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Les films d’avril 2007 - I partie

Commentaires sur les films : Daratt - Music and Lyrics (Le Come-back) - Je croix que je l’aime - La Consultation.

Article mis en ligne le avril 2007
dernière modification le 4 mars 2012

par Firouz Elisabeth PILLET

Daratt


(saison sèche), de Mahamat Saleh Haroun, avec Ali Bacha Barkai, Youssouf Djoro. Tchad, 2006. Prix spécial du Jury, venise 2006.

Au Tchad, en 2006 : le gouvernement accorde l’amnistie aux criminels de guerre ; la population civile réclame justice et crie vengeance. Parmi la foule des indignés, Atim, 16 ans, reçoit un revolver des mains de son grand-père pour aller retrouver l’homme qui a tué son père...
Atim quitte son village et part pour N’djaména, à la recherche d’un homme qu’il ne connaît même pas. Il le localise rapidement : ancien criminel de guerre, Nassara est aujourd’hui rangé, marié et patron d’une petite boulangerie. Il essaie d’apaiser sa conscience et de se racheter un pardon en fréquentant assidûment la mosquée du quartier. Chaque matin, il distribue du pain aux enfants qui mendient à sa porte. Un jour, Atim se joint au groupe de mendiants. Il fait croire qu’il cherche du travail et se fait embaucher par Nassara comme apprenti boulanger, avec la ferme intention de le tuer. Nassara le prend sous son aile et lui apprend l’art et la manière de fabriquer du pain. Une étrange relation se tisse bientôt entre les deux êtres. Malgré sa répugnance, Atim semble trouver chez Nassara la figure paternelle qui lui a toujours fait défaut. S’attachant à son apprenti au fil des mois, Nassara décide de l’adopter. Pour ce faire, il doit obtenir l’accord des parents d’Atim. Il doit donc accompagner le jeune homme dans son village natal.
Comme le souligne le réalisateur, son film ne s’intéresse pas à la guerre civile qui dure depuis plus de quarante ans au Tchad, mais aux conséquences de la guerre : « Ce qui m’intéresse, c’est le paysage après la tempête. La vie, obstinément à l’œuvre, dans les champs de ruines et de cendres. Comment en effet continuer à vivre ensemble après tant de violence et de haine ? Quelle attitude adopter face à l’impunité ? Se résigner ou faire justice soi-même ? Et quand on choisit cette dernière option, qu’est-ce que tuer un homme ?" Touché personnellement de près par la guerre civile, Mahamat Saleh Haroun a pris le parti de parler des blessures, parfois invisibles, mais toujours indélébiles, d’un conflit africain en particulier mais qui symbolise la douleur de toute l’Afrique post-coloniale.

« Daratt » de Mahamat Saleh Haroun
© Trigon films

La question de la filiation, de la transmission est au coeur de Daratt (saison sèche) : Atim recherche un père auprès du meurtrier même de son père ; l’ambivalence des sentiments plane sur tout le film. Cependant, on ne parvient pas à grandir et s’épanouir sans racines ; Atim finit donc par s’attacher à cet homme qui n’a de cesse de trouver un pardon et une quiétude. « Le film traite de l’apprentissage mais il traite aussi du pardon et de sa nécessité impérieuse pour pouvoir " grandir "", commente Mahamat Saleh Haroun. "Comment créer son propre chemin lorsqu’on hérite d’une situation historique et familiale et des devoirs qu’elle impose ? La mission que le grand-père d’Atim lui confie est extrêmement lourde ; il s’en acquittera... à sa façon.
La fin du film – que je vous laisse découvrir – atteste de la capacité de l’imaginaire à surmonter les écueils et à créer une nouvelle réalité. Le film, admirablement servi par des acteurs tous non-professionnels, met le spectateur sous tension. Avare de dialogues et de musique, la sobriété de Daratt exacerbe les sentiments. Ainsi, cet affrontement en huit-clos où chaque partie jauge, observe, évalue, scrute tout en apprivoisant, risque de malmener un temps le spectateur, et d’éveiller sa conscience.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Music and lyrics


(le come-back), de Marc Lawrence, avec Hugh Grant, Drew Barrymore. USA, 2007.

Le chanteur pop Alex Fletcher (Hugh Grant) a connu la gloire dans les années 80, avant d’en être réduit à hanter les podiums des parcs de loisirs, foires agricoles et autres fêtes foraines. Ce talentueux musicien, que chacun croit fini, se voit offrir un come-back de la dernière chance lorsque la jeune chanteuse Cora Corman l’invite à écrire et enregistrer en duo avec elle une chanson sur son prochain album. Fletcher a une semaine pour livrer sa création alors qu’il n’a jamais été parolier. Il sollicite les services littéraires de la fantasque et craquante Sophie Fisher, dont le verbe haut en couleur, aussi inventif qu’imagé, ravit notre artiste. C’est peut-être même la personnalité tout entière de Sophie qui illumine soudain la vie de Fletcher. Celle-ci hésite à collaborer avec un personnage aussi superficiel qu’Alex, mais « la musique, qui sait si bien adoucir les mœurs, a aussi le don d’enflammer les cœurs »
Cette romance connaîtra plein de remous et de rebondissement comme il se doit dans toute comédie américaine mais, rassurez-vous, le Happy ending est au rendez-vous. Ce petit film sans prétention, mais aux gros moyens, permet de passer un bon moment, sans trop fatiguer ses neurones. Hugh Grant est toujours aussi « tête-à-claques » mais ce rôle lui concède un supplément de charme, sachant que c’est lui qui chante et s’accompagne au piano. Pour tenir tête à un ego aussi imposant que celui de Hugh Grant, il fallait une actrice au naturel naïf et au charme indéniable, qualités que possède Drew Barrymore.

« Musics and Lyrics / le Come-back » de Marc Lawrence
© Warner Bros. France

Même si Music and lyrics n’a rien d’accrocheur, on se laisse entraîner dans ce spectacle léger et rafraîchissant. A force d’entendre la même chanson durant tout le film, on finit par l’apprécier, à notre corps défendant. Inutile de vous précipiter pour acheter la bande original du film puisque, comme vous l’avez compris, elle est assez limitée !
Moralité : prévoyez la projection de Music and lyrics lorsque vous aurez vu le dernier Altman ou le dernier Lars von Trier, et même si ce n’est pas dans mes habitudes, je vous recommande de vous munir d’un grand pot de pop-corn… Rien de tel pour passer le temps !
Firouz-E. Houchi-Pillet

Je crois que je l’aime


de Pierre Jolivet, avec Vincent Lindon, Sandrine Bonnaire. France, 2007.

Il y des comédies franco-françaises lourdingues et à l’humour plus que facile, du type Camoing, et il y les autres : les comédies françaises légères, servies par des dialogues savoureux et qui fleurent bon l’amour, comme le dernier film de Pierre Jolivet, Je crois que je l’aime. Le genre de french comédie que les Américains aiment bien nous emprunter pour en faire un remake à la sauce hollywoodienne. Et c’est là tout le mal que l’on souhaite à ce film.
Lucas, un riche industriel de 43 ans, divorcé, sort tout juste d’un terrible chagrin d’amour. Il rencontre alors Elsa, une jolie céramiste réputée de 38 ans à qui il a commandé une fresque pour décorer le hall de son entreprise. Irrésistiblement attiré par la jeune femme, Lucas va tenter de la conquérir.
Mais s’il est très habile en affaires, il est beaucoup moins à l’aise en amour, surtout depuis que ses concurrents lui ont envoyé une femme dont il n’a pas soupçonné une seul instant les manigances. Il est donc sur ses gardes ; avant de donner son cœur à une femme, il lui faut des garanties. Il va donc charger le détective privé de sa société, Roland Christin, de découvrir pour quelles raisons étranges cette jolie femme est encore célibataire, en mettant les méthodes d’investigation les plus modernes au service d’un sentiment ancestral : l’amour. Cela sera-t-il du goût de la belle artiste ?
Si ce film signe les retrouvailles de Sandrine Bonnaire et de Vincent Lindon quelques vingt ans après Quels jours avec moi de Claude Sautet, il marque surtout une première pour le réalisateur qui s’essaie à la comédie. Le romantisme est au rendez-vous, malgré les angoisses de Lucas, dans ce film essentiellement joyeux, drôle, parfois burlesque, qui parle avec justesse de la naissance de l’amour, cette période euphorisante où tout est permis et où tout se pardonne, y compris les caméras de surveillance dans l’appartement de la Dulcinée !

« Je crois que je l’aime » de Pierre Jolivet
© Frenetic films

Il est vrai que la mécanique horlogère du scénario permet d’anticiper et de prévoir les rebondissements ; cependant, la finesse de l’écriture, très enjouée, et le charme du duo d’acteurs, entraînent les spectateurs dans une moment d’évasion très réussi. On sort de ce film l’esprit serein, égayé, léger… Seule ombre au tableau : la prestation mitigée de la chanteuse Liane Foly qui ferait mieux de se contenter de son répertoire habituel !
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

La consultation


de Hélène de Crécy. France, 2007.

Dans le huis clos du cabinet de Luc Perino, médecin généraliste à Lyon, les consultations se succèdent et ne se ressemblent pas. Parce qu’on a souvent "plus besoin d’un médecin que de médecine", chacun vient déposer ses douleurs, ses doutes, ses joies, ses angoisses, son malaise, voire son mal être, ses demandes, ses attentes. En filmant ce face-à-face médecin/patient, la réalisatrice invite le spectateur dans l’antre de l’intimité, de l’interdit, dressant le portrait sensible d’une société fragile, en perte de repères et pleine de contradictions.
Il ne s’agit pas d’un coup d’essai pour la sexologue de formation puisqu’ Hélène de Crecy a déjà réalisé trois documentaires sur la sexualité des hommes et des femmes. En cherchant à savoir quelle place occupe la médecine dans notre société, la réalisatrice s’est immiscée discrètement dans le cabinet médical ; n’ayant d’abord l’autorisation que d’écouter ce qui se passait dans la salle de consultation, Hélène de Crécy a pu progressivement amener caméras et micros pour montrer comment la vie se passe entre ces quatre murs, révélant ainsi une facette méconnue de la relation soignant/soigné.

« La consultation » de Hélène de Crécy
© Ad Vitam

L’impression générale qui émane de ce film est emplie d’optimisme malgré les souffrances révélées, souvent plus morales que physiques. Les patients sont mis à nus et leur sincérité permet au médecin de comprendre leurs maux et de les aider. La réalisatrice a voulu mettre l’accent sur la vie, et non sur la maladie ou la souffrance : « Ce film est une maïeutique, un accouchement dans la douleur et pourtant on n’en sort pas démoralisé, il y a des rires, des clins d’œil, des moments d’espoir. »
La mise en scène, très intimiste, permet aux spectateurs de s’identifier tant aux patients qu’au médecin. Ce dernier, très humaniste, est particulièrement bien choisi : ses prises de position sont fermes tout en restant respectueuses des desiderata du patient. On s’attache rapidement à cette figure paternaliste qui rappelle les bons vieux médecins de campagne que l’anonymat des grands hôpitaux universitaires n’autorisent plus. Faisant face à des situations délicates, voire dramatiques, il garde son sang froid et ne perd jamais sa dimension humaine.
La consultation reste, bien évidemment, un documentaire d’une genre particulier qu’il est recommandé d’aller voir l’esprit libéré de toute préoccupation, en particulier de santé.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet