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Cinémathèque suisse en octobre 2015

Compte-rendu

Article mis en ligne le 2 octobre 2015

par Raymond SCHOLER

La programmation est consacrée à Francesco Rosi (16 longs métrages seront projetés), et mini-rétro autour de Capucine.

Francesco Rosi
Aucun des 16 longs métrages (souvent de véritables films-dossiers) de ce cinéaste napolitain engagé, figure de proue de Positif, ne manque à l’appel. Le réalisme critique se manifeste dès son premier film : La Sfida/Le Défi (1958), sur une vengeance terrible dans la pègre napolitaine, permet au cinéaste de reconstituer les raisons des problèmes de la camorra, qui, initialement société secrète agraire dans le domaine des intermédiaires du commerce des légumes et fruits, est maintenant soumise à la pression du crime organisé en pleine expansion.

Alberto Sordi dans « I Magliari »

Son deuxième film, I Magliari (1959), qui est aussi son premier chef-d’œuvre, montre la pénétration de la camorra dans la vie des ouvriers napolitains exilés dans le Hambourg de l’après-guerre : Alberto Sordi y campe un escroc inimitable. Avec son troisième film, Salvatore Giuliano (1961), les ambitions stylistiques et idéologiques du cinéaste s’affirment pleinement. Rosi abandonne la narration linéaire de ses premiers films. Le mythe du légendaire brigand sicilien est passé au crible de l’analyse politique. Giuliano n’est jamais le sujet de l’action, mais plutôt l’emblème d’une société résultant de l’enchevêtrement du pouvoir politico-économique et de la mafia. Le Mani Sulla Città (1963) démasque les politiciens corrompus, impliqués dans les spéculations foncières qui ont défiguré la ville de Naples. Reconnu comme le spécialiste en matière d’analyse du Pouvoir, Rosi rencontre peu d’échos favorables avec ses deux films suivants, Il Momento della Verita (1964, sur la tauromachie) et C’era una Volta (1966, où Sophia Loren campe une Cendrillon altière pour le prétendant au trône de Naples, Omar Sharif). Uomini contro (1970) est un cri de colère contre l’idiotie de la guerre où les hommes se font massacrer dans des actions absurdes sur le front des Alpes durant la Première Guerre mondiale. Avec Il Caso Mattei (1971) et Lucky Luciano (1973), Rosi retourne à la dramaturgie et aux spécificités stylistiques et thématiques de Salvatore Giuliano, essayant de mieux comprendre la texture de la vie politique italienne. Cadaveri Eccelenti (1975), sur une série d’assassinats de juges, fut tourné en pleines années de plomb : les marionnettistes resteront à jamais inconnus.

Charles Vanel dans « Tre Fratelli »

La dénonciation sociale est la préoccupation principale des films qui suivirent : Cristo si e fermato a Eboli (1979, sur le fascisme), Tre Fratelli (1981, sur la déliquescence sociale ambiante), Dimenticare Palermo (1990, sur l’omniprésence de l’hydre mafieuse). Seuls l’opéra filmé Carmen (1984) et l’adaptation du roman de G. G. Marquez, Cronaca di una morte annunciata (1987), relèvent plus du monde des émotions que de la méthode matérialiste. La Tregua (1996), où Primo Levi raconte son retour d’Auschwitz, est l’ultime avertissement d’un cinéaste qui en avait gros sur le cœur à cause de la turpitude du genre humain.

Capucine
Le destin tragique de cette Lausannoise d’adoption jette un voile de tristesse sur l’hommage que la Cinémathèque lui a concocté, en relation avec l’exposition au Musée Alexis Forel à Morges et le roman biographique que Blaise Hoffmann lui a consacré aux éditions Zoé. À l’exception de Bluff – Storia di truffe e di imbroglioni (1976) de Sergio Corbucci, où Capucine campe une propriétaire de casino qui se laisse berner par des escrocs à propos du trésor des Nibelungen, les titres choisis sont bien connus. Blaise Hoffmann sera présent le 2 octobre pour présenter North to Alaska (Henry Hathaway, 1960), où on retrouve l’actrice dans les bras de John Wayne, et le 14 octobre pour What’s new Pussycat (Clive Donner, 1965), où elle doit se décider entre Peter O’Toole et Woody Allen. Un des meilleurs films de Joseph L. Mankiewicz, The Honey Pot (1967), une variation sur Volpone de Ben Johnson, réunit Capucine, Edie Adams et Maggie Smith autour du playboy mourant Rex Harrison. Et pour ceux qui n’auraient toujours pas vu Fellini Satyricon (1969), cette mini-rétro donne l’occasion de le rattraper.

Napoléon
Le 8 octobre, Hervé Dumont dévoile son pavé (724 pp., env. 900 ill.) Napoléon – L’Epopée en 1000 films . Oui, vous avez bien lu. Comme le signale Jean Tulard dans sa préface au magnifique ouvrage : « Ni Jésus, ni Lincoln, ni Lénine, ni Jeanne d’Arc, ni les Borgia, ni Cléopâtre […] ne peuvent prétendre rivaliser avec l’Empereur quant au nombre d’apparitions filmées ». Cette somme prodigieuse se vend au prix incroyable de 39 CHF !! Projection à l’appui : Monsieur N. (2003) d’Antoine de Caunes avec Philippe Torreton dans le rôle de l’Empereur.

Raymond Scholer