Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Festival du film et forum international sur les droits humains
Entretien : Stéphane Hessel

Stéphane Hessel ou l’espoir inoxydable. Entretien avec un homme engagé.

Article mis en ligne le mars 2009
dernière modification le 25 mars 2009

par Catherine GRAF

« Les Nations Unies ont fixé à la communauté internationale des objectifs incontestables : règlement pacifique des différends, promotion et protection des droits de l’homme, rôles égaux des femmes et des hommes, développement équitable et respectueux de l’environnement, lutte contre l’argent sale, celui de la drogue et du crime. Ces objectifs sont très loin d’être atteints. Mais le fait est là : ils ont été affirmés et réaffirmés par tous les États, et ce ne sont pas seulement les gouvernements qui y souscrivent de bonne ou de mauvaise foi, mais l’ensemble des acteurs de la société civile qui les prend à son compte »*

Vous êtes né à Berlin en 1917, naturalisé français en 1937, résistant avec de Gaulle, déporté, et parmi de multiples activités que vous poursuivez aujourd’hui encore vous avez participé à la fin de la seconde guerre à la rédaction de la Déclaration des Droits... signée à Paris le 10 décembre 1948. Qu’a représenté pour vous cette expérience ?
Stéphane Hessel : Cela a été un moment réellement enthousiasmant, formidable. Il fallait réaffirmer des valeurs et une vision du monde pour les générations à venir. Ce texte vraiment universel n’a pas été remis en question et aucun état sérieux n’a jamais voulu quitter l’organisation.
Il y a une pérennité institutionnelle avec le Conseil des Droits Humains, et des conventions importantes concernant notamment la torture, les génocides et les droits des enfants ont été signées. Ce travail à long terme est appuyé par l’engagement d’ONG de différents pays, comme la Fédération des Ligues des droits humains, Human Rights Watch ou Amnesty, entre autres. Toutes se réfèrent au texte de base et travaillent avec le Conseil des Nations Unies à Genève ; elles soumettent des rapports qui sont pris en compte. On peut dire que le monde s’est développé dans le sens des droits de l’homme. Mais si les textes sont importants, s’ils servent de base, l’essentiel est ce qu’ils permettent de faire sous la poussée de la société civile et avec l’engagement des gouvernements.

Mais quel est l’impact de ces textes sur le terrain depuis 1948 ?

Stéphane Hessel

Regardons d’abord le volet positif. La décennie 1990-2000 a été une période faste faite de progrès sensibles. On assiste à la fin du totalitarisme et de l’apartheid. Il y a eu notamment cinq conférences très importantes : en 1992 le Sommet de la Terre à Rio – très important Rio –, en 1993 celle des droits de l’homme à Vienne, d’où est issu le Haut Commissariat pour les Droits Humains, le sommet mondial pour le développement social – le concept d’intégration sociale – en 1995 à Copenhague et également la Conférence mondiale des Femmes à Pékin en septembre de la même année. En 1999 a été créé le Tribunal Pénal International et enfin en 2000 il y a eu la Déclaration du Millénaire pour le droit au Développement. Et de ce côté-ci de l’Atlantique plus spécifiquement, grâce à l’unification de l’Europe, il y a à Strasbourg depuis 1998 le siège de la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Après 2000 cependant, avec l’administration Bush, et surtout après le 11 septembre, nous avons vécu une période bien moins réjouissante avec la peur panique du terrorisme, le fait que la sécurité devienne beaucoup plus importante que la liberté, pour ne parler que des effets néfastes du Patriot Act, des prisons d’Abou Grahib, de Guantanamo et des détenus fantômes. Sans parler de la guerre en Irak contre laquelle aucun recours n’a été possible. Et je passe sur les conflits actuels au sujet desquels je me suis exprimé ailleurs. Peut-être est-il permis d’espérer qu’avec Obama nous entrons dans une nouvelle période.
Ce qui est important, c’est l’évolution de l’opinion publique et la conscience dans la citoyenneté mondiale du besoin de liberté et de progrès social. Certes il faut que les états se mettent d’accord pour avancer, mais la société civile est un magnifique levier de progrès..

Et aujourd’hui, quelle message adresseriez-vous aux jeunes générations ?
Il faut garder à l’esprit que c’est un idéal à atteindre pour tous les peuples et nations, que c’est une direction qui indique ce qui fait une société libre, juste, pacifique. Certes, le programme est à la fois prudent et ambitieux, mais c’est une ambition de valeur.
Oui, il faut s’engager sur la voie de la réalisation de cet idéal, car cela nous permet de construire notre avenir.

Propos recueillis par Catherine Graf

* « Danse avec le siècle » de Stéphane HESSEL, Seuil, p. 302