Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Septembre Musical, Montreux
Portrait : Daniele Gatti

Daniele Gatti dirige l’Orchestre National de France le 5 septembre 2010.

Article mis en ligne le septembre 2010
dernière modification le 23 septembre 2010

par Christian WASSELIN

Des choix raisonnés, le souci de se hâter lentement, un crescendo irrésistible : tel est le profil de la carrière de Daniele Gatti.

Comme un mouvement de symphonie
Si l’on jette un œil rétrospectif sur la carrière de Daniele Gatti, on se rend compte qu’elle est conçue à la manière d’un premier mouvement de symphonie : un allegro précédé d’une introduction lente.
L’introduction, c’est la manière dont Gatti, depuis ses débuts de chef, a fait des choix qui lui ont permis d’apprendre et de parfaire son métier. L’allegro, c’est la façon dont sa carrière s’épanouit depuis quelques années, et en fait l’un des chefs les plus demandés du moment.
Tout a commencé pour lui ce beau soir de 1973, à l’occasion d’une représentation de La Cenerentola de Rossini à la Scala de Milan sous la direction de Claudio Abbado. Le jeune Daniele n’a alors que douze ans mais il prend conscience de sa vocation.

Daniele Gatti

Quinze ans plus tard, le voilà à son tour dans la fosse de la Scala. A l’affiche, Rossini – mais un Rossini méconnu, L’occasione fa il ladro (L’occasion fait le larron), dans une mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle. Le cadeau est de taille, mais Gatti s’interroge : n’est-ce pas trop tôt ? « Je crois qu’un jeune musicien, dans lequel il y a aussi un jeune homme, doit suivre différentes étapes, conquérir pas à pas son territoire, afin d’arriver après une lente maturation dans les grandes institutions, explique-t-il. Il est bon d’avoir toujours un escalier devant soi, de faire preuve d’humilité, de parvenir à chacun des sommets avec un peu de fatigue. » (1) De fait, il attend 1993 pour revenir à la Scala (toujours Rossini, cette fois Tancredi), puis de nouveau laisse passer quatorze ans avant de répondre à l’invitation de Stéphane Lissner. Et cette fois avec gourmandise : en faisant l’ouverture de la saison 2008-2009 avec Don Carlo, en dirigeant Lulu la saison suivante.
Ces deux décennies d’attente ou de préparation, Daniele Gatti les a mises à profit pour se frotter au répertoire. Il est principal chef invité à Covent Garden puis, de 1997 à 2007, directeur musical du Teatro comunale de Bologne. Un théâtre qui n’a pas a priori l’aura de la Scala, de la Fenice de Venise ou du San Carlo de Naples, mais un théâtre dont il repense de fond en comble l’organisation. « J’ai aussi essayé d’élever le niveau musical de la maison, j’ai amené des ouvrages comme Leonore de Beethoven ou The Rake’s Progress, qui n’y avaient jamais été joués. » Sérieux et concentré, il s’interdit pendant cinq ans de diriger des opéras à l’étranger puis, sûr que le Teatro comunale est sur la bonne voie, accepte de venir au Staatsoper de Vienne (Simon Boccanegra, Moses und Aaron, Otello, Boris Godounov, Falstaff).

Du Met à Bayreuth
Aujourd’hui, Daniele Gatti est fêté partout : au Metropolitan Opera de New York, à l’Opéra de Zurich (où il est chefdirigent), mais aussi à Bayreuth où depuis 2008 il dirige Parsifal dans une production de Stefan Herheim.
Chef lyrique, Daniele Gatti aborde le concert avec la même méthode : « J’ai attendu d’avoir quarante ans pour diriger la Philharmonie de Vienne ; rien ne sert de partir à toute vitesse à vingt-cinq ans et de rencontrer des problèmes peu après. Avoir de la chance, c’est non seulement avoir du talent, c’est aussi avoir la tête qui vous explique comment faire fructifier ce talent ».
A la tête du Royal Philharmonic Orchestra de 1996 à 2009, il est depuis septembre 2008 directeur musical de l’Orchestre national de France, avec lequel il a entamé une intégrale Mahler, symphonies et lieder, conçue sur trois saisons, laquelle permettra en 2010-2011 d’entendre les Kindertotenlieder et les Rückert-Lieder chantés par le baryton Matthias Goerne qui nous a déjà offert la saison dernière des lieder Des Knaben Wunderhorn d’une insoutenable douceur.
Si on considère le répertoire dirigé par Daniele Gatti, on se rend compte que l’Italie et les pays germaniques raflent la mise : « J’aimerais aborder Pelléas, mais il faut me laisser encore du temps. Quant à des ouvrages comme Carmen, non, vraiment je n’ai pas le feeling. Je reconnais que mon répertoire est circonscrit à la seconde moitié du XIXe siècle et à la première moitié du XXe. »
A une réserve près cependant : Daniele Gatti dirige aussi sa propre musique. On a pu entendre un Divertimento de sa plume lors du Festival de Radio France et Montpellier 2009. Est-ce le prélude à d’autres surprises, qui bien sûr devraient venir à leur heure ?

Christian Wasselin

(1) Toutes les citations sont extraites d’un entretien paru dans « Opéra magazine » n° 48, février 2010.