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Festival de Lucerne
Lucerne : Ovations pour Bernard Haitink

Bernard Haitink et Brahms.

Article mis en ligne le 1er juin 2011
dernière modification le 22 mars 2013

par Emmanuèle RUEGGER

Après le grand succès du cycle Beethoven au Lucerne Festival, réalisé la saison 2008/2009, Bernard Haitink propose cette saison un cycle Brahms, toujours avec le Chamber Orchestra of Europe.

Triste et mélancolique
Le grand chef néerlandais, qui habite depuis quelques années en Suisse, au bord du lac des Quatre-Cantons, est un spécialiste de la musique de l’époque romantique ce qui se ressent, tant il est à l’aise dans l’atmosphère brahmsienne. Johannes Brahms était introverti et mélancolique ; aussi toute son œuvre est-elle caractérisée par une certaine tristesse, même quand elle est sereine.
Les Sérénades, op.11 et op.16, des œuvres de jeunesse, qui ont ouvert le cycle l’automne passé lors de deux concerts, représentent une exception. A cette note légère suivaient respectivement le Premier puis le Deuxième concerto pour piano. Le pianiste américain Emanuel Ax les a exécutés avec art, le premier, héroïque, avec virtuosité, le second, plus serein, avec sensibilité. Applaudissements nourri pour le soliste, le chef et l’orchestre, élargi pour la circonstance.
Autant pour le festival « au piano ». Ce printemps le cycle a continué avec trois contributions attendues au festival « avant Pâques ». Le premier concert s’est ouvert avec le célèbre double concerto, interprété par Renaud et Gautier Capuçon au sommet de leur talent. Du violoncelle de Gautier s’élève une voix pleine et chaude, le violon de Renaud (un Guarneri del Gesù offert par une banque suisse) est volubile et vif, tellement, qu’une corde a lâché pendant le premier mouvement. En un instant, Renaud attrape l’instrument de la « Konzertmeisterin » et continue comme si de rien n’était. Evidemment, le son a changé de qualité. Heureusement, une fois la corde ajustée, les deux mouvements restant ont pu être exécutés dans toute leur beauté. La deuxième partie du concert consistait en la première symphonie du compositeur allemand.

Bernard Haitink
© Anderhub

Subtilités et recueillement
Opprimé par le poids que représentait l’œuvre de Beethoven, Brahms mit du temps à composer sa première symphonie. Celle-ci est pourtant bien réussie, tissée de subtilités et articulée de formes qui renouvellent le genre. Selon Haitink, un orchestre restreint, tel la phalange européenne présente, est particulièrement apte à faire sonner ces subtilités et les fines structures. Accueil enthousiaste pour le double concerto et la symphonie.
Le Lucerne Festival aime proposer des œuvres d’inspiration religieuse avant Pâques ; aussi le Deutsches Requiem pour solistes, chœur et orchestre a-t-il trouvé sa place dans cette partie du cycle Brahms. Libéré de la structure d’une messe latine, l’œuvre qui ne propose que des paroles de l’Evangile s’élabore cependant aussi à partir de la mort du Christ et de la rédemption de l’humanité. Remarquables Sally Matthews, soprane, et Christian gerhaher, baryton. Le Chœur Arnold Schönberg était à la hauteur de sa réputation.
Le concerto pour violon et la deuxième symphonie clôturaient le cycle Brahms ce printemps.
Les deux œuvres ont été composées en ut majeur, la tonalité de la sérénité. Le violoniste grec Leonidas Kavakos, à l’aise, a interprété le concerto avec brio. Bernard Haitink était particulièrement inspiré pendant sa direction de la lumineuse deuxième symphonie. Loin de brasser de l’air, sa direction est concise mais communicative. L’architecture raffinée de l’œuvre vibrait, vivante. Le maître néerlandais a élevé le Chamber Orchestra of Europe à son meilleur niveau. Ovations pour les deux.
Pendant le festival « avant Pâques » Bernard Haitink a également prodigué ses conseils lors de master classes de direction d’orchestre. Personnalité humble, il n’en est pas moins décidé. Ses conseils aux jeunes chefs sont précis et pertinents : « Ne perdez pas le contact avec l’orchestre, ne dirigez pas dans un rêve. Regardez les musiciens, donnez-leur des impulsions. » Et surtout « sentez la dramaturgie de la pièce. » En l’occurrence, il s’agissait de la quatrième symphonie, toujours de Brahms.
Le dernier volet de ce cycle sera présenté cet été. Il comprendra des ouvertures et les symphonies 3 et 4, respectivement les 23 et 25 août 2011. De beaux concerts en perspectives !

Emmanuèle Rüegger