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Entretien avec un jeune cinéaste palestinien
Entretien : Sameh Zoabi
Article mis en ligne le octobre 2007
dernière modification le 21 septembre 2007

par Tahar HOUCHI

Sameh Zoabi est un jeune cinéaste palestinien, porteur d’un passeport israélien, et vivant à New York. Après le succès de son premier court Be Quiet (2005), il a présenté un nouveau projet, Man without a Cell Phone, dans le programme Open Doors initié par le festival du film de Locarno. Dans cet entretien, il revient sur sa condition de cinéaste partagé, d’une part, entre la Palestine et l’Israël, d’autre part, entre l’Amérique et l’Europe. Rencontre.

Que signifie être réalisateur palestinien vivant à New York et porteur d’un passeport israélien ?
Ce n’est pas évident. Nous sommes constamment confrontés, et ce des deux côtés, à des préjugés qui, avec le temps, pèsent lourdement aussi bien sur la personne que sur le créateur. C’est un combat de tous les jours que de dépasser ses pressions et pièges.

Sameh Zoabi

Croyez-vous que cela vous met plus le coteau sur la gorge en rendant plus présente la censure dans votre processus de création ?
La situation s’est compliqué à tel point qu’on n’arrive plus à percevoir le sens aisément. Les Palestiniens, notamment ceux qui habitent en Israël et à l’étranger, n’arrivent plus à comprendre leur identité. Avant, nous étions un seul peuple qui veut défendre son identité, ses biens, son pays et ses droits bafoués etc. Aujourd’hui, nous sommes partagés entre plusieurs identités et aspirations : ceux de l’étranger, ceux de l’intérieur, ceux d’Israël etc. Cela a impliqué aussi des différences sur le plan cinématographiques.

Votre projet est proposé à plusieurs producteurs au sein du programme Open doors. Quelles sont les réactions suscitées ?
J’ai travaillé sur ce projet depuis 2 ans. Je viens juste de le terminer. Open doors tombe à point nommé. Il y a eu de l’intérêt car le film que je propose traite du conflit israélo-palestinien, et ce avec un angle humaniste. Eu égard au ton tragi-comique que j’adopte, le film reste léger et porteur de quelques messages politiques. L’idée n’est pas de choquer le spectateur mais de le mettre en condition de bien recevoir le message qu’on veut lui transmettre.

Autre écartèlement : vous êtes Palestinien d’Israël et vous résidez aux USA. Qu’est-ce que cela implique pour vos recherches de fonds ?
Aux USA cela ne fait aucune différence. Tout dépend du travail et du projet qu’on présente. Je suis étonné de constater qu’en Europe le passeport est important. Or, moi je ne peux pas changer de lieu de résidence ou trouver un autre passeport juste pour avoir des fonds. J’ai essayé de trouver des fonds arabes, mais cela n’est pas possible. Comment financer un film palestinien qui est tourné en Israël ? Aujourd’hui, pour moi et mes confrères, le but est de trouver des fonds peu importe d’où ils viennent. A contrario, la force du réalisateur réside dans sa capacité de préserver ses idées et sa vision du cinéma.

Vous êtes donc entre deux systèmes de financement à savoir l’américain et l’européen. Comment vivez-vous cela ?
J’ai étudié aux USA et je reste influencé par cette culture. Je suis venu en Europe pour chercher des financements. J’ai du réaliser qu’il y a d’énormes différences entre les deux systèmes. Aux USA, par exemple, le financement de films non parlés en anglais est presque impossible.

Votre premier film montre des signes de conscience politique. La cause palestinienne pèse-t-elle sur votre travail ?
Naturellement. Je regarde la cause palestinienne comme une cause humaine et juste. Il est du devoir de toute personne humaine de soutenir son règlement. En tant que réalisateur je soutiens toutes les causes humaines et justes.

Propos recueillis à Locarno par Tahar Houchi/MINFOS