort à la mode en Australie. J’ai donc – entre autres - pour mission de faire redécouvrir des partitions complètement oubliées comme cette Hélène de Saint-Saëns (l’œuvre date de 1904) dont l’enregistrement sortira en mars prochain, ou cet Ascanio (écrit en 1890), un personnage tiré d’une nouvelle de Benvenuto Cellini qui a inspiré au même compositeur une partition grandiose, un véritable Don Carlos à la française. C’est un projet qui devrait se concrétiser d’ici à deux ans. Ma plus belle découverte dans ce domaine a été jusqu’ici celle de partitions pour grand orchestre symphonique et voix de Louis Vierne, un compositeur que l’on associe plus généralement à l’orgue. Ses cinq partitions (Praxinoé, une légende lyrique pour orchestre, soli et chœurs écrite en 1903, Les Djinns et Psyché sur des vers de Victor Hugo (1912 - 1914), Eros, une ode d’Anna de Noailles (1916) et Dal Vertice sur un poème de Gabriele D’Annunzio (1917) sans parler de La Ballade du Désespéré) ont été composées sur des textes peut-être datés, mais qui offrent une musique tout simplement bouleversante au public d’aujourd’hui.

Votre intense activité discographique s’intègre-t-elle bien dans votre programme de concerts ?
Oui, car je me réserve des longues tranches de travail en Australie. Ainsi j’y pars très prochainement pour trois mois, ce qui me donnera l’occasion de diriger Carmen à l’Opéra de Sydney tout en peaufinant mon travail de préparation pour divers enregistrements. L’avantage de travailler pour cette maison de disques est grand, car son ouverture à tous les musiciens australiens me donne l’occasion de diriger tous les orchestres qui se produisent sur ce continent. Même s’ils sont encore peu connus ici en Europe, je puis vous assurer qu’ils n’ont pas à rougir de la comparaison avec leurs collègues géographiquement plus proches de vous.

Quelle sera votre nouvelle mission à la tête de l’Ensemble Vocal ?
Je ne reprends pas pour l’instant cet ensemble ; Michel Corboz est encore là, et il n’y a pas de raison de penser que cela ne va pas durer encore quelques années. Je suis là pour l’assister, le décharger lors des tournées qui sont loin d’être de tout repos, surtout lorsqu’elles sont fixées à des dates rapprochées. Je me considère donc comme un chef invité privilégié qui a son mot à dire dans le choix du répertoire ou dans l’organisation de tel ou tel concert.

Votre répertoire s’inscrira-t-il dans la ligne de celui qu’a cultivé M. Corboz ?
Oui et non ! (rire) J’ai déjà dirigé Bach et je ne vois pas pourquoi je cesserais de le faire simplement par souci de me démarquer de mon mentor ! Mais il est évident que j’ai été amené à diriger bien des partitions que Michel Corboz n’a jamais travaillées pour un concert, soit parce qu’elles l’intéressaient moins, soit parce qu’il préférait se concentrer sur certaines musiques dont il a toujours l’impression qu’il n’a pas encore fait le tour ! La musique du 20e siècle m’intéresse particulièrement et je compte bien l’inscrire à mes programmes. Mais je ne voudrais pas m’étendre sur ce chapitre, car pour l’instant nous en sommes aux préparatifs de cette année exceptionnelle d’anniversaire, et le reste n’est que de la musique d’avenir…

Propos recueillis par Eric Pousaz