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En marge du festival de Cannes
Entretien : Abbas Kiarostami

Rencontre avec un cinéaste engagé.

Article mis en ligne le septembre 2010
dernière modification le 19 août 2010

par Firouz Elisabeth PILLET

Abbas Kiarostami brise les frontières avec Copie conforme, un film multiculturel. Lors d’une conférence de presse marquée par l’annonce de la grève de la faim entamée par Jafar Panahi, emprisonné en Iran depuis 81 jours, le cinéaste Abbas Kiarostami, entouré de ses acteurs principaux, Juliette Binoche et William Shimell, a tenu à prendre la parole avant toute question des journalistes.

Son dernier film, Copie conforme, dépeint la rencontre troublante et envoûtante entre une galeriste française et un écrivain britannique. Dans un village toscan, ils passent quelques heures ensemble. Ils ne se connaissent apparemment pas, mais le jeu des apparences est trompeur.
Le cinéaste a entamé la conférence de presse en rappelant la situation de Jafar Panahi, victime d’un gouvernement qui censure tous les créateurs, quel que soit le mode d’expression ; Abbas Kiarostami a ainsi souligné : «  Avant de parler de Copie conforme, je dois évoquer un sujet que nous ne pouvons ignorer : le cinéma qui est mis à mal en Iran et dont je suis profondément attristé. Le fait qu’un cinéaste soit emprisonné est intolérable. Je crois qu’il est impossible de rester indifférent ni de cesser d’espérer. Il y a eu une telle mobilisation en Iran comme à travers le monde dans les arts. J’ai publié une lettre ouverte en mars 2010 qui n’a été publiée qu’aux Etats-Unis. Quand les autorités empêchent Jafar Panahi d’exprimer son art, c’est tous les cinéastes qui sont menacés d’être muselés. Panahi n’a été accusé que d’une intention, sans que le contenu de son film ait été examiné. »

Abbas Kiarostami
Photo Laurent Thurin Nal

Vous avez aussi connu de tels problèmes avec les autorités iraniennes par le passé. Avez-vous encore peur pour votre liberté puisque vous vous manifestez ?
De longue date, le gouvernement iranien met des bâtons dans les roues des cinéastes indépendants. Les responsables du gouvernement iranien estiment que, s’ils n’approuvent pas un film indépendant, cela relève d’accointances politiques avec des pays étrangers et non de la valeur artistique. Nous devons subir continuellement ce malentendu. A ce jour, je n’ai jamais eu peur. Cependant, l’arrestation de Jafar Panahi signifie que les responsables du régime ont dépassé certaines limites.

Quel est votre meilleur souvenir de Cannes où vous êtes déjà venu plusieurs fois ?
Le souvenir le plus mémorable est ma première venue à Cannes, mon film ne concourait pas. J’ai reçu un appel de Gilles Jacob un dimanche après-midi pour me demander de monter les marches le soir même. J’ai dû trouver un passant qui a accepté de me prêter sa tenue de soirée et j’ai ainsi reçu le Prix Rossellini. J’étais présent pour présenter Et la vie continue et j’étais désespéré en arrivant à Cannes, incertain d’avoir fait un film qui serait reconnu. La reconnaissance amenée par ce prix m’a réconforté et a légitimé mon art comme cinéaste.

« Copie Conforme » par Abbas Kiarostami

Le personnage de James Miller est-il votre double ?
Tout au long des films que j’ai réalisés, j’ai été tous mes personnages. Dans Copie conforme, je suis à la fois le personnage de Juliette Binoche, de William Shimell et de l’enfant. Cela nourrit mon rapport au cinéma. Mon cinéma ne découle ni de la littérature ni d’autres films mais de la vie réelle.

Quel est le message intrinsèque au titre du film ?
Je n’avais pas l’intention de m’adonner à une réflexion sur la copie et l’original. Je cherchais un prétexte pour que cette femme et cet homme se rencontrent. J’ai imaginé un auteur qui aurait écrit sur les arts et une galeriste intéressée par son ouvrage afin qu’ils partagent une passion. Le sous-titre du film importe plus que le titre : “Forget the original, get a good copy”. Je n’aime délivrer ni messages ni morales dans mes films mais si il faut retenir un message dans Copie conforme, c’est que la valeur d’une œuvre d’art comme des êtres humains dépend immensément du regard que vous portez sur lui.

De Cannes, Firouz-Elisabeth Pillet